Au cours du syndrome protéiforme à la physiopathologie complexe que constitue l'ICFEp, il n'est pas étonnant que les diurétiques (agissant au niveau du tubule proximal comme les iSGLT2, de l'anse d’Henle ou du tubule distal) se soient révélés efficaces pour diminuer le risque d'hospitalisation, l'élévation des pressions de remplissage ventriculaire gauche télédiastoliques étant le dénominateur commun de toutes les étiologies de ce syndrome. Ainsi, les récentes recommandations des différentes sociétés savantes américaines (AHA/ACC/HFSA) préconisent d'utiliser les iSGLT2 dans le traitement de l'ICFEp avec un niveau de preuve 2a (d’après l’étude EMPEROR Preserved, confirmée par l'essai DELIVER), associés aux diurétiques (niveau de preuve 1) et aux ARM (niveau de preuve 2b).
En fonction de la sévérité des symptômes et de l’état de la fonction rénale, il convient d’utiliser soit les diurétiques thiazidiques dans les cas moins sévères, soit les diurétiques de l’anse dans les formes plus graves ou en cas de débit de filtration glomérulaire (DFG) inférieur à 30 ml/min.
Les iSGLT2 bénéfiques
Les deux essais consacrés aux iSGLT2 comparaient au placebo l'empagliflozine ou la dapagliflozine, à la même dose de 10 mg, dans deux populations très proches de patients présentant une insuffisance cardiaque (IC) et une fraction d'éjection (FE) d’au moins 50 %. Ils se sont révélés positifs sur leur critère primaire, associant aux décès cardiovasculaires (CV) les hospitalisations pour IC pour l’une et les aggravations de l'IC pour l'autre. La méta-analyse de ces deux études retrouve une diminution de 20 % des décès CV ou d'une première hospitalisation pour IC. Ce bénéfice est essentiellement dû à la baisse de 26 % des hospitalisations pour IC, alors que la réduction de 12 % des décès CV n'atteint pas le seuil de significativité. Essentielle pour cette population souvent âgée, la qualité de vie est nettement améliorée sous iSGLT2. Cette amélioration des décès CV et de la première hospitalisation pour IC est significative quelle que soit la valeur de la FE (entre 50 et 59 %, ou de 60 % et plus), témoignant de l'efficacité de cette classe thérapeutique dans les IC à FE supra normale, dont le pronostic est plus sombre. D’après l'analyse en sous-groupe, elle se retrouve de façon homogène dans toutes les situations testées, quel que soit l'âge du patient (efficacité toujours significative au-delà de 80 ans), l'existence ou non d'une fibrillation atriale ou d'une insuffisance rénale, et le traitement antérieur (notamment la prise ou non de bloqueur du système rénine-angiotensine ou d'ARM). Dans ces deux essais, la tolérance des iSGLT2 s'est révélée excellente y compris chez les patients les plus âgés : seules les infections génitales, qui demeurent rares, étaient plus fréquentes que sous placebo. Les iSGLT2 doivent donc être systématiquement prescrits devant toutes ICFEp, quelle que soit son étiologie, si le DFG est d’au moins 20 ml/min. Leur utilisation est particulièrement aisée et ne requiert pas de surveillance biologique.
Les ARM recommandés
Les experts américains recommandent également l'utilisation des ARM, malgré les résultats globalement négatifs de l’essai TOPCAT réalisé avec la spironolactone. Dans l'analyse réalisée a posteriori chez les patients américains de l'étude, il a en effet été observé une diminution significative du critère primaire (décès ou hospitalisations pour IC), essentiellement due à une baisse des hospitalisations pour IC. L'absence de réduction significative (-11 %) dans l'ensemble de la population a probablement été favorisée par l'inclusion de patients non insuffisants cardiaques (vu le peu d’événements survenus pendant le suivi) en Russie et en Georgie (pas de recours aux peptides natriurétiques pour confirmer le diagnostic dans ces pays). La spironolactone sera donc proposée aux patients atteints d’ICFEp présentant un DFG d’au moins 30 ml/min et une kaliémie ne dépassant pas 5 mmol/l. Sa posologie initiale sera de 25 mg/jour, puis augmentée si nécessaire à 50 mg/jour, sous surveillance biologique stricte. La spironolactone aura pour avantage de prévenir le risque d'hypokaliémie générée par l'utilisation des diurétiques de l’anse. L’étude FINEARTS-HF est en cours pour apprécier le bénéfice d'un ARM non hormonal, la finérénone, dans ce type d'IC.
Selon les experts américains, ce traitement diurétique pourra être complété par du sacubitril-valsartan chez les patients présentant les FE les plus basses (≤ 57 %), sous-groupe où le sacubitril-valsartan s'était révélé efficace (comme chez les femmes) dans l'étude PARAGON, ou par un antagoniste des récepteurs de l'angiotensine 2 (ARA2, recommandation de classe 2b) notamment en cas d’hypertension artérielle (HTA).
Le traitement de base de l'ICFEp est ainsi constitué des iSGLT2, diurétiques de l’anse et ARM. Il devra si possible être associé à un traitement étiologique, en distinguant les deux grandes causes d’ICFEp justifiant d’une prise en charge spécifique : les surcharges barométriques (notamment post-hypertensives) et les cardiomyopathies amyloïdes.
CHU de Toulouse
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