L’appréciation de la balance bénéfice-risque de l’aspirine lors d’une chirurgie, cardiaque ou non, chez des patients à risque d’événements cardiovasculaires (CV) est difficile. Sur la base de registres, certaines recommandations proposent de la maintenir chez les patients en recevant, alors que dans d’autres recommandations, le risque hémorragique a conduit à la faire arrêter transitoirement en péri-opératoire.
Un seul grand essai thérapeutique contrôlé, conduit en double aveugle contre placebo, est disponible, l’étude POISE 2 (Perioperative Ischemic Evaluation 2) paru en 2014. Ses résultats ne sont pas en faveur du maintien ou de la prescription d’aspirine chez les patients à risque CV élevé devant avoir une chirurgie non cardiaque. Dans cet essai conduit chez 10 010 patients, le maintien de l’aspirine chez ceux en prenant déjà ou son administration chez ceux n’en prenant pas, par rapport à la substitution par un placebo ou à la prescription d’un placebo, ne modifie pas le risque de décès CV ou d’infarctus du myocarde (IDM) à 30 jours (706 événements ; HR : 0,99 ; IC95 % : 0,86-1,15 ; p = 0,92) mais augmente significativement le risque d’hémorragies majeures (328 événements ; HR : 1,23 ; IC95 % : 1,01-1,49 ; p = 0,04).
Cette étude incite donc à arrêter transitoirement l’aspirine en péri-opératoire d’une chirurgie non cardiaque chez les patients stables en recevant au long cours.
Et en chirurgie cardiaque ?
Les investigateurs de l’étude ATACAS ont voulu évaluer si l’administration d’aspirine, juste avant une chirurgie coronaire a un rapport bénéfice-risque favorable. Conduite chez 2 100 patients, son résultat semble sans ambiguïté : pas de réduction des événements du critère primaire (IDM non fatal, AVC, embolie pulmonaire, insuffisance rénale ou infarctus mésentérique) à 30 jours (417 événements ; RR : 0,94 ; IC95 % : 0,80-1,12 ; p = 0,55) mais pas non plus d’augmentation du risque d’hémorragies conduisant à une réintervention (41 événements ; RR : 0,87 ; IC95 % : 0,47-1,60 ; p = 0,75).
Un protocole particulier
De fait, cette étude ne répond pas à la question de pratique que se posent les médecins : faut-il ou non continuer l’aspirine chez des patients devant avoir une chirurgie cardiaque ?
En effet, le protocole de l’étude a été construit de façon à n’inclure que des patients ne prenant pas d’aspirine depuis au moins 4 jours avant l’intervention (que ce soit par arrêt du traitement ou par absence de prescription) et afin d’évaluer l’effet d’une dose orale de 100 mg d’aspirine prise juste avant l’intervention, versus un placebo, tous les patients recevant ensuite de l’aspirine.
Ainsi, cette étude ne permet d’aboutir qu’à une seule conclusion : chez les patients ne recevant pas d’aspirine depuis au moins 4 jours avant une chirurgie cardiaque administrer de l’aspirine juste avant la chirurgie n’a ni effet bénéfique ni effet délétère et, il n’y a pas d’intérêt à en prescrire juste avant une chirurgie cardiaque.
Dunkerque
Myles PS et al. N Engl J Med 2016 Feb25;374(8):728-37doi:10.1056/NEJMoa1507688.
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