Récemment j’ai croisé un de mes collègues dépité par l’entretien récent qu’il avait eu avec notre directeur. Celui-ci lui avait enlevé une vacation au motif qu’il avait embauché un nouveau chirurgien qui consulterait dans le même bureau et que son activité était bien plus rentable…
Cette nouvelle notion est totalement contraire à la moindre éthique de notre profession ; en clair, dès que tu consultes tu dois mettre les patients en salle d’opération car c’est là que se font les profits de la clinique.
Certes, les marges des cliniques ont bien fondu depuis la dernière décennie et les praticiens ne sont plus que des techniciens spécialisés façon Kleenex que l’on peut changer au gré du vent de la CCAM. Notre directeur n’étant pas très avisé ne se rend même pas compte que, du fait la nomenclature CCAM ne s’adaptant que très lentement à la pratique réelle de la chirurgie, bien souvent un acte qui était autrefois « rentable » peut ne plus l’être si toute la donation au GHS est mangée par le matériel utilisé par le chirurgien (dispositif médical implantable à 500 € au lieu de broche à 20 €), ou bien du fait d’une nouvelle technologie qui est onéreuse dans l’immédiat mais permet une plus rapide récupération et sera à terme bénéfique pour la société. Encore faut-il avoir une certaine vision de l’avenir.
In fine, la conjonction de la sous cotation des actes de chirurgie courante couplée à la financiarisation des groupes de clinique qui veulent satisfaire leur actionnariat aboutit à une inflation d’actes chirurgicaux inutiles, voire dangereux et dispendieux pour la société.
Car c’est bien nous tous qui, par les prélèvements sociaux, payons cette dérive absurde voire ubuesque puisque ces conglomérats de clinique sont cotés en Bourse dont les actionnaires sont des fonds de pension, australiens, américains, anglo-saxons qui ensuite servent à régler les retraites de ces derniers (capitalisation oblige)…
La double peine… D’une part, on achète du matériel médical, le plus souvent anglo saxons puisque les lois françaises de protection des patients viennent au fur et à mesure interdire toute recherche clinique et stérilise l’innovation dans notre pays. On sait faire des Airbus et des fusées Ariane, mais pas une prothèse de hanche… Et après, ces mêmes prothèses nous les posons dans un Groupe de clinique qui te demande de faire du chiffre (et non pas de la qualité avec la bonne indication ) et dont les dividendes sont réglés à ces mêmes anglo saxons.
On appelle cela la mondialisation ; mais s’il y a bien un domaine où un certain protectionnisme intelligent serait nécessaire, en imitant tout simplement les lois de nos amis chinois ou américains, c’est bien le domaine de la santé. Il s’agit d’un domaine sensible, puis que nous sommes tous des patients potentiels, et non délocalisable, puisque tout le monde veut tendre vers notre modèle social (notamment concernant les soins en France)… Messieurs les énarques, au boulot et si possible en entendant la petite musique des forçats de la médecine (mais ça ne va pas durer, les 35 heures obligent).
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