Comment prédire la capacité d’un sujet âgé à supporter ou non une intervention chirurgicale ? « Le simple âge civil et la pathologie classique renseignent insuffisamment sur l’ensemble des déterminants de santé notamment sur une possible baisse des réserves fonctionnelles susceptible d’entraîner une moindre tolérance aux actes traumatiques chirurgicaux », explique le Pr Gonthier. Les réserves fonctionnelles comprennent la motivation de l’individu sur sa santé (lien social, qualité de vie, environnement personnel et hôtelier), mais aussi l’état de certaines fonctions particulièrement vulnérables et sensibles au stress chez le sujet âgé. « Peuvent ainsi se décompenser à l’occasion d’un acte chirurgical, les fonctions cérébrales corticales et sous-corticales (orientation, attention, raisonnement, thymie, sommeil, marche, équilibre), mais aussi des fonctions du système nerveux autonome (maintien de la tension artérielle aux changements de position), du rein (équilibre hydrosodé) et du foie (capacité à synthétiser les protéines plasmatiques d’où de très fréquents hyper-catabolismes musculaires réactionnels) », précise le Pr Gonthier. Environ 20 % de la population de 80 ans est dans un état de santé qualifié de fragile, intermédiaire entre la robustesse et la dépendance. Les études longitudinales montrent que pour une même intervention chirurgicale et à âge et comorbidités égales, un sujet âgé est plus difficile à traiter s’il est fragile que s’il est robuste (plus de complications, durées de séjour et de soins de suite plus longs).
L’évaluation gériatrique standardisée (EGS)
Repérer un processus de fragilisation (perte de poids involontaire de 5 kg en 1 an, marche ralentie au test de marche avec + de 6 secondes pour parcourir 4 mètres, diminution de la force de préhension) et l’évaluer avant une chirurgie lourde programmée est important. « Cela permet de sortir de l’âge civil, de mieux prédire la façon dont la personne va supporter l’intervention et ses suites et d’adapter les indications opératoires à l’état fonctionnel du patient », indique le Pr Gonthier. L’évaluation gériatrique standardisée (EGS) préopératoire se développe dans des hôpitaux de jour en gériatrie avant une chirurgie lourde (cardiovasculaire, digestive, orthopédique…) pour prédire le risque opératoire. Cette évaluation de l’état nutritionnel, cognitif, social, sensoriel utilise des index de fragilité aussi pertinents que le score ASA en anesthésie réanimation. « Nous sommes ainsi en mesure de classer les patients en fonction du risque et d’apporter un conseil objectif au chirurgien. L’enjeu est d’aboutir à une décision adaptée aux risques (intervention classique, technique moins invasive, ou pas d’intervention) », précise le Pr Gonthier.
L’intérêt des patients
Adapter les décisions de santé à l’état gériatrique du patient sans fixer d’âge limite évite la perte de chance au sujet robuste : il accède aux interventions lui permettant de vivre mieux. « Évaluer la fragilité bénéficie également au sujet fragile. On évite de précipiter ses souffrances et sa perte d’autonomie en mettant en place un plan d’action personnalisé avec une chirurgie moins agressive et des mesures pré- et post-opératoires visant à augmenter sa robustesse (activité physique, apports protéiques majorés, supplémentation en vitamine D) », explique le spécialiste qui attire l’attention sur les besoins protéiques de base plus importants des sujets âgés (1 à 1,2 g/kg/j, contre chez l’adulte 0,8 g/kg/j). « Cette approche extrêmement professionnelle s’impose peu à peu : en témoigne cette séance commune* des académies de chirurgie et de gériatrie », conclut le Pr Gonthier.
Chassagne P., Gonthier R. Apports de l’évaluation gériatrique standardisée dans l’opérabilité des sujets âgés : point de vue du gériatre, point de vue du chirurgien. Vidéo de la communication sur le site: http://www2.academie-chirurgie-fr, (séance ordinaire du 3 décembre 2015).
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