PAR LES Drs MATEO STREHO* ET MICHEL PUECH**
AVEC PLUS de 600 000 interventions en 2009, la chirurgie de la cataracte est l’intervention la plus pratiquée en France. L’implant intraoculaire placé dans le sac capsulaire est le système optique le plus proche de celui de l’œil phaque normal, en provoquant le minimum d’aniséiconie (différence de taille d’images perçues entre les deux yeux). L’évolution des techniques a permis d’améliorer la précision des calculs, ce qui est de plus en plus utile en cas d’utilisation d’implants dits « Premium », permettant, soit la correction simultanée de la vision de loin et de près (implants multifocaux ou accommodatifs), soit la correction de l’astigmatisme cornéen (implants toriques), soit les deux (implants toriques multifocaux). La biométrie oculaire avec calcul d’implant est nécessaire pour tous les patients opérés de la cataracte pour déterminer la puissance de l’implant qui donnera soit l’emmétropie soit une amétropie choisie au préalable. D’après Drexler et al. (Am J Ophthalmol1998;126(4):524-34.), la précision réfractive postopératoire dépend de plusieurs paramètres : la précision des mesures de biométrie, la précision des formules utilisées, la précision des techniques chirurgicales et la précision dans la puissance des implants utilisés.
Mesure de la longueur axiale.
La longueur axiale est la distance entre la face antérieure de la cornée et le plan rétinien au niveau maculaire. Plusieurs techniques existent pour mesurer la longueur axiale. La première, la plus repandue,est la mesure par échographie mode A, qui se pratique le plus souvent en mode d’aplanation. Les limites de la précision des mesures obtenues avec cette technique peuvent être liées à une aplanation trop importante et/ou à l’absence de contrôle de l’axe de mesure. L’échographie en mode B permet, sur une coupe en deux dimensions, d’avoir un contrôle de la position du vecteur de mesure que l’on place ainsi sur l’axe visuel (figure 1) De plus, cette technique offre l’avantage de pouvoir examiner, dans le même temps, la totalité du segment postérieur en préopératoire, ce qui représente un avantage certain en cas de perte importante de transparence des milieux. Plus récemment, une technique de mesure fondée sur le principe de l’interférométrie (rayon lumineux infrarouge) a permis de pratiquer des mesures de longueur axiale de façon précise et reproductible, sans contact et pouvant être délégué à un orthoptiste (figure 2). Les limites de ces appareils sont la nécessité d’une bonne fixation et d’une bonne coopération. Ils peuvent être pris en défaut en cas d’opacités trop importantes des milieux transparents (cataracte blanche, cataracte brune, hémorragie, synchisis étincelant) ou de longueur axiale trop importante, représentant à peu près 10 % des cas. La Blue Mountain Eyes Study a montré, dans une population caucasienne, que la longueur axiale moyenne mesurée par méthode d’interférométrie est de 23,44 mm.
Kératométrie.
La kératométrie peut être mesurée par plusieurs techniques allant du Javal à la topographie cornéenne. On retiendra qu’il est préférable de garder les valeurs de kératométrie exprimées en millimètres pour éviter les risques d’erreur induits par l’indice de réfraction de la cornée, qui ne fait pas consensus et est variable d’un appareil à l’autre. Globalement, une erreur de 0,1 mm dans la longueur axiale entraînera une erreur réfractive de 0,25 D en postopératoire sur un œil standard. Une erreur de 0,1 mm sur la kératométrie entraînera une erreur réfractive de 0,5 D en postopératoire.
Dans les nouvelles formules, pour une plus grande précision, de plus en plus de paramètres sont mesurés en préopératoire et utilisés par les formules les plus récentes : profondeur de chambre antérieure, épaisseur du cristallin, distance blanc à blanc…
Les formules de calcul.
