L’amylose à transthyrétine est une maladie rare, due à des dépôts de protéine fibrillaire insoluble dans les tissus, et notamment dans le tissu cardiaque — où cette accumulation de fibrilles conduit à une altération progressive du fonctionnement du myocarde. Comme le rappelle l’Académie nationale de médecine, le repérage de cette pathologie apparaît « capital » dans la mesure où le diagnostic doit conduire à une « prise en charge cardiologique (…) particulière » : « les traitements classiques de l’insuffisance cardiaque peuvent être délétères », et « seuls (des) traitements spécifiques peuvent ralentir ou stopper le processus infiltratif », insiste l’instance (1).
Cependant, ces traitements spécifiques, étiologiques, de l’amylose cardiaque à transthyrétine restent peu nombreux. En fait, jusqu’à présent, seul le tafamidis, stabilisateur spécifique de la transthyrétine, avait montré sa capacité à améliorer la survie des patients, dans l’étude Attract.
Cinq candidats traitements dans les pipelines
Mais d’autres molécules sont dans les tuyaux. Des essais sont en cours dans la cardiomyopathie amyloïde, afin d’évaluer l’intérêt du patisiran — petit ARN interférent ciblant spécifiquement le gène de la transthyrétine, capable d’en réduire l’expression et ainsi de limiter la production hépatique de fibrilles, explique l’Académie de médecine (1). L’instance évoque aussi l’inotersen, « oligonucléotide antisens (…) qui bloquerait (aussi) la synthèse de la protéine anormale. » Et le nexiguran-ziclumeran (nex-z), dérivé de la méthode Crispr-Cas 9, a donné des résultats encourageants dans un essai de phase 1 présenté lors du congrès de l’American Heart Association de 2024 : une unique perfusion du candidat médicament aurait conduit, au plan biologique, à une chute durable de 90 % des taux de transthyrétine plasmatique et, au plan clinique, à une stabilisation de la fraction d’éjection.
Deux candidats traitements apparaissent plus avancés. À l’instar de l’acoramidis, qui a donné des résultats en phase 3 l’an dernier. Et autre candidat traitement a particulièrement fait parler de lui fin 2024 : le vutrisiran, ARN interférent lui aussi conçu pour inhiber la production hépatique de transthyrétine. En effet, ce produit destiné à une administration sous-cutanée tous les 3 à 6 mois a fait l’objet d’un essai clinique de phase 3 — Helios-B — décrit dans un article du New England Journal of Medicine (2).
35 % du taux de décès en moins avec le vutrisiran
Plus précisément, cet essai a été conduit en double aveugle auprès de 655 patients atteints d’amyloïdose cardiaque à transthyrétine, randomisés pour recevoir, toutes les 12 semaines pendant plus de 36 mois, une injection sous-cutanée soit de 25 mg de vutrisiran, soit d’un placebo. À noter qu’ont été recrutés non seulement des patients qui ne recevaient pas de tafamidis lors de leur inclusion, mais aussi des personnes qui recevaient déjà ce traitement.
Comme le précise la publication, le critère de jugement principal concernait un critère composite incluant la mortalité toute cause et les évènements cardiovasculaires récurrents. Les performances au test de marche de six minutes (TM6) et la qualité de vie estimée par le score KCCQ-OS ont aussi été évaluées.
Résultat : par rapport au placebo, le vutrisiran a bien permis de réduire le risque de décès toutes causes et le risque d’évènements cardiovasculaires — avec un HR global de 0,72, et même de 0,67 chez les patients aussi traités par tafamidis. Pris isolément, le risque de décès toutes causes était par ailleurs significativement plus bas à 42 mois chez les participants sous vultrisiran (HR = 0,65).
De surcroît, le traitement semble bien pouvoir préserver les capacités fonctionnelles (avec de meilleures performances au test de marche dans le groupe vutrisiran) et la qualité de vie (avec en moyenne une différence de six points entre les deux groupes au score KCCQ-OS). Et ce, chez tous les participants — déjà traités ou non par tafamidis.
Le tout, pour un profil de tolérance similaire dans les deux groupes. À noter toutefois une forte prévalence globale des évènements indésirables graves — recensés chez 62 % des participants du bras interventionnel, et chez 67 % des participants du groupe placebo.
(1) Damy T, et al. Amylose cardiaque à transthyrétine une maladie du XXIe siècle : du diagnostic au traitement. Bulletin de l’Académie nationale de Médecine. 2023 mai(207)5:576-82
(2) Fontana M, et al. Vutrisiran in patients with transthyretin amyloidosis with cardiomyopathy. N Engl J Med 2025;392:33-44
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