Au-delà de son efficacité spectaculaire sur la réduction pondérale et les comorbidités, la chirurgie bariatrique est capable d’induire une dénutrition protéique (jusqu’à 18 % selon les séries) ainsi que des carences en vitamines, minéraux et éléments trace. Certaines de ces carences nutritionnelles peuvent avoir à court, moyen ou long terme un retentissement clinique parfois sévère, souvent négligé (anémie, déminéralisation osseuse, complications neurologiques…) [1].
Un pourcentage important de candidats à la chirurgie bariatrique présente des carences pré-opératoires principalement en fer, vitamine D, vitamines du groupe B, zinc, cuivre ou sélénium, et ce pour raisons diverses : alimentation de faible densité nutritionnelle, régimes restrictifs antérieurs, moindre biodisponibilité des micronutriments lipophiles… Après chirurgie bariatrique, ces carences peuvent s’aggraver tandis que d’autres peuvent émerger en raison d’une réduction persistante des apports protéino-énergétiques, de l’apparition de vomissements ou d’une intolérance à certains aliments (viandes notamment), mais également du fait de modifications physico-chimiques pouvant influencer la digestion et l’absorption (baisse de l’acidité gastrique, exclusion chirurgicale de zones d’absorption, retard de contact entre enzymes digestives et bol alimentaire…). Les carences postopératoires sont corrélées à l’importance et la rapidité de la perte de poids, à l’existence de carences pré-opératoires et au type de chirurgie.
Supplémentation à vie ?
Si les déficits nutritionnels sont réputés moins fréquents après chirurgie purement restrictive (anneau gastrique ajustable, sleeve gastrectomie) qu’après chirurgie malabsorptive (by-pass gastrique, dérivation bilio-pancréatique), les apports alimentaires sont parfois réduits de façon drastique après chirurgie restrictive, exposant alors à des carences nutritionnelles sévères.
Depuis 2009, la Haute Autorité de santé recommande de prescrire une supplémentation systématique en multivitamines, calcium, vitamine D, fer et vitamine B12 (à vie, par défaut) après chirurgie malabsorptive, et de discuter d’une supplémentation en fonction du bilan clinique et biologique après chirurgie restrictive (2). À l’inverse, les recommandations émises en 2013 par plusieurs sociétés savantes américaines plaident pour une supplémentation systématique en multivitamines, calcium, vitamine D, fer et vitamine B12 après by-pass gastrique comme après sleeve gastrectomy (3), et la littérature récente suggère que cette attitude doit sans doute être privilégiée.
Un risque neurologique
Les complications neurologiques après chirurgie bariatrique concernent 1 à 16 % des patients selon les séries (très majoritairement rétrospectives), sur la base de critères diagnostiques hétérogènes (4). Elles peuvent survenir dans les premières semaines suivant la chirurgie sous la forme d’une encéphalopathie de Gayet-Wernicke (carence en vitamine B1, généralement dans un contexte de vomissements), d’une polyradiculonévrite aiguë (par carence en vitamine B1 ?) ou d’une mononeuropathie par compression canalaire, consécutive à un amaigrissement rapide. Ces complications peuvent également survenir des mois ou des années après l’intervention, sous l’aspect d’une polyneuropathie périphérique (carences en vitamine B1, B9, B12, A, D, E, zinc ou cuivre) ou d’une neuropathie optique (carence en cuivre, caroténoïdes ou vitamine B12).
Au-delà du rôle des carences en micronutriments, des mécanismes inflammatoires et immunologiques pourraient être impliqués dans les phénomènes de dégénérescence axonale. Les facteurs favorisant la survenue de ces complications neurologiques sont la présence de vomissements, l’importance et la rapidité de la perte de poids, l’absence de suivi nutritionnel, et la mauvaise observance de la supplémentation. La suspicion d’une encéphalopathie de Gayet-Wernicke impose un traitement par vitamine B1 par voie parentérale au moindre doute. Les neuropathies périphériques doivent être dépistées précocement, la récupération axonale semblant liée à la rapidité de leur prise en charge. Il faut donc éduquer les patients sur les risques encourus en cas de carence et sur les signes cliniques pouvant faire suspecter une complication sévère, en particulier neurologique (paresthésies, douleurs neurogènes, troubles de l’équilibre, troubles sensoriels).
(1) Quilliot D et al. Nutr Clin Metab 2010;24:10-5
(2) Haute Autorité de santé. Obésité : prise en charge chirurgicale chez l’adulte. Janvier 2009
(3) Mechanick JI et al. Obesity 2013;21:S1
(4) Landais A. Obes Surg 2014;24:1800-7
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