Quadrithérapie dans ICFEr

Associer vite et bien !

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Publié le 26/05/2023
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Combiner rapidement quatre classes thérapeutiques et augmenter leur posologie au plus vite, telle est la stratégie de la quadrithérapie à mettre en place en cas d’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection réduite (ICFEr). Mais comment procéder en pratique et pour quel bénéfice ?

Crédit photo : DR

Le traitement de l’ICFEr (FE < 50 %) repose sur de solides recommandations internationales. En première intention, il comporte quatre classes médicamenteuses, qui diminuent la mortalité et doivent être prescrites le plus rapidement possible après le diagnostic, leurs bénéfices apparaissant dès les faibles doses. Ainsi, à la différence des règles antérieures issues de l’histoire des essais cliniques, il faut privilégier l’introduction d’une nouvelle classe pharmacologique à la titration d’une seule classe, afin de lutter contre l’inertie thérapeutique et jouer sur les différentes voies physiopathologiques de l’insuffisance cardiaque (IC).

Quatre classes thérapeutiques à combiner

Le sacubitril-valsartan assurera le blocage du système rénine-angiotensine (SRA) en première intention. Mais chez les patients les plus sévères (stade 4 ou avec une pression artérielle systolique [PAS] inférieure à 100 mm Hg), on restera fidèle aux inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC). Les bêtabloquants (βB), dont le bénéfice sur le remodelage et la mortalité restent majeurs, seront introduits en tenant compte de l’état hémodynamique et rythmique des patients.

Les inhibiteurs du cotransporteur sodium-glucose de type 2 (iSGLT2) sont d’un usage particulièrement simple, avec une dose unique de 10 mg et une utilisation possible jusqu’à un débit de filtration glomérulaire (DFG) de 20 ml/min. Ils se sont révélés efficaces, quel que soit le traitement antérieur. De plus, ils ne gênent pas l’implémentation ultérieure des posologies des autres médicaments (leur effet hypotenseur étant peu marqué), à condition d’adapter la dose des diurétiques de l’anse associés.

Les antagonistes des récepteurs minéralocorticoïde (ARM) constituent un couple idéal avec les diurétiques de l’anse, évitant l’apparition d’une hypokaliémie. Ils peuvent être introduits à 25 mg si le DFG est d’au moins 30 ml et la kaliémie ne dépasse pas 5 mmol/l. En fonction de l’existence ou non d’un syndrome congestif, le furosémide complétera cette quadrithérapie.

Dans quel ordre ?

Les divers profils cliniques des patients guideront l’ordre d’introduction de ces traitements, qui sera différent dans l’IC décompensée ou ambulatoire. Chez un sujet décompensé, en dehors des rares cas de chocs cardiogéniques, il faut lutter contre le syndrome congestif en commençant le traitement par des diurétiques. Il convient ainsi d’associer au furosémide un ARM qui évitera l’apport potassique, et un iSGLT2 qui permettra de réduire la dose de diurétique de l’anse, en veillant à ne pas générer d’hypovolémie. Après stabilisation de la fonction rénale, sera rapidement introduit un bloqueur du SRA en privilégiant un antagoniste du récepteur de l’angiotensine-néprilysine (ARNi), suivi des stabilisations de l’état hémodynamique par la mise sous βB. Si une arythmie atriale ou ventriculaire est à l’origine de la décompensation, les βB seront introduits précocement. Chez les patients ambulatoires non congestifs et sans hypotension, pourront être initiés simultanément les ARNi, βB et iSGLT2, puis dans un second temps un ARM après contrôle de la créatininémie et de la kaliémie. Dans tous les cas, une titration des traitements anti-neuronaux sera réalisée, en présentiel ou à distance grâce à la télécardiologie, avec des étapes tous les 15 jours ou mensuelles chez les sujets âgés ou fragiles.

Un bénéfice démontré

Cette stratégie de mise en place rapide de la quadrithérapie de l’ICFEr, puis d’obtention au plus vite des doses optimales, a été récemment validée par les résultats de l’étude STRONG-HF. Dans cet essai mené chez des patients hospitalisés pour décompensation (85 % avec une fraction d’éjection de moins de 50 %), il a été possible d’introduire en phase hospitalière jusqu’à 50 % de la dose cible du traitement de première intention, puis d’optimiser les posologies (si possible à la dose maximale) dès la deuxième semaine après la sortie. Cette stratégie a été associée à une diminution de 34 % des décès et des hospitalisations pour IC, après six mois de suivi.

Il faut donc passer de la théorie à la pratique, que ce soit chez des patients hospitalisés ou ambulatoires, et mettre en route les quatre classes thérapeutiques qui sauvent des vies, avant d’augmenter leur posologie le plus rapidement possible.

 

CHU de Toulouse

Pr Michel Galinier

Source : Bilan Spécialiste