Antihypertenseurs, bêtabloquants : nouvelles données concernant la déprescription

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Publié le 17/09/2024
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Quels médicaments déprescrire en cardiologie et chez quels patients ? Cet été 2024, de nouvelles données apportent des pistes de réponse.

Crédit photo : VOISIN/PHANIE

Les résultats de l’essai clinique randomisé anglais Optimise, publié en août dans le Lancet Health Longevity (1), apportent de nouveaux éléments en faveur de la sécurité de la déprescription d’antihypertenseurs chez certains patients âgés.

Déprescription des antihypertenseurs chez les plus de 80 ans polymédicamentés

Les antihypertenseurs ont montré leur capacité à réduire le risque de maladie cardiovasculaire et la mortalité toutes causes, et ce, même au-delà de 80 ans. Cependant, chez les patients âgés, la iatrogénie liée à ces médicaments augmente — avec, selon une récente méta-analyse, un risque accru d’hypotension, de syncope, d’hyperkaliémie, etc., en particulier à partir de 80 ans et chez les individus présentant un syndrome de fragilité modéré à sévère.

Mais faut-il pour autant déprescrire les antihypertenseurs — comme le préconisent certaines recommandations fondées surtout sur des études observationnelles ? Pour répondre, l’essai anglais Optimise avait évalué, en 2020 (2), la sécurité de la déprescription chez les personnes âgées présentant une hypertension artérielle bien contrôlée, avec un traitement associant plusieurs antihypertenseurs. La conclusion apparaissait favorable à une réduction du nombre d’antihypertenseurs prescrits : la suspension de médicaments n’amenait pas d’augmentation de la pression artérielle à trois mois. Toutefois, à plus long terme, l’effet d’une telle mesure sur les hospitalisations et la mortalité demeurait inconnu.

La poursuite, pendant en médiane quatre ans, de l’essai Optimise, chez 564 patients de 80 ans ou plus au moment de leur inclusion et polymédicamentés concernant l’hypertension, a permis d’y voir plus clair. Pour rappel, ces participants, à 48 % des femmes et qui présentaient initialement une pression artérielle de moins de 150 mmHg sous au moins deux antihypertenseurs, avaient été randomisés soit pour poursuivre leur traitement habituel, soit pour voir un de leurs médicaments suspendu. Par la suite, le traitement pouvait être modifié en fonction des besoins.

Résultat : la déprescription a bien été maintenue pendant la durée du suivi chez la moitié des patients du groupe interventionnel. Cette déprescription n’a pas eu d’effet néfaste sur les hospitalisations et la mortalité, 72 % des patients du groupe interventionnel ayant été hospitalisés ou étant décédés pendant l’étude, contre 77 % dans le groupe contrôle.

Même en prenant en compte uniquement les patients du groupe interventionnel qui avaient bien réduit leur traitement, sans le reprendre pendant les 12 premières semaines de l’intervention, la proportion de participants hospitalisés ou décédés était plus faible dans le groupe d’intervention : HR = 0,80 [0,64 à 1,00]. Si bien que les auteurs concluent « qu’une intervention de déprescription d’antihypertenseurs pourrait être sécuritaire pour les personnes âgées de 80 ans ou plus, avec une pression artérielle contrôlée et utilisant deux antihypertenseurs ou plus ».

Reste toutefois à savoir, par exemple, s’il est sûr, de déprescrire davantage qu’un seul hypertenseur — voire de suspendre complètement le traitement.

Déprescription des bêtabloquants

Par ailleurs, un essai randomisé multicentrique français baptisé Abyss, publié fin août dans le New england journal of medicine (3), revient sur la déprescription de bêtabloquants chez les patients s’étant vu prescrire ce type de médicaments après un infarctus du myocarde.

Pour rappel, l’intérêt des bêtabloquants pour améliorer le pronostic après un infarctus est bien démontré. Mais ce, chez des patients touchés par des infarctus particulièrement sévères, et dans des études anciennes, conduites avant l’arrivée des techniques de diagnostic et de traitement disponibles actuellement.

Mais ce printemps, l’essai Reduce-AMI (4) a remis en cause l’intérêt de l’instauration d’un traitement au long cours par ces médicaments après un infarctus. En effet, dans cette étude multicentrique conduite en Suède, Estonie et Nouvelle-Zélande auprès de plus de 5 000 patients ayant eu un IDM aigu et présentant une fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) d’au moins 50 %, l’introduction de métoprolol ou de bisoprolol (sélectifs des récepteurs B1) au long cours n’avait pas permis de réduire le risque de décès ou de nouvel infarctus du myocarde après 3,5 ans de suivi.

Restait toutefois à se pencher sur la déprescription de ces médicaments, et à s’intéresser à tous les bêtabloquants (pas uniquement à ceux sélectifs des récepteurs B1). Ainsi, près de 3 700 patients ayant des antécédents d’infarctus du myocarde (avec une durée médiane de 2,9 ans entre le dernier infarctus et le recrutement), manifestant une fraction FEVG d’au moins 40 % et recevant des bêtabloquants, ont été randomisés soit pour poursuivre leur traitement, soit pour interrompre la prise de bêtabloquants. Le critère composite de jugement principal intégrait les décès, les infarctus du myocarde et AVC non mortels, les hospitalisations pour cause cardiovasculaire après plus d’un an de suivi. En pratique, les patients ont été suivis pendant une durée médiane de trois ans.

Résultat : selon la publication, l’interruption d’un traitement de long terme par bêtabloquants ne s’est pas avérée non inférieure à une stratégie de continuation des bêtabloquants. Et pour cause, le critère est advenu parmi 23,8 % des patients ayant suspendu leur traitement, contre 21,1 % des participants ayant maintenu la prise de bêtabloquants (HR = 1,16). Par ailleurs, la qualité de vie ne semblait pas améliorée en cas de suspension du traitement.

Ainsi, si ces résultats ne plaident pas pour une déprescription, ils n’appellent pas non plus à exclure totalement la possibilité de suspendre des bêtabloquants après un infarctus. Notamment car dans cette étude, la mortalité totale — critère plus objectif — semble en réalité similaire (de l’ordre de 4 %) dans les deux groupes.

Le débat ne manquera pas de se poursuivre, avec d’autres essais en cours.

(1) James P Sheppard, Eleanor Temple, et al. Effect of antihypertensive deprescribing on hospitalisation and mortality: long-term follow-up of the Optimise randomised controlled trial. The Lancet Health Longevity. Volume 5, Issue 8, e563-e573. August 2024
(2) Sheppard, JP Burt, J Lown, M et al. Effect of antihypertensive medication reduction vs usual care on short-term blood pressure control in patients with hypertension aged 80 years and older: the Optimise randomized clinical trial. JAMA. 2020; 323:2039-2051
(3) Johanne Silvain, Guillaume Cayla et al. Beta-blocker interruption or continuation after myocardial infarction. The New England Journal of Medicine. August 30, 2024
(4) Troels Yndigegn, Bertil Lindahl, Katarina Mars, et al. Beta-blockers after myocardial infarction and preserved ejection fraction. The New England Journal of Medicine. 2024;390 NO 15. 1372-1381


Source : lequotidiendumedecin.fr