PAR LES Drs JAIME GALLEGO ET JEAN-YVES DELATTRE*
DES ETUDES épidémiologiques menées aux cours des dernières décennies indiquent que l’incidence des glioblastomes (GBM) est en augmentation chez les sujets âgés. La cause exacte en est inconnue, mais l’utilisation plus répandue des moyens diagnostiques comme l’IRM dans les populations âgés est une des explications possibles. Par ailleurs, un âge élevé constitue un facteur pronostique très péjoratif, au même titre qu’un état fonctionnel altéré (indice de Karnofsky, IK ‹ 70 %), ce qui explique en partie la rareté des études spécifiquement dédiées aux glioblastomes des sujets âgés et la tendance à une attitude purement palliative jusqu’à très récemment.
Chez les patients âgés de 70 ans ou plus dont l’état fonctionnel est satisfaisant (IK › 70 %), la radiothérapie postopératoire est pour l’instant le seul traitement validé par une étude de phase III, menée par l’Association des neuro-oncologues d’expression française (ANOCEF). La médiane de survie passe de 17 semaines pour les patients recevant uniquement des soins palliatifs à 29 semaines chez les patients recevant en plus une radiothérapie focale, sans effet péjoratif sur la qualité de vie ni les fonctions cognitives.
En revanche, chez les patients âgés d’au moins 70 ans et en mauvais état fonctionnel (IK ‹ 70 %), il n’existait aucune donnée sur l’intérêt d’un traitement spécifique. En effet, la radiothérapie ne paraît pas indiquée chez ces patients fragiles et lourdement handicapés dont l’espérance de vie est très courte, de l’ordre de 10-14 semaines. En revanche, un traitement par témozolomide (TMZ) semblait être plus intéressant compte tenu de sa posologie orale et de son profil de tolérance favorable. L’essai ANOCEF TAG s’est adressé précisément à cette population, dans le but d’évaluer l’effet du TMZ sur la survie mais aussi sur l’état fonctionnel et la qualité de vie.
L’objectif principal de cette étude prospective multicentrique de phase II, non randomisée, était la survie globale. Les objectifs secondaires étaient la tolérance, la survie sans progression, la qualité de vie et les fonctions cognitives. Les patients âgés de 70 ans et plus atteints d’un GBM et ayant un IK ‹ 70 % étaient éligibles. Le traitement consistait en TMZ selon un schéma classique, soit 150-200 mg/m2 pendant 5 jours consécutifs tous les 28 jours jusqu’à la progression. Au cours du suivi, la qualité de vie a été évaluée avec des questionnaires validés de l’EORTC, et l’état fonctionnel et cognitif avec l’IK et le Mini Mental Status (MMSE), respectivement.
Soixante-dix patients (42 femmes et 28 hommes), dont l’âge moyen était de 77 ans (70-87 ans), ont été inclus entre juillet 2007 et février 2009. Parmi les participants, la plupart (91 %) n’ont eu qu’une biopsie chirurgicale. Seulement un patient avait eu une exérèse complète et 5 patients une exérèse partielle. L’IK postopératoire médian était de 60 % (30-60 %).
En termes d’efficacité, une réponse objective a été observée chez 18 patients (26 %). La survie sans progression à 6 mois était de 30 % (IC 95 % :19-41 %), avec une médiane de 16 semaines (IC 95 % : 10-20 semaines). Le taux de survie global à 6 mois était de 44 % (IC 95 % : 33-56 %). La médiane de survie était de 25 semaines (IC 95 % :19-28 semaines), se comparant favorablement avec les résultats attendus d’une prise en charge purement palliative (10-14 semaines).
Le promoteur du gène de la MGMT (méthyl-guanine-méthyl-transférase) était méthylé chez 13 (42 %) des 31 patients étudiés, et constituait un facteur pronostique favorable indépendant : la médiane de survie ayant augmenté de 19 semaines chez les patients non méthylés et de 31 semaines chez ceux ayant la méthylation (p = 0,03).
Une amélioration de l’état fonctionnel et la qualité de vie.
Un objectif secondaire, mais absolument essentiel, était d’évaluer l’impact du TMZ sur l’état fonctionnel et la qualité de vie. En effet, toute augmentation de la survie chez ces patients dont l’état neurologique initial est gravement altéré ne prend son sens que si elle s’accompagne d’un gain fonctionnel et d’une amélioration de la qualité de vie et des fonctions cognitives chez un nombre significatif de patients. Dans l’étude TAG, l’état fonctionnel s’est amélioré chez un tiers des patients (n = 23) au cours du suivi. Cela a permis à un quart des patients (18 patients) d’atteindre un IK ≥ 70 %, c’est-à-dire, d’être capables de s’occuper d’eux-mêmes. Globalement, la qualité de vie et l’état cognitif des patients se sont aussi améliorés pendant la période de traitement.
Le profil de toxicité a été globalement acceptable avec une neutropénie grade 3-4 chez 9 patients (13 %) et une thrombopénie grade 3-4 chez 10 patients (14 %), des chiffres proches de ceux observés chez les sujets plus jeunes.
Les résultats de cette étude, la première à s’adresser à cette population lourdement handicapée, permettent de tirer plusieurs conclusions. Chez les patients âgés et en mauvais état fonctionnel souffrant d’un GBM, le traitement par TMZ a un profil de tolérance acceptable. Il s’associe à une amélioration fonctionnelle dans un tiers des cas, permettant à la plupart de patients de récupérer une autonomie fonctionnelle. En plus, ce traitement semble s’associer à une amélioration de la survie comparativement à une prise en charge purement palliative, particulièrement chez les patients ayant un statut méthylé du promoteur de la MGMT.
Des études randomisées sont nécessaires pour valider des standards de soins, mais devant les résultats de cette étude, un traitement par TMZ seul paraît une option raisonnable dans cette population fragile.
Afin d’améliorer ces résultats, une nouvelle étude de l’ANOCEF est actuellement en cours testant, dans cette population, l’association du TMZ au bévacizumab, un antiangiogénique.
* Service de Neurologie 2 – Mazarin, groupe hospitalier Pitié–Salpêtrière, Paris. Université Pierre et Marie Curie-Paris 6. Centre de recherche de l’institut du cerveau et de la moëlle épinière (ICM). Unité mixte de recherche (UMR) S975. Institut national de la santé et de la Recherche Médicale (INSERM) U975. Centre national de la recherche scientifique, UMR7225, Paris.
Réference de l’article original : Gállego Pérez-Larraya J, Ducray F, Chinot O, Catry-Thomas I, Taillandier L, Guillamo JS, Campello C, Monjour A, Cartalat-Carel S, Barrie M, Huchet A, Beauchesne P, Matta M, Mokhtari K, Tanguy ML, Honnorat J, Delattre JY. Temozolomide in elderly patients with newly diagnosed glioblastoma and poor performance status: an ANOCEF phase II trial. J Clin Oncol 2011;29:3050-5.
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