Le traitement de l’ischémie cérébrale en phase aiguë a pour objectif d’augmenter la proportion de survivants sans handicap. L’unité neurovasculaire (UNV), la thrombolyse intraveineuse (IV) par recombinant tissue plasminogen activator (rt-PA), l’aspirine, et la craniectomie décompressive chez les patients à risque d’infarctus malin, étaient jusqu’a peu les quatre seules modalités thérapeutiques disponibles. Pour 1 000 patients traités, on compte 50 survivants indépendants supplémentaires avec l’UNV, 143 avec le rt-PA IV dans les 3 heures et 71 entre 3 heures et 4 heures 30, 12 avec l’aspirine, et 500 avec la craniectomie décompressive. En population, le nombre de survivants indépendants supplémentaires par million d’habitants et par an est de respectivement 120, 51, 8, 23 et 12 pour ces thérapeutiques, montrant le rôle primordial de l’UNV.
Les essais avec le rt-PA IV ont sélectionné les patients sur scanner sans injection. Il était demandé d’éliminer une hémorragie ou un infarctus étendu. L’amélioration de la filière, l’arrivée plus précoce des patients, les progrès de l’imagerie, et l’utilisation de l’imagerie par résonance magnétique (IRM) ou de l’angioscanner en urgence, ont permis ces dernières années d’identifier les occlusions proximales de gros vaisseaux, associés à un moindre bénéfice de la thrombolyse IV. Parallèlement, des dispositifs de capture du caillot se sont développés et des études ouvertes ont montré qu’ils étaient bien tolérés et efficaces sur la recanalisation. Cependant, 3 essais randomisés publiés fin 2013 n’ont trouvé aucun bénéfice de la neuroradiologie interventionnelle (NRI) [1-3]. Mais leur méthodologie était discutable, avec des délais longs allant jusqu’à 7 (1) et 8 heures (3), des doses insuffisantes - voire l’absence - de rt-PA dans le groupe traité (2,3) et le recours à la thrombolyse intra-artérielle et non à la thrombectomie mécanique (2).
Bénéfice significatif de la NRI
Des essais mieux conçus se poursuivaient alors. En octobre 2014, les résultats de MR CLEAN ont été présentés, puis publiés (4). Cette étude comparait la radiologie interventionnelle à l’abstention chez des patients recevant le traitement optimal (87,1 % de thrombolyses IV dans le groupe intervention vs. 90,6 %). La technique était laissée à l’appréciation du radiologue et consistait pour la plupart en une thrombectomie mécanique. Le délai médian d’intervention était de 3 heures 30. Sur le critère de jugement principal il y avait une différence significative en faveur de la NRI (4). Les points forts de MR CLEAN étaient un taux de thrombolyses IV très élevé et équivalent dans les deux groupes, son caractère pragmatique laissant le radiologue libre du choix technique, le délai très court d’accomplissement du geste, le caractère homogène des patients étudiés, et une analyse statistique utilisant les critères modernes.
Arrêt des études pour efficacité
Les essais en cours étaient alors interrompus, ou effectuaient une analyse intermédiaire amenant à leur arrêt. Les résultats de quatre d’entre eux ont été publiés (5-8) et un 5e (étude française THRACE) a été arrêté après l’analyse intermédiaire en raison d’une différence en faveur du traitement. Tous confirment, et pour certains amplifient, le résultat de MR CLEAN. Ils montrent que chez les patients ayant une ischémie cérébrale récente, de moins de 6 heures, traitée par rt-PA IV s’ils n’ont pas de contre-indication, et présentent une occlusion proximale en imagerie dans la circulation antérieure, la thrombectomie mécanique augmente la probabilité de survivre sans handicap (56 patients supplémentaires pour 1 000 traités, soit 13 par an par million d’habitants). Ces études confirment également le rôle crucial du délai, le bénéfice diminuant avec le temps comme pour la thrombolyse IV.
Ces études vont changer profondément l’organisation des soins. Savoir s’il s’agit d’une ischémie ou une hémorragie ne suffit plus : il faut maintenant aussi savoir s’il y a une occlusion artérielle proximale. Cela signe la fin du scanner sans injection et son remplacement par l’IRM ou l’angioscanner. Il faut aussi que toute UNV sans NRI soit dans un réseau permettant un transfert médicalisé immédiat des patients éligibles vers un centre habilité. Mais ces mesures nécessaires à court terme ne suffiront pas car être traité n’est pas le seul but, encore faut-il que le traitement soit précoce. Il faudra donc à terme développer plus de centres de NRI et idéalement ne plus avoir d’UNV sans plateau de NRI, ce qui suppose de gros investissements en termes de formation de radiologues interventionnels et de neurologues.
(1) Broderick JP et al. N Engl J Med. 2013;368:893-903
(2) Kidwell CS et al. N Engl J Med. 2013;368:914-23
(3) Ciccone A et al. N Engl J Med. 2013;368:904-13
(4) Berkhemer OA et al. N Engl J Med. 2015;372:11-20
(5) Campbell BCV et al. N Engl J Med. 2015 Feb 11
(6) Goyal M et al. N Engl J Med. 2015 Feb 11
(7) Jovin TG et al. N Engl J Med. 2015 Apr 17
(8) Saver JL et al. N Engl J Med. 2015 Apr 17
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