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Dossier

Congrès européen de cardiologie 2019

Prévention, les cardios européens serrent la vis

Publié le 27/09/2019
Prévention, les cardios européens serrent la vis

Ouverture
GARO/PHANIE

Cette année, le congrès européen de cardiologie avait élu domicile à Paris, réunissant plus de 30 000 participants. Cette édition 2019 a été un grand cru pour les recommandations, avec une insistance toute particulière sur la prévention cardiovasculaire dans les mises à jour des recommandations sur les dyslipidémies, le diabète, les syndromes coronariens chroniques, etc.

Décidément, les cardiologues européens n’ont pas froid aux yeux en matière prévention cardiovasculaire. L’an dernier, la Société européenne de cardiologie avait déjà musclé la prise en charge de l’HTA. Cette année, la société savante a présenté lors de son congrès annuel (Paris, 31 aout –  4 septembre) deux nouvelles guidelines qui intensifient les stratégies en matière de dyslipidémies et de diabète.

Alors qu’en France, les nouvelles recos sur le diabète se font toujours attendre, tandis que celles sur les dyslipidémies viennent d’être abrogées, l’ESC donne un nouveau tour de vis. Au risque d’en faire trop ? La question n’a pas manqué de faire débat dans les couloirs du congrès et se posera certainement sur le terrain.

Dyslipidémies, des objectifs encore plus stricts

Concernant les dyslipidémies, les objectifs de LDL ont encore été revus à la baisse, avec pour les patients à très haut risque ou en prévention secondaire une cible < 0,55 g/l qui a fait ses preuves dans de larges études. Pour les risques haut, modéré ou bas, le LDL doit être ramené en dessous de respectivement 0,7 ; 1 et 1,16 g/l.

Les recommandations se montrent aussi très ambitieuses chez les diabétiques de type 2, chez qui il faut réduire d’au moins 50 % le LDL et viser là encore moins de 0,55 g/l pour le très haut risque, et moins de 0,7 g/l pour le haut risque. Les statines doivent aussi être prescrites chez les diabétiques de type 1 à haut ou très haut risque.

Autre nouveauté, concernant l’évaluation du risque. « Il est recommandé maintenant de rechercher des éléments susceptibles de modifier le niveau de risque, précise Colin Baigent (épidémiologie cardiovasculaire, Royaume-Uni), comme les plaques d’athérome carotidiennes ou fémorales à l'échographie ou le score calcique. » Le dosage des lipoprotéines(a) doit être réalisé au moins une fois dans la vie de tout adulte pour identifier ceux chez qui il dépasse 1,8 g/l et dont le niveau de risque équivaut à celui des hypercholestérolémies familiales hétérozygotes.

Pour atteindre les objectifs, il faut intensifier le traitement par statines jusqu’à la dose maximale tolérée avant de passer à l’association avec l’ezetimibe. En cas d’échec, l’ajout d’un anti-PCSK9 est préconisé chez les patients à très haut risque CV en prévention secondaire ou atteints d’hypercholestérolémie familiale. Les plus âgés ne sont pas oubliés et doivent bénéficier des statines jusqu’à 75 ans, de la même manière que les personnes plus jeunes. Au-delà, la prescription peut se discuter chez les sujets à haut risque.

Chez les patients à haut risque dont les triglycérides restent > 2g/l, les statines sont maintenant recommandées en première intention, associées en cas d’échec à l’icosapent éthyl (oméga 3).

Diabète, l’ESC bouscule la metformine 

Les nouvelles recommandations de l’ESC sur le diabète n’hésitent pas non plus à bousculer les habitudes. Dans ce nouveau texte, la metformine perd son exclusivité en première intention et ne garde une place en monothérapie, qu’en cas de risque CV modéré ou bas. Pour Francesco Cosentino (Cardiologie, Suède), qui présentait ces recos, « chez les patients à haut ou très haut risque, il est clair que le traitement hypoglycémiant de première intention repose sur les iSGLT2 ou les agonistes du GLP1 ».

Le risque cardiovasculaire chez le diabétique a par ailleurs été reclassifié, se basant sur le fait que le risque de maladie coronaire, d’AVC ou de décès CV est en moyenne doublé par rapport à la population non diabétique. Il n’y a pratiquement plus de risque bas, puisqu’il est considéré comme modéré avant 35 ans pour le diabète de type 1 (DT1) et avant 50 ans pour le DT2, si le diabète a moins de 10 ans et en l’absence de facteur de risque (FR). Il passe à haut risque si la maladie date de plus de 10 ans et s’associe à un FR sans atteinte d’un organe cible. On parle de très haut risque en cas de pathologie CV, d’une atteinte d’un organe cible, d’au moins 3 FR, de début précoce pour le DT1 ou d’une durée de plus de 20 ans depuis le diagnostic.

