LE QUOTIDIEN : D’où est venue la nécessité d’optimiser la démarche diagnostique aux urgences face à une suspicion d’embolie pulmonaire ?
Pr Andrea Penaloza :Il s’agit d’une pathologie pour lesquelles les plaintes des patients et leur présentation clinique sont très peu spécifiques : dyspnée, douleur thoracique, tachycardie, syncopes… des plaintes très communes aux urgences. La pathologie étant potentiellement mortelle, l’objectif par le passé était de ne pas rater un diagnostic, et donc de réaliser les examens complémentaires disponibles, l’angiographie puis la scintigraphie ; mais, dans les années 90, l’arrivée de nouveaux outils diagnostiques faciles d’accès, comme le dosage des D-dimères et le scanner, a augmenté de manière substantielle la réalisation d’examens. Cela a mené à diagnostiquer plus d’embolies pulmonaires, mais sans impact majeur sur la mortalité ni le devenir des patients.
D’où la crainte d’une surconsommation d’examens et de surdiagnostics. Ce constat impose d’amorcer une nouvelle réflexion, d’autant que ces examens complémentaires ne sont pas dénués d’effets indésirables potentiels, en particulier le scanner (irradiations toxicité rénale des produits de contraste).
Quelles sont les limites de la démarche diagnostique probabiliste ?
Il s’agit de la démarche diagnostique classique et recommandée de l’embolie pulmonaire. L’évaluation de la probabilité clinique permet de guider l’interprétation des tests complémentaires. Si elle est faible, l’impression clinique de l’urgentiste sera confortée par un test négatif. En revanche, il sera alerté face à une discordance entre la clinique et le résultat de l’examen, à l’instar d’un test négatif avec une probabilité clinique élevée.
Aujourd’hui, les urgentistes sont tiraillés entre le risque de passer à côté d’une embolie pulmonaire potentiellement mortelle (une crainte qui peut aussi être expliquée par une dimension médico-légale) d’un côté et, de l’autre, la conscience de réaliser des scanners à de très nombreux patients chez qui la probabilité d’être atteint a fortement chuté. En effet, avec la suspicion plus large et la facilité d’accès aux examens, on compte aujourd’hui 13 ou 14 % de diagnostics avérés dans une population suspecte, contre 30 % il y a 30 ans.
Quelles améliorations les scores peuvent-ils apporter ?
L’objectif des derniers travaux est de rationaliser l’utilisation de ces examens complémentaires et de limiter la surconsommation qui s’est installée au fil du temps, avec des prises en charge plus personnalisées.
La règle de Perc, pour pulmonary embolism rule-out criteria, a été mise au point par Jeffrey Kline (États-Unis). Si tous ses critères sont négatifs, on a une probabilité clinique suffisamment faible pour considérer que le patient n’a pas d’embolie pulmonaire, permettant ainsi de limiter l’initiation de la démarche diagnostique et donc la réalisation d’examens complémentaires. Cette méthode a été validée aux États-Unis, et deux études prospectives récentes ont montré son intérêt en Europe. Pour l’instant, son utilisation n’est pas encore validée dans les recommandations européennes.
Des ajustements ont aussi été proposés sur le seuil de positivité des D-dimères, en dessous duquel l’embolie pulmonaire est exclue, sans recours au scanner, alors qu’au-delà (ou si la probabilité clinique est élevée), le scanner est réalisé.
Auparavant, le seuil était fixé à 500 ng/ml. Mais, à la suite d’une étude suisse ayant validé la sécurité de la méthode, il est désormais ajusté en fonction de l’âge du patient, en retenant dix fois son âge. Un patient de 80 ans verra ainsi son seuil de positivité passer à 800 ng/ml. Les équipes hollandaises proposent également de retenir un seuil à 1 000 ng/ml pour les probabilités cliniques faibles.
Très récemment, en collaboration avec l’équipe du CHU d’Angers (Pr Pierre-Marie Roy), nous avons mis au point le score 4-Peps, pour Pulmonary embolism probability score, intégrant ces différentes optimalisations en un score unique. Ce travail vient d’être publié dans Jama cardiology. C’est un score très prometteur que nous avons validé dans des cohortes rétrospectives et qui sera très prochainement évalué dans une étude prospective.
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