Depuis quelques années la durée optimale de l’hormonothérapie fait débat, de même que le meilleur type de schéma.
Faut-il prolonger l’hormonothérapie ?
L’essai ABCSG 16, présenté par Michael Gnant (1) de Vienne, a été conduit dans 71 centres autrichiens entre 2004 et 2010. Randomisées en deux groupes, 3484 femmes ménopausées RH+ (âge médian 64 ans) ont reçu une prolongation (par anastrozole) de leur traitement hormonal adjuvant, pendant 2 ans versus 5 ans. L’hormonothérapie précédente, de 5 ans, était du tamoxifène (51%), une antiaromatase (7%) ou une combinaison des deux (42%). Il s’agissait en majorité de patientes pN0 (66%) avec une lésion pT1 (72%), dont seulement 29 % ayant reçu une chimiothérapie. Avec un recul médian de 106 mois, les taux de survie sans récidive ont été identiques dans les deux bras (71,1% versus 70,3%) suggérant une absence de bénéfices de cette hormonothérapie complémentaire prolongée. Cependant, d’après d’autres études, celle-ci garde probablement un rôle pour les femmes à haut risque, en particulier pN+.
Dans la pratique, les décisions restent donc difficiles et nécessitent un avis en RCP. Il faut tenir compte d’une part des facteurs de risque de rechute (taille, pN, grade, index de prolifération, présence d’embolies) et, d’autre part, du taux de positivité des récepteurs hormonaux (récepteurs aux oestrogènes et à la progestérone). La tolérance du traitement et les toxicités potentielles (accidents thromboemboliques et cancers de l’endomètre avec le tamoxifène, ostéoporose avec les antiaromatases, …) sont également à prendre en compte.
Optimiser la durée de traitement grâce aux CTC
Le Dr Joseph Sparano de New York a présenté les résultats de l’étude E5103 (2), visant à détecter, chez des patientes de stade II et III en rémission à 5 ans après leur traitement pour cancer du sein, d’éventuelles CTC (cellules tumorales circulantes) qui pourraient être prédictives d’une rechute tardive. Parmi les 546 patientes incluses, 48 % avaient des CTC (5,1% chez les 353 patientes RH+ et 4,3% chez les 193 RH-). Avec un recul de 2 ans, on observe 6 récidives parmi les 18 patientes CTC+ et RH+ et aucune récidive parmi les 8 patientes CTC+ et RH-. L’auteur suggère que l’analyse des CTC pourrait constituer un test intéressant pour optimiser la durée de l’hormonothérapie chez les patientes RH+ et individualiser un groupe de patientes susceptibles de bénéficier d’un traitement prolongé. Un recul plus important est toutefois nécessaire pour préciser ces résultats qui semblent aussi en partie corrélés au nombre de CTC identifiées.
Et l’hormonothérapie combinée ?
Les Drs Gini Fleming et Prudence Francis ont présenté les données actualisées des deux essais SOFT (Suppression of Ovarian Function Trial) et TEXT (Tamoxifène and Exemestane Trial) chez les patientes préménopausées (respectivement 3066 et 2672 patientes incluses) (3). Pour rappel, dans l’essai SOFT (4), les femmes étaient randomisées entre tamoxifène 9 ans ou tamoxifène 5 ans plus suppression ovarienne (triptoréline le plus souvent). Avec un recul médian de 8 ans, la suppression ovarienne conférait une réduction absolue du risque de rechute de 4,2% et 7% dans les bras tamoxifène et exemestane respectivement. Le bénéfice était particulièrement important (8,7%) pour les femmes de moins de 35 ans. La survie globale n’était cependant pas améliorée, sauf dans le groupe de patientes ayant reçu une chimiothérapie (donc à plus haut risque de rechute). Les auteurs insistent d’une part sur la nécessité d’un suivi plus important et d’autre part sur l’évaluation précise des toxicités et de la qualité de vie. Les indications optimales de cette « hormonothérapie combinée » chez les femmes jeunes nécessitent donc une discussion individuelle et une évaluation précise du rapport bénéfice-risque (manque de données sur les toxicités à long terme et l’étude approfondie de la tolérance).
OncologueRadiothérapeute à la clinique Courlancy de Reims et président de la Société française de sénologie et pathologie mammaire (SFSPM)
(1) Gnant M, A prospective randomized multi-center phase-III trial of additional 2 versus additional 5 years of anastrozole after initial 5 years of adjuvant endocrine therapy – results from 3,484 postmenopausal women in the ABCSG-16 trial, présentation oraleSan Antonio Breast cancer Symposium (SABCS)
(2) Sparano JA, Circulating tumor cells (CTCs) five years after diagnosis are prognostic for late recurrence in operable stage II-III breast cancer, présentation oraleSan Antonio Breast cancer Symposium (SABCS)
(3) SABCS Abstract #851 GS402 (Update of the combined TEXT and SOFT trials)
(4) SABCS Abstract #844 GS403 (update of the SOFT trial)
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