Les fractures de la région du genou portent en elles l’hypothèse d’altérations dégénératives invalidantes. La gonarthrose post-traumatique est une complication classique de ces fractures, qu’elles soient intra- ou extra-articulaires, avec une incidence estimée entre 20 et 45 %. Parmi les causes les plus fréquentes : la persistance d’une importante irrégularité de surface articulaire, un mauvais alignement du membre inférieur, et une instabilité persistante du genou.
Après échec du traitement médical bien conduit, la prothèse tricompartimentale du genou est envisagée. L’arthroplastie dans ce contexte est un défi technique compte tenu des cicatrices préexistantes, du risque infectieux lié aux antécédents, de la déformation du membre, voire d’un cal vicieux, une raideur et un déséquilibre ligamentaire. Des gestes seront alors associés à l’arthroplastie, au niveau osseux ou des parties molles, et un implant particulier peut être choisi.
Trois types
Nous n’aborderons ici que le traitement chirurgical la gonarthrose fémorotibiale, en excluant l’arthrose fémoropatellaire isolée.
Une étude rétrospective s’est attachée à préciser et évaluer les pratiques. Plus de 350 dossiers regroupés sur 9 centres publics ou privés (Bois Guillaume, Caen, Lille, Lyon, Marseille, Paris, Plérin, Strasbourg, Toulouse) ont été colligés. Il s’agissait de patients de 58 ans en moyenne, opérés entre le 01/01/2005 et le 31/12/2009, avec une répartition homogène des sexes. Trois situations « post-traumatiques » ont été retenues :
- les gonarthroses survenant à distance d’une fracture fémorale ou tibiale : épi-, méta- ou diaphysaire, traitée chirurgicalement ou orthopédiquement, avec ou sans cal vicieux résiduel (fig. 1) ;
- les gonarthroses faisant suite à un genou d’ostéotomie (fémorale ou tibiale), réalisée plusieurs années auparavant (fig. 2) ;
- chirurgie post-ligamentaire, qu’elle soit conservatrice, par plastie autologue ou prothétique (fig. 3).
Le groupe post-ligament avait une moyenne d’âge de 52 ans, alors que celle du groupe post-ostéotomie était de 64 ans. Le recul était de minimum 7 ans.
Une large gamme d’interventions
Les actes opératoires réalisés dans ces différentes situations sont variables. La chirurgie conservatrice est au même rang que les ostéotomies fémorales, tibiales de valgisation ou varisation. Le principe des ostéotomies est de décharger la zone atteinte en modifiant l’axe du membre afin de reporter les contraintes sur l’autre compartiment sain (fig. 4). Le geste reste extra-articulaire ; il n’est réalisable que si un défaut d’axe est présent et qu’un seul compartiment du genou est atteint avec un interligne encore présent.
Lorsque l’atteinte arthrosique est complète (avec disparition de l’interligne articulaire), seule l’arthroplastie est indiquée, soit limitée à un compartiment (prothèse unicompartimentale, lire page 2), soit, le plus souvent, tricompartimemtale, dite prothèse « totale » du genou (PTG).
Un spectre prothétique étendu
Différentes arthroplasties sont disponibles, allant des PTG dites « standard » (pouvant être mise en place si les ligaments collatéraux sont compétents), aux prothèses plus contraintes voire à charnière, pouvant fonctionner sans ligament (fig. 5). Des extensions ou quilles diaphysaires sont parfois nécessaires, et compliqueront une éventuelle reprise en raison de la diminution du capital osseux sous-jacent.
Les patients de cette étude, bien que jeunes, présentaient des antécédents chirurgicaux pouvant nécessiter d’utiliser des prothèses à contrainte augmentée. Cela implique la nécessité d’une prothèse adaptée et porte un risque de difficultés supplémentaires en cas de reprise quelques années plus tard, pour cause d’usure.
Une stratégie adaptée
Un matériel préexistant peut aussi engendrer des difficultés. Son ablation peut se faire dans le même temps ou dans un premier temps, différant l’arthroplastie de quelques mois afin de minimiser le risque cicatriciel cutané.
Des antécédents d’interventions peuvent aussi exposer à un risque de complications cutanées ou infectieuses. Les cicatrices préexistantes ne peuvent pas toujours être intégrée par la nouvelle intervention : la distance entre deux cicatrices doit être d’au moins 6 cm à la face antérieure du genou, afin d’éviter un risque de nécrose.
La qualité de la trophicité cutanée doit être prise en compte, avec parfois un geste de chirurgie plastique préalable (résection après dilatation par ballonnet). Il faut aussi envisager des difficultés de fermeture, et le recours à des lambeaux de couverture pour permettre une couverture de l’os.
Déjouer les pièges techniques
La déformation osseuse induit plusieurs difficultés. Une ostéotomie correctrice (préalable ou dans le même temps), est parfois nécessaire. L’équilibrage ligamentaire et l’alignement du membre sont aussi à considérer avant de débuter le remplacement prothétique.
Deux alternatives : l’option osseuse (ostéotomie métaphysaire ou diaphysaire), ou ligamentaire (libération, transposition de l’insertion d’un ligament collatéral). On peut aussi envisager une prothèse plus contrainte et des tiges d’extension. Enfin, une navigation ou des guides de coupe personnalisés peut améliorer la précision du geste ou contourner une difficulté.
Les résultats
Dans ce travail rétrospectif, des ostéotomies ont pu être réalisées 20 % des cas, démontrant la place encore présente du traitement conservateur articulaire.
Concernant les arthroplasties, 80 % des PTG mises en place étaient standards –ce qui est plutôt encourageant pour des patients multi-opérés. L’utilisation de quilles d’extension a été nécessaire dans 15 % des cas, et le recours à des prothèses charnières que dans 5 % des cas.
L’ablation du matériel a nécessité un premier geste, dans la moitié des cas, en raison essentiellement des abords multiples sur le genou pouvant compromettre l’évolution cutanée locale.
L’évaluation a été clinique (score de KOOS) et radiographique. Les complications (8 %) sont dues à l’infection (70 %) et la raideur. Peu de complications mécaniques ont été décrites. Seuls 2 cas de nécrose cutanée ont été retrouvés.
Une comparaison avec la littérature montre que ces résultats d’arthroplasties sur gonarthrose post-traumatique restent inférieurs à ceux de ces arthroplasties sur genou vierge.
Un message clair
La réflexion pré-opératoire quelques jours avant l’intervention doit porter sur la voie d’abord, la gestion du matériel d’ostéosynthèse préexistant et le type de prothèse qu’il faut éventuellement commander. L’analyse sera autant clinique (état cutané, mobilité, stabilité, appareil extenseur) que radiographique (axe global, déformation intra ou extra-articulaire, degré de gonarthrose).
Ce travail rétrospectif a montré que le patient doit être informé du risque de complications et de la nécessité dans la moitié des cas d’une intervention préalable pour retirer le matériel préexistant. Une surveillance accrue doit être effectuée, à la fois par le chirurgien et par le médecin traitant et les équipes paramédicales. Le traitement conservateur reste possible, il doit figurer dans l’arsenal du chirurgien.
Enfin, le recours à l’arthroplastie n’entraîne pas d’utilisation plus fréquente de prothèses à contraintes augmentées.
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