EN FRANCE, la mortalité par cardiopathie ischémique a diminué en raison des progrès de la prévention et de la thérapeutique. Mais sa mortalité augmente avec l’âge et reste toujours plus élevée chez l’homme (1). Dans 1 cas sur 3, les patients hospitalisés pour infarctus du myocarde sont âgés de plus de 75 ans. La mortalité dans cette population est particulièrement élevée. Au-delà de 85 ans, les complications graves, choc cardiogénique, accident vasculaire cérébral ou saignement majeur, sont beaucoup plus fréquentes.
Les recommandations officielles relatives à la prise en charge de la maladie coronaire sont toutefois fondées sur des essais cliniques qui, dans leur grande majorité, ont été réalisés chez des sujets plus jeunes. Elles ne peuvent donc pas s’appliquer de manière automatique chez des patients âgés de plus de 80 ans, souvent polypathologiques et en perte d’autonomie, les preuves scientifiques faisant défaut.
Une clinique parfois difficile.
Sur le plan clinique, la douleur angineuse reste le signe d’appel le plus habituel mais sa fréquence est moins importante que chez l’adulte plus jeune. Des difficultés de communication et des troubles cognitifs peuvent être responsables d’un oubli des symptômes. Par ailleurs, les manifestations cliniques atypiques (troubles digestifs, asthénie, altération de l’état général) sont fréquentes, en particulier chez les femmes. L’ischémie silencieuse est plus fréquente mais la coronaropathie peut également être asymptomatique quand la sédentarité induit une réduction de l’activité physique en deçà du seuil ischémique. Les pathologies confondantes (arthrose, algies pariétales, pathologies digestives notamment) peuvent rendre l’analyse clinique difficile.
Un double bilan, cardiologique et gériatrique.
La stratégie de prise en charge de la maladie coronaire chez les sujets âgés, notamment les octogénaires, est semblable à celle des coronariens plus jeunes tant en ce qui concerne la thérapeutique pharmacologique que la stratégie de revascularisation. Les sujets âgés constituent une population à risque cardiovasculaire élevé. Néanmoins, malgré l’incitation thérapeutique forte que constitue ce niveau de risque, les thérapeutiques disponibles restent sous-utilisées. Étonnamment, les patients les plus à risque, c’est-à-dire les plus âgés, qui ont davantage d’antécédents d’infarctus, d’accident vasculaire cérébral ou d’artériopathie périphérique, par exemple, sont ceux chez lesquels la reperfusion coronaire est le moins pratiquée, et ils reçoivent moins souvent les traitements appropriés comme les antiagrégants plaquettaires, le clopidogrel, les héparines de bas poids moléculaire, les statines, les bêtabloquants et, dans une moindre mesure, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion. Bien entendu, le traitement pharmacologique de la maladie coronaire doit être précautionneux, et la stratégie thérapeutique doit être fondée, non pas sur l’âge réel du patient, mais sur une analyse individuelle de la sévérité de sa maladie coronaire, de l’existence de comorbidités éventuelles, du risque iatrogène, et enfin de l’espérance et de la qualité de vie du patient.
Par ailleurs, s’il est fréquent de surseoir aux procédures de revascularisation à cet âge, l’analyse des sous-groupes âgés tend à prouver que la maladie coronaire des octogénaires et des malades plus âgés est grevée d’un pronostic péjoratif et gagne à être traitée vigoureusement, tant en ce qui concerne les lésions coronaires que les facteurs de risque cardiovasculaire souvent associés. Sur le plan chirurgical, enfin, on ne peut pas écarter un patient sur le seul motif qu’il est âgé. L’objectif principal de la prise en charge à cet âge doit être de privilégier la qualité de vie.
* Institut de Cardiologie, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris
Pr Daniel Thomas : pas de conflit d’intérêt déclaré.
Référence
(1) Hanon O, et coll. Consensus of the French Society of Gerontology and Geriatrics and the French Society of Cardiology for the management of coronary artery disease in older adults. Arch Cardiovasc Dis 2009 ; 102 (12) : 829-45.
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