Avec près de 15 000 nouveaux cas par an en France, l’incidence des cancers du pancréas ne cesse d’augmenter. « En 2030, ce sera la deuxième cause de mortalité par cancer après les tumeurs bronchiques. Alors qu’on est encore très limité en termes de traitements efficaces, c’est un vrai problème de santé publique », reconnaît le Pr Pascal Hammel, chef du service d’oncologie digestive à l’hôpital Beaujon (APHP, Clichy). Cependant cette année au congrès de l’ASCO, une étude évaluant un inhibiteur de l’enzyme PARP, l’olaparib, a mis en évidence un bénéfice inédit dans un sous-groupe de patients présentant une mutation germinale BRCA 1 ou 2, soit 5 % des cancers du pancréas.
154 patients BRCA mutés inclus dans l’essai
Dans la première partie de l’essai, la mutation BRCA a été cherchée chez plus de 3300 patients tout venant à travers le monde (12 pays), qui ont d’abord été traités par 4 mois de FOLFIRINOX (5FU, irinotecan et oxaliplatine) pour un cancer du pancréas métastatique. Les 154 patients BRCA mutés, dont la progression tumorale était contrôlée (stabilisation ou réponse) avec cette chimiothérapie, ont été inclus dans l’essai de phase III POLO : selon une randomisation 3:2, ils recevaient en traitement de maintenance soit l’inhibiteur de l’enzyme PARP olaparib, soit un placebo. L’âge moyen des patients était de 57 ans et comme attendu, la mutation BRCA 2 plus fréquente que BRCA 1 (environ 70 % contre 30 %). Suite à la première ligne de chimiothérapie, 50 % des patients avaient une réponse tumorale (partielle ou complète). « Dans les cancers du pancréas, on obtient en général environ 30 % de réponses sous FOLFIRINOX. Ici, c’est presque le double car les tumeurs BRCA mutées sont très sensibles aux sels de platine », relève le Pr Hammel.
47 % de réduction du risque de progression tumorale
« Sous olaparib, la survie sans progression était deux fois plus longue que sous placebo », s’enthousiasme le Pr Hammel, coordonnateur de l’étude en France. En effet, la SSP (objectif principal) a atteint 7,4 mois avec l’olaparib versus 3,8 mois sous placebo (p = 0,0038), soit une réduction de 47 % du risque de progression (HR = 0,53). À 2 ans, 22 % des patients traités par olaparib avaient une tumeur toujours contrôlée (versus 10 % sous placebo). « Les patients stabilisés en profitaient autant que ceux en rémission complète », remarque le Pr Hammel. En effet, La SSP était équivalente que les patients aient été répondeurs ou stabilisés suite à la première ligne de chimiothérapie. Chez les patients ayant rechuté, la SSP lors de la seconde ligne de chimiothérapie (FOLFIRINOX ou gemcitabine/nab-paclitaxel) atteignait 13,2 mois sous olaparib versus 9,2 mois sous placebo (HR = 0,76 ; p = 0,26). « Les tumeurs ne reprogressent pas très vite, probablement parce qu’elles ont été longtemps stabilisées et qu'elles sont moins actives », commente le Pr Hammel.
Deux fois plus de répondeurs sous olaparib
« Il y avait deux fois plus de réponses tumorales sous olaparib (23,1 % versus 11,5 %), avec une étonnante durée de réponse de 2 ans (24,9 versus 3,7 mois) », note le Pr Hammel.
Pour l’instant, aucune différence n’est observée en termes de survie globale (18,9 versus 18,1 mois) mais les résultats ne sont pas suffisamment matures. « Un bénéfice en survie globale va sans doute être difficile à montrer car plusieurs patients ayant progressé sous placebo ont ensuite reçu de l’olaparib, ou bien la reprise d’une chimiothérapie efficace a pu gommer la différence initiale ».
La qualité de vie était préservée, sans différence entre les deux bras. Quant au profil de tolérance, davantage de toxicités sévères (grade ≥ 3) étaient rapportées : 40 % sous olaparib versus 23 % avec le placebo. Les principaux effets secondaires sous olaparib étaient la fatigue (60 % versus 35 %), les nausées (45 % versus 23 %) et la diarrhée (29 % versus 15 %).
« C’est le premier essai de phase III international qui valide un traitement ciblé dans le cancer du pancréas, conclut le Pr Hammel. Néanmoins, se pose le problème de la sélection des malades pour la recherche de mutations, des moyens dont il faudrait disposer pour la réaliser à grande échelle et de la sensibilité des tumeurs avec mutation BRCA somatique sans altération germinale ».
D’après un entretien avec le Pr Pascal Hammel (hôpital Beaujon, Paris) et la présentation orale au congrès de l’ASCO le 2 juin 2019 (abstr LBA4).
Golan T., Hammel P., Reni M., et al. Maintenance olaparib for germline BRCA-mutated metastatic pancreatic cancer, N. Engl. J. Med 2019 2 juin 2019.
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