C’est une avancée « révolutionnaire » qui « promet de transformer les standards de la chirurgie crânio-maxillo-faciale reconstructive », juge la fondation des Gueules cassées, qui a remis ce 20 janvier son prix 2024 à un binôme médecin – ingénieur à l’origine d’un distracteur mandibulaire magnétique totalement internalisé.
Créée en 2001 par l’Union des blessés de la tête et du cou, association de « gueules cassées » née après la première guerre mondiale, la fondation apporte un soutien financier à des équipes de recherche spécialisées dans la traumatologie crânio-maxillo-faciale et distingue chaque année un projet.
Pour cette édition, le comité scientifique de la fondation, qui regroupe 15 médecins experts des disciplines concernées, a choisi d’honorer la Pr Natacha Kadlub, chirurgienne maxillo-faciale à l’hôpital Necker (AP-HP), et Jean Boisson, enseignant-chercheur, spécialiste en mécanique à l’École nationale supérieure de techniques avancées (ENSTA).
Ce prix met « en valeur le binôme médecin-ingénieur au service du patient », a commenté le Pr Olivier Langeron, président du comité scientifique de la fondation, lors d’une présentation des lauréats à la presse. Et de saluer le développement d’une « technique exportable à d’autres zones » de la face, un projet qui a récolté l’« unanimité rapide » des membres du jury.
Réduire la douleur et les complications
Le projet a été initié en 2015 avec l’ambition d’améliorer les dispositifs actuels d’allongement progressif des os de la mâchoire par un système d’activation magnétique. En chirurgie orthopédique, une technique d’allongement osseux incluant un clou magnétique en guise de fixateur externe est déjà utilisée.
En chirurgie maxillo-faciale, l’approche est inédite, mais la distraction mandibulaire pourrait en bénéficier. Celle-ci, indiquée dans la prise en charge des malformations congénitales, mais aussi dans les suites d’un cancer ou d’un traumatisme, vise, au-delà de l’aspect esthétique, à « corriger la respiration » et « aider à la mastication », rappelle la Pr Kadlub.
Si les dispositifs utilisés se sont améliorés et miniaturisés au fil du temps, des tiges dites d’activation sont toujours extériorisées à travers la peau et la muqueuse. Douloureuse lors de l’activation manuelle de la distraction, la technique est aussi associée à des complications (risque infectieux, cicatrice, etc.). La présence de tiges externes a aussi un « impact psychologique », notamment chez les enfants.

En internalisant intégralement le dispositif, le distracteur magnétique Dogma, développé par la Pr Kadlub et Jean Boisson, réduit le risque de complications et apporte un réel confort aux patients. L’activation de la distraction est assurée par un aimant interne déclenché de manière non invasive par un aimant externe. Après l’intervention nécessaire à la pose, le dispositif n’est pas visible ce qui « permet que le patient adhère au traitement », estime le Pr Langeron.
Un premier prototype combinant trois dispositifs (le distracteur, le système d’activation externe et le système de positionnement) a été élaboré en 2017. Trois années de recherche, trois brevets et trois publications scientifiques ont ensuite été nécessaires pour réunir les conditions d’un transfert de technologie vers un industriel. Mais aucun n’est alors preneur.

Un essai clinique prévu en 2026
Le projet est relancé en 2022 avec le soutien de la fondation des Gueules cassées. Les financements obtenus ont permis une optimisation des dispositifs pour une « meilleure réponse aux exigences réglementaires », ainsi que de premiers tests de biocompatibilité, explique Jean Boisson. Un premier dossier est présenté à l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) en 2022 en vue du lancement d’un essai clinique. Mais ce n’est qu’en novembre 2023 qu’une entreprise européenne s’associe au projet pour le mener jusqu’à l’essai clinique. Ce dernier est prévu pour 2026.
D’autres applications sont envisagées, l’innovation étant adaptable à d’autres segments osseux. Des perspectives sont notamment ouvertes dans l’avancée de la boîte crânienne qui peut nécessiter l’utilisation de plusieurs distracteurs simultanément. Ce projet a également suscité plusieurs questions de recherche devenues des projets, dont certains sont financés par la fondation : « Simface » sur la caractérisation des propriétés mécaniques des tissus de la face, « Magbone » sur l’effet d’un champ magnétique statique sur le remodelage osseux ou « Mecadecell » sur les propriétés mécaniques des tissus décellularisés. Et pour développer une approche interdisciplinaire, un master 2 en mécanique (Mecencli pour Mechanichal Engineering for Clinicians) a été lancé, formant des cliniciens à interagir avec des ingénieurs.
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