Appendicectomie mortelle : un chirurgien émet des hypothèses

Publié le 14/11/2014
1415984794563517_IMG_141251_HR.jpg

1415984794563517_IMG_141251_HR.jpg
Crédit photo : S. TOUBON

Que s’est-il passé à Metz ? La question hante tous les esprits après que l’on a appris le décès d’un enfant au décours d’une appendicectomie.

Le plus probable, explique au « Quotidien », le Dr Malika Ait Ali Slimane, chirurgien pédiatrique à la clinique du Val d’Ouest, à Ecully près de Lyon, est une plaie vasculaire lors de l’insertion du premier trocart, a fortiori si l’intervention ne s’est pas faite en open cœlioscopie.

Le Quotidien : Vous êtes chirurgien pédiatrique, quelle est la première interprétation que vous faites après avoir appris le décès d’un enfant lors d’une appendicectomie ?

Dr Malika Ait Ali Slimane : Lors d’une appendicectomie chez l’enfant, il est recommandé de réaliser une open cœlioscopie pour éviter de blesser l’aorte ou de tout autre vaisseau, c’est-à-dire insérer le premier trocart sous contrôle de la vue. La cavité abdominale de l’enfant est si petite que lorsqu’on insère le premier trocart par l’ombilic, plus ou moins en force, et avant l’insufflation, il se situe tout près de l’aorte.

C’est donc une précaution que l’on prend de plus en plus souvent pour minimiser le risque de plaie vasculaire. C’est en tout cas le premier élément d’explication qui me vient à l’esprit. Mais beaucoup de chirurgiens ont réalisé des appendicectomies sans « open coelio » et sans accident : il y a vraisemblablement dans ce cas précis un enchaînement de mauvaises circonstances.

La deuxième hypothèse tient au matériel lui-même. Chez l’enfant, il est recommandé d’utiliser des instruments de petite taille, des trocarts moins longs que pour l’adulte, mais tout cela dépend des conditions locales, de là où on travaille.

Concernant la plaie hépatique qui a suivi la plaie de l’aorte, avez-vous une hypothèse ?

Je pense que le chirurgien a voulu clamper le pédicule hépatique après la brèche de l’aorte et que compte tenu des circonstances hémorragiques, les événements ont dégénéré.

La cœlioscopie est-elle devenue systématique pour une appendicectomie ? Le Mac Burney a-t-il encore des indications ?

Cela dépend des habitudes de chacun mais chez les enfants obèses ou pour les gros appendices compliqués, la cœlioscopie donne de meilleurs résultats, ou plutôt donne des suites plus simples.

C’est donc une intervention à risque ?

Bien sûr. Une appendicectomie n’est pas une intervention banale, avec des complications sérieuses, des abcès de la paroi, des abcès profonds, etc... Qui justifie le fait que l’on ait de plus en plus recours à l’antibiothérapie.

Quelle est sa place chez l’enfant ?

Chez l’enfant, l’antibiothérapie n’est encore pas recommandée mais nous avons de bonnes raisons de croire qu’elle le sera un jour. On le fait de plus en plus souvent puisqu’en raison des complications que je viens de citer, cette intervention est loin d’être banale, et l’idéal est de ne plus enlever l’appendice.

Il faut dire que les circonstances diagnostiques ont beaucoup évolué. Dorénavant, le diagnostic est porté grâce à la clinique, la biologie et surtout l’échographie systématique. En cas d’appendicite aiguë, on prescrit amoxicilline et acide clavulanique et l’appendice est enlevé à distance de l’épisode aigu. En cas d’appendicite compliquée, c’est-à-dire perforée ou avec plastron, on hospitalise et on prescrit une triple antibiothérapie et une intervention à distance, plusieurs mois plus tard.

Récemment, lors d’un congrès de chirurgie pédiatrique auquel j’ai participé, une équipe a présenté les résultats de l’antibiothérapie seule dans l’appendicite aiguë de l’enfant, sans geste à distance. Il y a 20 % de récidives. Donc, dans 80 % des cas, l’antibiothérapie suffit.

C’est difficile à faire entendre ?

Oui. Nous avons tous appris qu’il fallait intervenir chirurgicalement et l’antibiothérapie fait encore hurler certains chirurgiens. Très souvent aussi, nous nous heurtons à une résistance parentale. Les parents craignent que leur enfant fasse une péritonite et sous-estiment les risques qu’il encourt lors d’une appendicectomie, trop banalisée. On a opéré les parents, les grands frères, alors pourquoi pas le petit dernier ? Et les enfants se plaignent très souvent du ventre. Pourtant, il est évident qu’en cas d’appendicite compliquée, il est bien plus sage de différer l’intervention car l’appendice est tout mou et se dissèque mal en raison des adhérences qui se créent avec les structures anatomiques voisines.

Comment opère-t-on après un tel drame ?

On est tous très secoués. C’est une période de flottement.

Propos recueillis par le Dr Anne Teyssédou

Source : lequotidiendumedecin.fr