LE QUOTIDIEN : Que sait-on, en l'état actuel des connaissances, du risque de Covid-19 chez les patients atteints de cancer ?
PR JOSEPH GLIGOROV : Le fait que des patients potentiellement immunodéficients soient plus à risque d’infections virales graves est une notion que nous avions avec le virus de la grippe par exemple, mais ces données concernent surtout les hémopathies malignes.
Dans le cas du SARS-CoV-2, nos collègues chinois ont suggéré que les patients atteints de cancer étaient plus à risque de Covid-19 que la population générale et qu'ils étaient associés à un risque plus élevé de formes graves et de séjours en réanimation. Ces observations, même si elles sont informatives, ne portent que sur un nombre très limité de patients.
Le cancer étant une pathologie survenant plutôt dans les populations âgées et partageant certains facteurs de risque avec le Covid-19, les facteurs confondants de gravité méritent d’être mieux compris.
Toutefois, les recommandations émanant des sociétés savantes ou des institutions ont alerté sur ces surrisques potentiels et ont initialement invité à la prudence pour les patients atteints ou en cours de diagnostic de cancer.
Après les quelques semaines dont nous disposons aujourd'hui, notre impression est que la situation semble moins inquiétante pour les patients atteints de cancers solides en l’absence d’autres comorbidités. En cas de comorbidités entraînant des difficultés réanimatoires ou en cas de surcharge pondérale, le risque de complications est en revanche indiscutablement plus élevé.
Par ailleurs, pour les patients atteints de cancers hématologiques, le risque de complications graves et de mortalité semble nettement plus important.
En cas d'infection Covid-19 chez des patients atteints de cancer, quelles sont les précautions à prendre ?
Dans la plupart des cas, les traitements anticancéreux peuvent être suspendus puis réintroduits après l’épisode infectieux. Néanmoins, certains traitements doivent être maintenus lorsque le pronostic vital est engagé. De plus, les effets prolongés de certains traitements peuvent modifier la capacité de réponse immunitaire ou fragiliser certains organes comme le poumon. Nous sommes donc très vigilants pour réduire au maximum le risque de complications.
Quelles mesures ont été mises en place pour assurer la prise en charge des patients pendant le confinement ?
Les recommandations des sociétés savantes ont rapidement été diffusées. Des secteurs « Covid free » ont été sanctuarisés dans les établissements, et les consultations ont été limitées aux consultations essentielles, la téléconsultation ayant été privilégiée pour les autres.
Dans la majorité des cas, les stratégies thérapeutiques ont été maintenues à l'identique. Certains traitements contraignants - soit en raison du mode d'administration soit en raison du risque de complications - ont pu être substitués par d'autres stratégies lorsqu’elles permettaient d’obtenir des résultats similaires sur la maladie cancéreuse.
Si une partie des actes chirurgicaux nécessitant un passage en réanimation et non urgents ont dû être reportés, les lits de réanimation ayant été réquisitionnés pour les patients Covid-19, la majorité des chirurgies lourdes pour cancer ont été maintenues. La chirurgie cancérologique est probablement celle qui a le moins pâti de la baisse d'activité.
Le confinement est néanmoins à l'origine d'un problème majeur : celui de l'accès aux soins pour les personnes non encore diagnostiquées, avec un risque de retard au diagnostic et à la prise en charge. Pour les cancers d'évolution rapide, les conséquences peuvent être dramatiques, et ceci à tous les âges.
Comment envisager le déconfinement ?
Tous les actes thérapeutiques qui ont été perturbés vont devoir être réalisés, mais surtout, la démarche diagnostique doit être rétablie. La prise en charge des nouveaux cas va amener des changements de stratégie pour les cas graves qui auraient pu être évités s'il n'y avait pas eu ce retard diagnostique.
Les précautions devront bien sûr être maintenues après le déconfinement, car une maladie Covid-19 survenue dans le cadre de la filière diagnostique devra être prise en charge et entraînera un retard thérapeutique supplémentaire.
L'ensemble des établissements met tout en œuvre pour assurer le maintien et la reprise d'une activité efficace et sécurisée. Nos collègues généralistes et spécialistes ne doivent pas hésiter à nous envoyer des patients comme auparavant.
Quel est le rôle de l'association « Vaincre le cancer » en contexte de Covid-19 ?
Cette association accompagne, depuis 1987, médecins, chercheurs et patients dans un objectif unique : celui de guérir le maximum de personnes. Soutenant de nombreuses approches multidisciplinaires dans le domaine de la recherche et des soins, « Vaincre le Cancer » a souhaité très vite apporter des informations pertinentes concernant le Covid-19 aux patients suivis pour cancer, et dont une partie s’est retrouvée encore plus isolée et anxieuse du fait du confinement. La mission de soutien que portent les associations dans ces périodes difficiles est encore plus remarquable.
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