Comme les objectifs lipidiques, les cibles de pression artérielle chez le diabétique ont été revues, visant une PAS < 130 mmHg (entre 130 et 139 mmHg après 65 ans), voire entre 120 et 130 mmHg en cas de risque élevé d’AVC ou d’atteinte rénale. Dans tous les cas, la PAD doit rester comprise entre 70 et 80 mmHg.

L’aspirine n’est à envisager en prévention primaire que chez les diabétiques à haut ou très haut risque, en l’absence de contre-indication et en association à un IPP.

Embolie pulmonaire : la place de l’ambulatoire se confirme

Pour l’embolie pulmonaire (EP), les guidelines de l’ESC 2019 sont très similaires aux recos françaises parues en début d’année, en particulier concernant la prise en charge des EP à bas risque en ambulatoire.

En l’absence d’instabilité hémodynamique, une probabilité d’EP élevée doit immédiatement amener à un angioscanner pulmonaire. Si la probabilité est faible ou intermédiaire, elle sera précisée par un test des D-dimères ajusté sur l’âge. La scintigraphie de ventilation/perfusion peut être considérée comme une alternative. La gravité de l’EP doit être ensuite évaluée sur l’existence d’une dysfonction ventriculaire droite et le dosage de la troponine.

En dehors d’une instabilité hémodynamique, « le traitement repose, en l’absence de contre-indication, sur les anticoagulants d’action directe (AOD) dès la phase aiguë, permettant d’envisager chez les EP à bas risque avec un environnement médico-familial favorable et une prise en charge ambulatoire », souligne Stavros Konstantinides (Allemagne). En cas d’EP associée à un cancer (sauf localisation gastrique), l’edoxaban ou le rivaroxaban sont désormais considérés comme une alternative aux HBPM.

Les recommandations insistent sur le suivi au long cours avec une évaluation vers 3 à 6 mois, à la recherche d’une HTAP et, en cas de dyspnée ou de limitation fonctionnelle, une échographie, un dosage du BNP, un test d’effort voire une scintigraphie de perfusion/ventilation.  

Maladie coronaire chronique : exit l’angor stable, vive le SCC

Autres recos revisitées, celles sur la maladie coronaire chronique qui remplacent le terme d’angor stable par celui de SCC (syndrome coronarien chronique), « car il s’agit en fait d’une maladie évolutive », explique Juhani Knuuti (imagerie cardiovasculaire, Finlande), et minimisent la place de l’ECG d’effort. Celui-ci garde une valeur prédictive pour le risque d’évènements CV, mais n’est plus considéré comme un élément clé pour écarter ou non une atteinte coronarienne, évaluer l’ischémie ou la symptomatologie sous traitement. Lorsqu’une pathologie coronaire ne peut pas être éliminée sur la seule clinique, le recours à un test d’ischémie ou à l’imagerie coronaire se justifie.

Quant aux recommandations sur les tachycardies supraventriculaires, elles considèrent que les traitements médicamenteux sont inappropriés et cèdent la place à l’ablation dans les formes symptomatiques ou récurrentes.

Du côté des grandes études…

>DAPA-HF : Cette étude phare de l’ESC montre qu’un inhibiteur de SGLT2, la dapaglifozine, réduit les hospitalisations et la mortalité chez l’insuffisant cardiaque, qu’il soit ou non diabétique.

>NAXOS : Réalisée à partir des données du Sniiram, cette étude de cohorte française confirme « dans la vraie vie » les résultats de l’apixaban dans la FA non valvulaire, avec un bénéfice et une tolérance supérieurs aux AVK (mortalité moindre, diminution du risque d’ AVC et d’embolie systémique, réduction du risque de saignements majeurs). Les données suggèrent aussi des différences d’effets entre AOD, avec notamment un taux de saignements plus réduit sous apixaban.

>Paris RACE Registry rassure quant au risque d’évènements graves lors de courses d’endurance. Ceux-ci sont rares (36 évènements pour un million de coureurs, dont 25 d’origine CV et 11 secondaires à un coup de chaleur). Pour les auteurs, la corrélation entre ces évènements et la pollution ou la température extérieure devrait faire envisager l’annulation de la course si l’index ATMO est  > 8 ou la température > 20 °C.

>HiSTORIC : Une valeur de troponine US < 5ng/l élimine un syndrome coronaire aigu avec une valeur prédictive de 99,5 %, permettant ainsi de réorienter le diagnostic ou de limiter le séjour aux urgences sans majoration des évènements CV à un an.

>BB-meta-HF : L’altération de la fonction rénale ne doit plus être un frein à la prescription de bêta-bloquants dans l’IC à fonction systolique altérée, dans laquelle ils réduisent significativement la mortalité toutes causes, sans préjudice sur la fonction rénale, quelle que soit celle-ci à l’inclusion.
 

Dr Maia Bovard-Gouffrant

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