« C’est grâce a vous que je vais revivre un peut (sic). C’est grâce à vous que je ne suis pas enterré au fond d’un viel (sic) hopital (sic) d’invalides », écrit en décembre 1920 un ancien combattant, mutilé de la face, du nom de Marc Maréchal, qui vit à Castres.
Sa lettre est adressée à Anna Coleman Ladd, un sculpteur américain qui a fabriqué pour lui dans son atelier financé par la Croix-Rouge américaine, à Paris, une épithèse faciale qui permet à M. Maréchal de sortir dans la rue sans attirer les regards importuns. Cette lettre et d’autres documents appartenant à l’artiste peuvent maintenant être consultés en ligne sur le site de la Smithsonian Institution à Washington.*
La guerre 14-18 a fait plus de 3 millions de blessés en France, dont 10 à 15 000 « Gueules cassées », indique le site de la Bibliothèque Nationale de France.
Avec le département de chirurgie de Harvard
« La première guerre mondiale a été la première guerre au cours de laquelle un homme pouvait perdre la moitié de son visage et survivre », explique au « Quotidien » David Lubin, professeur d’art à l’université Wake Forest, aux États-Unis, qui étudie l’impact de la Grande Guerre sur la culture visuelle moderne.
Pour certains blessés de la face, la chirurgie seule, en dépit de grandes innovations, ne pouvait redonner une apparence acceptable au niveau social. Ainsi dans Paris Médical du 22 mars 1919, le Dr Léon Dufourmentel, chirurgien plastique, écrit à propos d’eux : « …Il est malheureusement certain qu’un visage défiguré, inspirant le dégoût ou l’horreur malgré la pitié et le respect dus aux victimes de la Grande Guerre, leur porterait un préjudice considérable. »
Dans ce contexte, et à l’instar d’un artiste anglais, le capitaine Derwent Wood, qui avait réalisé des épithèses pour des mutilés à Londres, Anna Coleman Ladd ouvre, en novembre 1917, en collaboration avec le département de chirurgie de Harvard, un « Studio for Portrait Masks » pour les blessés de la face, rue Notre-dame-des-champs. Son équipe comprend des Américains, des Anglais et le sculpteur français Jane Poupelet. Mme Ladd qui avait été élevée à Paris, « ...était motivé par sa compassion pour les soldats dont le visage ne pouvait être reconstitué par la chirurgie plastique de l’époque, souligne David Lubin, elle avait entendu parler (de Derwent Wood) et a convaincu la Croix-Rouge américaine de faire la même chose pour les mutilés de guerre français, à Paris ».
Masque métallique mince et léger
En l’espace d’un peu plus d’une année, 97 masques sont fabriqués dans le studio qui est aussi un lieu de rencontre et de détente pour les soldats défigurés. Chaque masque représente environ un mois de travail. D’abord, un moulage du visage du blessé est réalisé. En s’aidant ensuite, lorsqu’elles existent, de photos prises avant la blessure, ou, en s’inspirant des traits toujours observables, sur ce moulage, « Mme Ladd modèle à la cire la physionomie du blessé, explique P. Desfosses dans La presse médicale du 30 mai 1918, ce modelage en cire sert de point de départ pour une galvanoplastie qui donnera un masque métallique, en cuivre argenté mince et léger. Ce masque est peint à l’huile… ». Si nécessaire, on y peint aussi des yeux, on y ajoute des cils ou des moustaches en fil de cuivre très fin. Il est fixé au visage au moyen de lunettes ou de rubans.
Après le départ d’Anna Coleman Ladd en 1919, « le "Studio for Portrait Masks" sur la rive gauche, continua quelque temps avant de fermer » précise David Lubin. Un article du journal L’Humanité du 14 juillet 1920, signale que des prothèses faciales sont fabriquées à cette époque à l’hôpital du Val-de Grâce, à Paris.
* http://www.aaa.si.edu/collections/anna-coleman-ladd-papers-10600
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