Le colloque Fast, dont la dixième édition s'est tenue en amont de la Journée des cancers de l'enfant du 15 février, a réuni tous les acteurs de l'innovation en oncopédiatrie. Il reste encore beaucoup à faire, mais la dynamique enclenchée donne toutes les chances pour enfin changer d'échelle, estime l'oncopédiatre Gilles Vassal.
LE QUOTIDIEN : Vous êtes très impliqué au niveau de l'Europe dans la lutte contre les cancers pédiatriques en tant que président du réseau Innovative Therapies for Children with Cancer (ITCC). Quel rôle joue le colloque Fast créé en 2013 par l'association Imagine for Margo en France ?
Pr GILLES VASSAL : C'est le seul événement de ce type en France qui réunisse tous les acteurs en oncopédiatrie : médecins et chercheurs académiques, institutionnels, réglementaires, industriels et parents sont tous autour de la table pour défendre l'accès des enfants à l'innovation. Cette année, le ministre de la Santé François Braun était également présent, ainsi que l'ancienne ministre, la Pr Agnès Buzyn, hématologue qui fait partie du comité d'orientation stratégique d'Imagine for Margo. Cela crée du possible.
Le pendant en Europe, c'est la plateforme Accelerate qui, de la même façon, fait collaborer toutes les parties prenantes afin d'accélérer le développement de nouveaux médicaments pour les adolescents et les enfants atteints de cancer.
Quelles sont les grandes avancées en oncopédiatrie de ces 10 dernières années ?
La médecine de précision est une grande avancée. Environ 80 % des enfants atteints de cancer guérissent mais 20 % restent en échec thérapeutique. En France depuis le programme de 2016, tout enfant ne répondant pas au traitement a accès à une analyse moléculaire profonde de sa tumeur. Cela permet d'orienter vers des thérapeutiques adaptées.
L'Institut national du cancer, Imagine for Margo et la Fondation ARC ont porté le projet à ses débuts. Désormais le plan France Médecine génomique 2025 assure la suite.
L'immunothérapie est un champ innovant chez l'enfant avec les CAR-T cells et les anticorps bispécifiques. Ces médicaments évalués et déjà approuvés chez l'adulte ouvrent des possibilités chez l'enfant dans les leucémies et les lymphomes, mais aussi les tumeurs cérébrales et solides.
Autre domaine, la chirurgie du XXIe siècle s'appuie sur le robot qui a changé l'approche chez les enfants. Le guidage par IRM à l'aide d'une intelligence artificielle permet d'éviter des complications et des cicatrices en affinant le geste chirurgical.
Comment améliorer l'accès aux médicaments des enfants ?
Il existe de grands besoins en innovation. Le cancer reste la première cause de décès par maladie chez l'enfant. Cela représente 400 enfants morts chaque année en France.
En mars, dans le cadre de la révision de la loi pharmaceutique, la Commission européenne va déposer une nouvelle proposition de loi au Parlement européen qui pourrait changer la donne. La loi précédente de 2007 n'était pas bien adaptée aux besoins des cancers pédiatriques, il faut être plus incitatif encore.
Certes, ce règlement pédiatrique obligeait les industriels à développer chez l'enfant les médicaments dans la même indication que celle accordée chez l'adulte, avec en contrepartie une extension du brevet de six mois. Et il fallait être contraignant car l'investissement n'était pas très rentable et les industriels craignaient des retombées négatives sur l'utilisation de leur molécule chez l'adulte en cas de problèmes chez l'enfant.
Mais les cancers de l'enfant ne sont pas les mêmes que chez l'adulte. Il existe plusieurs exemples où les thérapies ciblées correspondent à des cibles présentes dans les tumeurs pédiatriques, comme c'est le cas pour les traitements utilisés dans le cancer du poumon qui n'existe pourtant pas chez l'enfant.
Après dix ans de lobbying avec l’association Imagine for Margo auprès des politiques et des institutions pour expliquer cette problématique, nous sommes satisfaits que la nouvelle loi soit déposée. Elle prévoit que les industriels doivent considérer le mécanisme d'action d’un médicament pour le développer chez l'enfant. Ce changement devrait permettre de changer de braquet.
Comment créer un dispositif de rupture pour financer l'innovation ?
Le colloque Fast a réussi à attirer des personnes qui travaillent à booster l'innovation en France et qui ont découvert l'oncologie pédiatrique. Leur faire connaître les besoins des enfants et des adolescents va nous aider à y répondre. Parce que les cancers de l'enfant sont différents de ceux de l’adulte et parce que les anomalies biologiques sont spécifiques, il faut un modèle de rupture pour le développement des médicaments spécifiques aux cancers pédiatriques. Les bioclusters, comme le tout nouveau Paris Saclay Cancer Center, sont aussi des opportunités pour porter des projets pédiatriques et accélérer les innovations.
Les rencontres avec les familles, qui représentaient les deux tiers des participants au colloque, permettent de faire partager les progrès. Il y a une vraie dynamique. L'oncologie pédiatrique, c'est avant tout travailler ensemble. Les pathologies de l'enfant sont rares, et, en recherche, des coopérations européennes et internationales sont indispensables pour mener les essais cliniques et générer les données nécessaires.
La générosité du public est un soutien majeur et essentiel pour accélérer la recherche sur les cancers de l'enfant. La mobiliser est l'une des actions majeures d’Imagine for Margo.
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024