Depuis la première formule théorique de Fedorov en 1967, plusieurs générations ont vu le jour. Il s’agit essentiellement de formules théoriques (règles d’optiques géométriques appliqués à des yeux schématiques) ou de formules de régression (fondées sur l’analyse statistique a posteriori des résultats réfractifs de grandes cohortes de patients). De nos jours, les formules les plus utilisées sont les formules théoriques dites de troisième génération : SRK/T, Holladay 1 et Hoffer-Q. Plusieurs travaux ont montré la pertinence des différentes formules en fonction de la longueur axiale. Globalement, en dessous de 22 mm, les formules Holladay 1 et Hoffer-Q semblent plus performantes, de 22 à 26 mm (95 % de la population) toutes les formules donnent des résultats comparables et au-delà de 26 mm la formule SRK/T semble plus performante. Une quatrième génération de formules (Holladay 2, Haigis, Olsen) est en train de voir le jour, amenant encore plus de précision, notamment dans les fortes amétropies. Mais elles doivent être bien validées avant une utilisation étendue. D’après Aristodemou et al. (J Cataract Refract Surg 2011;37(1):63-71.), la précision réfractive postopératoire des formules avec optimisation de la constante A est de ± 0,25 D dans 40 %, ± 0,5 D dans 75 % et ± 1 D dans 95 % des cas.
Biométrie après chirurgie réfractive de la myopie.
La chirurgie réfractive cornéenne, dont les premiers bénéficiaires arrivent à l’âge de la cataracte, est un véritable challenge pour une biométrie précise. Markovits a été le premier, en 1986, à signaler l’erreur dans le calcul de la puissance de l’implant après chirurgie par kératotomie radiaire (jusqu’à 6 D). Le principal écueil est la difficulté à mesurer la véritable puissance cornéenne avec un risque de sous-évaluation de la puissance de l’implant et, par conséquent, un risque d’hypermétropisation. Plusieurs méthodes de calcul existent, la méthode dite de référence étant « l’histoire réfractive » lorsque l’on dispose des données kératométriques et réfractives en préopératoire et en postopératoires avant la survenue de la cataracte. Ces données étant rarement réunies, plusieurs auteurs ont proposé des formules qui s’affranchissent des données préopératoires : Rosa, Kim, Shammas, Auffard, double-K… Ces formules, basées souvent sur des méthodes de régression, sont cependant régulièrement prises en défaut lorsque les paramètres oculaires du patient s’éloignent des paramètres de l’échantillon ayant servi à éditer ces formules.
Il reste donc très utile de conserver la kératométrie de départ (avant chirurgie réfractive) et la différence réfractive produite par le ou les gestes réfractifs, pour tout patient opéré de chirurgie réfractive cornéenne (aussi bien KR, PKR ou LASIK). Il est en outre nécessaire de prévenir le patient du risque d’erreur possible.
Le calcul d’implant progresse en précision, grâce à des techniques de mesures de plus en plus performantes. Cette évolution reste cependant confrontée à une variation des résultats souvent liée à des variations anatomiques des différents globes oculaires. Les erreurs de mesures restent possibles, avec une difficulté particulière liée à la déformation cornéenne après chirurgie réfractive. Dans ce cas, la précision du calcul est plus réduite et nécessite un bilan plus complet avec une bonne information du patient à qui un traitement complémentaire pourra être proposé en cas de réfraction résiduelle ne correspondant pas aux attentes préopératoires.
Pour la chirurgie classique de la cataracte, Thomas Olsen a identifié les sources d’erreur réfractive postopératoire (J Cataract Refract Surg 1992;18(3):280-5.) : la longueur axiale en est la source dans 54 %, l’estimation de la profondeur de chambre antérieure postopératoire dans 38 % et la kératométrie dans 8 % des cas. Ainsi, pour obtenir les meilleurs résultats réfractifs, les mesures doivent être les plus précises possibles, les formules doivent être adaptées à chaque cas, si possible en optimisant les constantes. L’apport de la biométrie par interférométrie a permis d’améliorer la précision des mesures de façon statistique, mais, en cas de discordance entre la réfraction et la longueur axiale, d’anisométropie, de fortes amétropies ou de troubles trop importants des milieux transparents, la biométrie guidée par le mode B peut constituer une solution très utile.
*Centre Explore Vision et Centre Cochin Ambulatoire d’Ophtalmologie, Paris
**Centre Explore Vision et CHNO des 15-20, Paris
Figure 1: Biométrie par échographie en mode B avec contrôle visuel du vecteur chez un patient myope fort avec staphylome important
Figure 2 : Mesure de longueur axiale par IOL-Master (Zeiss): les mesures sont complétées par la valeur du signal sur bruit qui donne une bonne information sur la qualité du signal obtenu et optimise la précision des mesures
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