« La crise sanitaire va constituer un tournant en matière de télémédecine, surtout pour la téléconsultation. Et même si notre discipline n’est pas celle qui se prête le plus à ce type d’exercice, beaucoup de cardiologues ont franchi le pas avec cette pandémie de Covid-19. Si toutes les conditions réglementaires et financières sont au rendez-vous, je suis persuadé que, dans 10 ans, tous les cardiologues feront des téléconsultations de manière régulière », projette le Dr Marc Villaceque, président du Syndicat national des cardiologues.
Un essor tiré par les généralistes
La cardiologie n’est évidemment pas la seule spécialité à s’être tournée vers la téléconsultation lors du premier confinement. En l’espace d’un seul mois, entre mars et avril 2020, 5,5 millions de téléconsultations ont été remboursées par l’Assurance-maladie. « De quelques milliers par semaine avant les mesures de confinement début mars 2020, le nombre moyen hebdomadaire de téléconsultations a atteint, au plus fort de la crise sanitaire, près d’un million. À leur niveau le plus haut entre le début et la fin avril, les téléconsultations ont ainsi représenté jusqu’à 27 % en moyenne de l’ensemble des consultations (physiques et à distance) », soulignait en juillet l’Assurance-maladie.
Ce sont les généralistes qui, sans surprise, se sont emparés de cet outil avec 82,6 % des téléconsultations facturées entre septembre 2019 et avril 2020. On trouve ensuite les psychiatres (6,4 %), les pédiatres (2 %), les gynécologues (1,3 %), les dermatologues (1,1 %) et les endocrinologues (1,1 %). « En moyenne, on peut estimer que les cardiologues ont réalisé environ 1 % de ces téléconsultations, soit sensiblement le même pourcentage que celui d’avant le Covid-19, souligne le Dr Villaceque. Jusque-là, il y avait plusieurs obstacles qui freinaient le développement de la téléconsultation. Le premier était celui du paiement de la consultation par le patient. Le second était l’inscription payante à la plateforme. Et comme nos agendas étaient déjà surbookés, nous n’avions pas le temps de faire de la téléconsultation. Mais quand le service est devenu gratuit et simple d’utilisation, cela a convaincu un grand nombre de cardiologues de s’engager ».
Une véritable consultation ?
Cette téléconsultation s’apparente davantage à un « télé-interrogatoire » qu’à une véritable consultation. « C’est impossible de faire une véritable consultation de cardiologue sans utiliser son stéthoscope, ni prendre la tension ou faire un ECG. Mais on a pu se rendre compte, à l’occasion de cette crise, que ces téléconsultations pouvaient quand même être utiles dans certains cas, pour des patients déjà connus du praticien. Il n’est pas envisageable d’avoir recours à cette consultation à distance pour un patient qu’on voit pour la première fois », reconnaît le Dr Villaceque.
« Avec la téléconsultation, on peut d’abord expliquer certains examens à des patients, par exemple un coroscanner. On peut aussi donner des conseils pour mieux adapter les traitements. D’ordinaire, quand on met en place un traitement antihypertenseur, par exemple, on laisse ensuite le patient aller consulter son médecin traitant au bout d’un mois pour voir où en est sa tension et voir s’il y a lieu d’adapter ce traitement. Là, on peut très bien refaire une téléconsultation qui prendra peu de temps car elle sera centrée sur une question précise. Avec la téléconsultation, on peut aussi voir comment les patients utilisent les appareils d’auto-mesure chez eux. Et bien souvent, ils ont avec eux leurs ordonnances et leur dernier bilan biologique, ce qui n’est pas toujours le cas quand ils viennent au cabinet ».
Quelle place en cardiologie ?
La téléconsultation pourrait aussi être utile en complément de la télésurveillance et la télé-expertise, deux outils très utilisés en cardiologie. « Aujourd’hui, avec la télésurveillance, on assure le suivi des constantes de nombreux patients en insuffisance cardiaque. Et si on constate qu’un patient va moins bien, cela pourrait être utile, en appuyant juste sur un bouton, de faire une courte téléconsultation pour voir ce qui ne va pas », envisage le Dr Villaceque, en ajoutant que la téléconsultation devrait pouvoir continuer à être utilisée, même après la pandémie de Covid. « Mais il faut que l’accès reste simple et que la question du paiement ne soit pas un obstacle. Dans notre spécialité, c’est un mode de consultation qui restera forcément très minoritaire mais qui peut trouver sa place. C’est pour cette raison que le Conseil national professionnel de cardiologie a déjà commencé à travailler sur la téléconsultation pour apprécier sa pertinence mais aussi ses limites ».
D’après un entretien avec le Dr Marc Villaceque, président du Syndicat national des cardiologues
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