Selon les données de Santé publique France 2017, environ deux tiers des patients atteints de cancer ont plus de 65 ans et un tiers plus de 75 ans. Sur l'ensemble des décès par cancer, 75 % surviennent à partir de 65 ans, 25 % à partir de 85 ans.
En 2010, une étude présentée à l'ASCO (2) a bouleversé la prise en charge des cancers du sujet âgé. Elle démontrait le bénéfice, en termes de survie globale et de survie sans progression, d'une bichimiothérapie par rapport à une monochimiothérapie chez des patients de plus de 70 ans atteints de cancer bronchique non à petites cellules, sélectionnés par évaluation gériatrique. L'incidence du cancer du poumon chez les plus de 75 ans est aujourd'hui de 26 %.
Le rôle clé de l'évaluation gériatrique
Passé 80 ans, chez un patient en forme, même une chirurgie du pancréas est envisageable. Pour ces patients de plus en plus âgés et souvent en bon état de santé au moment du diagnostic, les évaluations oncologiques et gériatriques précisent le caractère localisé ou métastatique de la tumeur, le contexte palliatif ou curatif, le pronostic, l'espérance de vie prévisible (à 80 ans, elle est de 10,9 ans chez la femme et 8,8 ans chez l'homme [3]), les comorbidités et priorisent les prises en charge (troubles cognitifs, cancer…). « L'évaluation gériatrique participe en réunion de concertation pluridisciplinaire à la décision collégiale sur le choix thérapeutique le plus adapté à proposer au patient… qui a son mot à dire », précise le Dr Tristan Cudennec, gériatre et oncologue à l'hôpital Ambroise-Paré à Boulogne-Billancourt, et secrétaire général de la Société Française de Gériatrie et de Gérontologie.
Dans 20 à 25 % des cas, l'évaluation gériatrique modifie le projet thérapeutique initial (4). Cela concerne le plus souvent les traitements par chimiothérapie revus à la baisse. Elle permet également l'optimisation périopératoire (préhabilitation, réhabilitation) de la prise en charge.
« Sont pris en considération, les risques thérapeutiques (cognitif, nutrition, autonomie fonctionnelle…). Évaluer l'état nutritionnel est fondamental. C'est l'un des principaux facteurs de mortalité », souligne le Dr Cudennec.
En milieu hospitalier, des équipes mobiles dédiées à l'oncogériatrie, avec infirmière et médecin gériatre, se mettent en place. Elles interviennent à la demande des services et participent à des protocoles de recherche. « Celle d'Ambroise-Paré, participe à la base de données hospitalière de la cohorte prospective ELderly CAncer PAtient (ELCAPA) », indique le Dr Cudennec.
L'intérêt de la double expertise
De plus en plus, les spécialistes s'intéressent à la double expertise gériatrie/oncologie. Ils font et feront partie intégrante des équipes thérapeutiques dans les centres habilités à prendre en charge les cancers. Comment se former à cette double expertise ? « Des diplômes universitaires sont proposés dans de nombreuses facultés. La Société francophone d'oncogériatrie (SoFOG), menée de front par des oncologues et des gériatres, organise chaque année ses “journées annuelles” en septembre. Enfin, sur le site de la SoFOG (www.sofog.org), le praticien peut trouver des ressources telles que le G8 (un outil pour déterminer si un patient âgé atteint de cancer a besoin d'une évaluation gériatrique approfondie), bientôt le G-CODE (1), etc. », précise le Dr Cudennec.
Le G-CODE, outil indispensable des études cliniques
Créé sous l'égide de DIALOG (intergroupe de recherche de la SoFOG) et GERICO/Unicancer, le G-CODE (1) sera bientôt disponible sur www.sofog.org. Cet outil va standardiser les éléments gériatriques à recueillir lors d'essais thérapeutiques chez le sujet âgé de 70 ans et plus, atteint de cancer. Il a été élaboré par un panel de 14 gériatres français ayant une expertise en oncologie et en gériatrie. Les recommandations ont été obtenues par consensus formalisé de type HAS et validé par méthode Delphi, avec approbation des résultats par un panel national et international d'experts (oncologues, radiothérapeutes, chirurgiens, infirmières et techniciens de recherche). Parmi les items retenus figurent : les comorbidités et les médications, le fait de vivre seul ou non, l'autonomie fonctionnelle, le risque de chute, l'état nutritionnel, le statut cognitif et thymique (5). Le G-CODE permettra de mieux appréhender les populations, comparer les études et utiliser les résultats en pratique clinique… Diffusons l'information !
(1) Geriatric COre Data sEt
(2) Quoix E et al. Lung Cancer 2011;74(3):364-8
(3) INVS 2013-2015
(4) Kenis C. Ann Oncol 2013;24(5):1306-12
(5) Paillaud E et al. Eur J Cancer 2018;103:61-8
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