Avec plus de 40 000 références sur Pubmed, la question de la chirurgie chez le sujet âgé tarabuste les professionnels de santé. Avec le vieillissement de la population, la chirurgie s’adresse de plus en plus à des séniors (75 ans ou plus), et qui sont de plus en plus vieux. Mais aujourd’hui, l’âge seul ne pose pas le réellement problème. Les vrais critères limitants sont les autres notions associées à la définition du sujet âgé, comme la polypathologie, le risque de perte fonctionnelle, la dépendance et la fragilité. Comment faire face aux défis posés par ce groupe à haut risque de complications opératoires et postopératoires ? Cette semaine, l’Académie nationale de médecine et l’Académie de chirurgie ont consacré une de leur réunion commune biannuelle sur le sujet.
L’essor de la chirurgie mini-invasive et le concept de réhabilitation postopératoire bénéficient particulièrement aux sujets âgés, qui sont d’« excellents candidats » à ces évolutions techniques, comme l’ont souligné le Pr André Lienhart, anesthésiste à l’hôpital Saint-Antoine et le Pr Karem Slim, chirurgien digestif à Clermont Ferrand. En peropératoire, deux évolutions ont marqué la prise en charge anesthésique : les « couvertures chauffantes », qui sont devenues un standard pour prévenir l’hypothermie, et l’optimum du remplissage vasculaire.
La notion de fragilité en gériatrie
En post-opératoire, c’est la réhabilitation précoce qui a révolutionné la prise en charge. Cette stratégie dite « multimodale » met tout en œuvre pour un réveil et un lever précoces : absence de prémédication, anesthésies segmentaires, épargne morphinique, absence de sondes et de drains, etc. Malgré ces avancées, la sélection préopératoire reste capitale, et la question de l’opérabilité se pose avec la prise en compte de leur vulnérabilité ou fragilité. Cette notion, apparue en 1984 et qui touche 20 % des individus de 80 ans et plus correspond à « l’épuisement des réserves médico-psychosociales et l’incapacité à répondre à un stress », a expliqué le Pr Philippe Chassagne, de Rouen.
Pour le Pr Régis Gonthier, gériatre à Saint-Étienne : « la non prise en compte de la fragilité des sujets âgés expose à des hospitalisations prolongées ou à répétition, à une majoration des incapacités postopératoires et à une perte d’autonomie non réversible ». Le risque de complications majeures et mineures postopératoires est multiplié par 2,45, et le recours à des soins de suite et de réadaptation (SSR) et à l’institutionnalisation par 20,48, comme l’a illustré le Pr Chassagne. La prévalence d’une fragilité est de 27 % chez les sujets âgés.
L’amaigrissement involontaire, un marqueur fort
Cinq marqueurs prédictifs simples ont été identifiés pour avoir une estimation du risque de fragilité : perte de poids involontaire, vitesse de la marche, diminution de la force musculaire et de l’activité physique (sensation de faiblesse générale). « Si trois de ces cinq critères sont présents, une fragilité est suspectée », a indiqué le Pr Chassagne. Une évaluation gérontologique standardisée (EGS) est alors demandée. « L’amaigrissement involontaire, c’est-à-dire d’au moins 5 kg en 1 an, est le marqueur le plus prévalent à 28 % », a indiqué le Pr Chassagne. Le ralentissement de la marche, « qui peut être évalué sur 4 mètres si l’on manque de temps avec le seuil de 0,8 m/seconde », multiplie par 3 le risque de décès.
Cette procédure multidimensionnelle a pour but de prendre en compte l’hétérogénéité des sujets âgés et de mieux identifier les besoins. « L’évaluation gérontologique doit déboucher sur un plan personnalisé de soins », a insisté le Pr Chassagne. L’organisation du parcours de soins peut poser des difficultés pratiques, car il faut « dépasser le système par spécialités (...) et trouver un modèle de coopération entre professionnels de santé », selon le Pr Gonthier. Faut-il hospitaliser en service de chirurgie avec un avis gérontologique ou l’inverse ? Pour le gériatre de Saint-Étienne, l’organisation la plus efficiente n’est pas définie a priori, et des expérimentations ouvrent d’autres pistes, comme la création d’unités mixtes de courte hospitalisation. À côté des soins et de leur organisation, plus encore que pour les autres populations, le tissu socio-familial et le lien ville-hôpital, jouent un rôle de premier plan, en particulier pour la réhabilitation précoce.
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024