Depuis 2009, la Haute Autorité de santé stipule que les individus pouvant bénéficier d’une chirurgie bariatrique doivent avoir un IMC ≥ 40 kg/m2 ou ≥ 35 kg/m2 avec des comorbidités susceptibles d’être améliorées par la perte de poids. Au-delà de son efficacité spectaculaire sur la réduction pondérale, la chirurgie bariatrique constitue un remarquable traitement du diabète de type 2 (DT2) puisqu’elle est associée à une rémission de la maladie chez 55 à 95 % des patients, comme l’ont révélé de nombreuses études de cohorte et diverses méta-analyses (1-2). Ces dernières années, 4 essais randomisés ont démontré l’impressionnante supériorité à court et moyen terme de la chirurgie bariatrique sur la prise en charge médicale de référence dans la rémission du DT2, avec un recul variant de 1 à 3 ans (3-6). Toutes ces études ont permis de renforcer la place de l’approche chirurgicale dans la stratégie thérapeutique du DT2 (avec par ordre croissant d’efficacité : anneau gastrique, sleeve gastrectomy, gastric bypass, diversion bilio-pancréatique) ; elles révèlent que l’amélioration du contrôle glycémique intervient de façon très précoce après l’intervention (surtout après chirurgie induisant une malabsorption), bien avant l’obtention d’un amaigrissement significatif. Ce bénéfice métabolique rapide est lié à la restriction alimentaire et à la perte de poids (diminution de l’insulinorésistance, réduction de la gluco-et lipotoxicité), mais aussi à des modifications de sécrétion de certaines hormones digestives (ghréline, GLP-1, peptide YY…) impliquées dans la régulation de la prise alimentaire et de l’homéostasie du glucose (7). Une méta-analyse récente portant sur plus de 1 700 sujets confirme que la rémission du DT2 n’est pas prédite par l’IMC initial (sauf peut-être chez les Asiatiques) et s’avère d’autant plus difficile à obtenir que le patient est âgé, le diabète ancien, l’HbA1c pré-opératoire élevée et le traitement antidiabétique complexe (8).
De la chirurgie bariatrique à la chirurgie métabolique
Ces résultats favorables ont fait peu à peu évoluer la vision purement bariatrique de cette chirurgie (objectif : perte de poids) vers une vision plus métabolique (objectif : rémission du diabète). Il devient ainsi aujourd’hui légitime de s’interroger sur le bien fondé de proposer une intervention à des patients DT2 présentant une obésité de grade 1 (IMC 30-35 kg/m2) voire un simple surpoids, lorsque leur diabète est mal équilibré malgré une observance diététique et thérapeutique satisfaisante. Néanmoins, le rapport bénéfice/risque de cette chirurgie chez ces patients reste à déterminer (9) ; en l’absence d’études randomisées menées spécifiquement dans cette population, la plupart des sociétés savantes reste prudente sur le sujet - comme les Académies de Médecine et de chirurgie en France (10) - à l’exception de la Fédération internationale du diabète (FID), qui depuis 2011 reconnaît la chirurgie métabolique comme une option thérapeutique chez les patients DT2 présentant un IMC entre 30 et 35 kg/m2 à condition que leur diabète reste mal équilibré (HbA1c› 7,5 %) malgré un traitement médical optimisé, en particulier s’il existe des comorbidités liées à l’obésité (11). La position de l’IDF se base essentiellement sur l’analyse de données d’études d’observation illustrant l’efficacité du traitement chirurgical de l’obésité sur l’équilibre glycémique et la rémission du DT2 dans cette population particulière. Plusieurs méta-analyses illustrent la remarquable efficacité de la chirurgie chez ces patients (diminution de l’IMC de plus de 5 kg/m2 et de l’HbA1c d’environ 2,5 %, rémission du DT2 dans 55 à 85 % des cas) ; si les résultats pondéraux semblent un peu inférieurs à ceux observés chez les patients avec IMC› 35 kg/m2, les résultats métaboliques sont comparables, et le taux de décès (entre 0,02 et 0,4 %) et de complications postopératoires (3 à 10 %) similaires à ceux retrouvés habituellement (12-14). Pour autant, seules des études randomisées menées spécifiquement chez ces patients avec un suivi à long terme, versus une prise en charge basée sur des modifications intensives du mode de vie et/ou des agonistes des récepteurs du GLP-1, évaluant également le risque de complications, l’impact sur la qualité de vie et les conséquences socio-économiques, nous permettront d’identifier la place réelle de la chirurgie métabolique dans la stratégie thérapeutique du DT2 chez les patients avec IMC ‹ 35 kg/m2.
(1) Sjöstrom L. JAMA 2014;311:2297-2304
(2) Ribaric G et al. Obes Surg 2014;24:437-55
(3) Dixon JB et al. JAMA 2008;299:316-23
(4) Mingrone G et al. N Engl J Med 2012;366:1577-85
(5) Ikramuddin S et al. JAMA 2013;309:2240-9
(6) Schauer PR et al. N Engl J Med 2014;370:2002-13
(7) Dixon JB et al. Lancet 2012;379:2300-11
(8) Wang GF et al. Obes Surg 2014 (DOI 10.1007/s11695-014-1391-y)
(9) Lebovitz HE. Obes Surg 2013;23:800-8
(10) Jaffiol C. e-mémoires de l’Académie nationale de chirurgie 2013;12:031-036
(11) Dixon JB et al. Diabet Med 2011;28:628-42
(12) Li Q et al. Diabetes Obes Metab 2012;14:262-70
(13) Parikh M et al. J Am Coll Surg 2013;217:527-32
(14) Ngiam KY et al. Obes Surg 2014;24:148-58
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