LE QUOTIDIEN : La Ligue a rapporté plusieurs difficultés rencontrées par les patients au cours du confinement. Quelles sont-elles ?
Pr AXEL KAHN : Dès le 10 mars, la Ligue a mis en place une ligne téléphonique d’urgence Covid qui a mobilisé jusqu'à six oncologues pour répondre jour et nuit aux questions des patients. Les milliers d'appels reçus sur cette ligne nationale nous permettent d'avoir un très exact panorama de la situation dans laquelle se sont trouvés les patients atteints de cancer. Nous avons été confrontés à des situations totalement dramatiques, avec au plus fort de la crise une très grande difficulté pour les patients d'obtenir des réponses à leurs interrogations. La cellule d'appels de la Ligue a en effet beaucoup été utilisée par des patients qui avaient des inquiétudes sur leur cancer mais n'arrivaient plus à joindre ni le médecin traitant ni leur oncologue dans les zones de très forte épidémie et de mobilisation générale.
Si dans l'immense majorité des cas, les mesures préconisées consistant à diminuer les venues à l'hôpital, espacer les examens et à repousser les interventions ont pu être mises en œuvre sans perte de chance pour les patients, ces situations ont toutefois créé beaucoup d'angoisse et d'incompréhension. Assez souvent, le malade voyait son rendez-vous annulé sans qu'on lui propose une autre date. De ce point de vue, il y a eu des dommages psychologiques importants.
Sur le plan médical, quelles sont les craintes ?
Notre principale inquiétude concerne le diagnostic de cancer : un déficit de 50 % des diagnostics de cancer attendus a été constaté d'après des sondages réalisés dans les hôpitaux, ce qui correspond à environ 32 000 patients non diagnostiqués. Les comportements individuels ont sans doute joué. Beaucoup de personnes se sont en effet elles-mêmes dissuadées d'aller consulter en raison du contexte.
Pour certains cancers, il y a pourtant urgence, comme un cancer du sein triple négatif débutant ou un cancer du poumon encore opérable, mais qui rapidement ne va plus l'être. Dans nombre de cas, le retard au diagnostic est un retard à la prise en charge et une perte de chance.
Aujourd'hui, les patients doivent aller consulter.
La Ligue a remporté certains succès au cours de cette période…
La Ligue a en effet obtenu que les aidants des personnes malades de cancer encore en activité professionnelle puissent être mis en arrêt de travail pour ne pas risquer de contaminer la personne malade.
Nous avons par ailleurs regretté que les personnes qui devaient venir consulter pendant le confinement n'aient pas eu la possibilité d'avoir de masques. Aujourd'hui, la situation s'est améliorée, mais nous demandons la gratuité des masques pour les personnes en affection de longue durée (ALD). Nous avons eu un début de gain de cause, car cette demande a été acceptée pour le moment pour les patients immunodéprimés, donc ceux sous chimiothérapie.
Nous avons aussi joué un rôle fondamental pour empêcher un déconfinement discriminatoire envers les personnes fragiles. Nous recommandons toutefois que les personnes les plus fragiles prennent un maximum de précaution. Certaines peuvent avoir un nombre plus limité que d'autres d'années à vivre, nous ne pouvons pas les priver du choix de ces mois de vie et les mettre en retrait. Nous avons été écoutés, mais cette disposition était de toute manière anticonstitutionnelle.
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