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Dossier

Congrès de la Société européenne de cardiologie

Recos : l'évaluation du risque cardiovasculaire revisitée

Par Dr Maia Bovard Gouffrant - Publié le 27/09/2021
Recos : l'évaluation du risque cardiovasculaire revisitée


GARO/ PHANIE

Comme tous les ans, le congrès de la Société européenne de cardiologie (27-30 août) a été l’occasion pour la société savante de présenter ses nouvelles recommandations. Avec notamment, cette année, une nouvelle feuille de route qui revisite la prévention cardiovasculaire et des guidelines actualisées qui entérinent les progrès thérapeutiques réalisés récemment dans l’insuffisance cardiaque.

La prévention cardiovasculaire était à l’honneur lors du dernier congrès de la Société européenne de cardiologie (ESC) avec, notamment, la présentation de nouvelles guidelines dédiées. Par rapport à l’édition de 2016, cette nouvelle feuille de route intègre les connaissances les plus récentes sur l’évaluation et la gestion du risque cardiovasculaire (CV), à la fois sur le plan individuel et collectif, tout en se voulant plus personnalisées et mieux adaptées aux plus âgés.

De nouveaux scores d’évaluation

En prévention, « une des grandes nouveautés est le recours à Score-2 avant 70 ans et Score-2 OP (Older Persons) au-delà afin d’évaluer le risque sur un plus large éventail d’âge, de 40 à 89 ans, le Score précédent sous-estimant le risque chez les plus jeunes et le surestimant chez les plus âgés », explique le Pr Franck Visseren (Pays-Bas). « De plus, ces scores s’intéressent à la morbimortalité cardiovasculaire et pas seulement à la mortalité à 10 ans ». Ces scores européens se déclinent selon que les pays sont à bas, modéré, haut ou très haut risque CV, la France se situant dans la zone à bas risque. Ils reposent sur le sexe, l’âge, le tabagisme, la PAS, le cholestérol non-HDL – qui évalue mieux les lipides athérogènes que le cholestérol total – pour déterminer trois niveaux de risque.

« Les recommandations préconisent une évaluation systématique du risque CV chez les sujets avec au moins un facteur de risque majeur (hérédité CV, hypercholestérolémie familiale, tabagisme, HTA, diabète, dyslipidémie, obésité) ou en cas de comorbidités favorisant les pathologies CV (comme les pathologies inflammatoires chroniques, l’insuffisance rénale chronique, le cancer, la BPCO, les troubles psychiques, la migraine, les dysfonctions érectiles) », souligne le Pr Visseren. En revanche, une évaluation systématique n’est pas recommandée chez les hommes de moins de 40 ans et chez les femmes de moins de 50 ans sans facteur de risque CV connu.

Une approche pas à pas

Pour la prise en charge, la nouvelle feuille de route propose une approche pas à pas selon le niveau de risque, qu’elle module en distinguant quatre phénotypes de patients : ceux sans antécédent particulier, ceux en prévention secondaire, les diabétiques et enfin les personnes atteintes de comorbidités favorisant les pathologies CV.

Par rapport à la version antérieure, la prise en charge hygiénodiététique ne change pas. De même, les objectifs de pression artérielle, de LDL-C ou de glycémie restent les mêmes. Ainsi, la PA doit être ramenée en dessous de 140/90 mmHg, avec une PAS comprise entre 120 et 130 mmHg avant 70 ans. Le LDL-C doit être inférieur à 0,70 g/l, inférieur à 0,55 g/l chez les patients à haut risque. Pour y parvenir, les stratégies les plus récentes doivent être utilisées, avec des statines jusqu’à la dose maximale tolérée, associées ensuite si besoin à l’ézétimibe puis aux inhibiteurs de PCSK9. Chez les diabétiques de type 2, « si la metformine figure toujours en première ligne pour les patients sans comorbidités, on recommande désormais en première ligne les inhibiteurs de SGLT2 et les agonistes du récepteur au GLP1 en cas d’athéro­sclérose, des iSGLT2 en cas d’insuffisance cardiaque ou d’atteinte rénale », souligne le Pr N. Sattar (Royaume-Uni).

Enfin, ces nouvelles guidelines introduisent la notion d’intervention populationnelle qui va au-delà des compétences médicales, en appelant par exemple à la lutte contre la pollution de l’air. Pour favoriser leur appropriation, elles sont disponibles sous forme d’application numérique.

Insuffisance cardiaque : des modifications thérapeutiques majeures

L’insuffisance cardiaque (IC) chronique à fonction systolique altérée a bénéficié de nouvelles recommandations qui revisitent en profondeur l’approche thérapeutique.
Sur le fond déjà, puisqu’il n’est plus question d’instaurer un traitement pas à pas, de première, deuxième puis troisième ligne, etc., mais de proposer d’emblée les molécules qui ont fait leurs preuves sur la fonction cardiaque et la qualité de vie. Plutôt que de chercher à atteindre la dose maximale avec une molécule, il est aussi préconisé d’en associer plusieurs en commençant à petite dose.

Grand changement aussi sur la forme, puisque les inhibiteurs de SGLT2 sont proposés en première ligne, à côté des IEC/ARA II ou du sacubitril valsartan, des bêtabloquants, des diurétiques et des antagonistes des minéralocorticoïdes, même chez le non-diabétique avec une recommandation de grade A.

L’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) intermédiaire (41 à 49 %) a été renommée IC à FEVG légèrement réduite, ce qui pourrait paraître anecdotique mais signifie qu’il existe un certain niveau de baisse de la fraction d’éjection, ce qui doit permettre d’envisager les mêmes traitements que dans l’IC à FEVG altérée.

Comorbidités Les experts insistent plus que jamais sur la nécessité de rechercher les étiologies et les comorbidités associées, cardiovasculaires ou non (HTA, fibrillation auriculaire, pathologie isché­mique ou valvulaire, diabète mais aussi insuffisance rénale, carence martiale, etc.) dont le traitement spécifique peut avoir un impact majeur sur l’évolution de la fonction cardiaque. « On n’omettra pas de rechercher une amylose à transthyrétine sénile ou héréditaire qui peut maintenant bénéficier du tafamidis », rappelle le Pr Roy-S. Gardner (Royaume-Uni).