Utilisée avant la chirurgie dans le carcinome épidermoïde cutané résécable, l'immunothérapie par cémiplimab (un anti-PD1) entraîne une réponse pathologique complète ou quasi complète chez 64 % des patients. C'est ce que montrent les résultats d'un essai de phase 2 présenté lors du congrès de l'European Society for Medical Oncology (Esmo) et paru dans le « New England Journal of Medicine » (« NEJM ») (1).
« Menée dans plusieurs institutions internationales, cette étude confirme une réponse pathologique spectaculaire à l'immunothérapie néoadjuvante dans le carcinome épidermoïde cutané résécable, s'enthousiasme le Dr Neil Gross du département de chirurgie tête et cou du MD Anderson Cancer Center (Houston, Texas), premier auteur de l'étude. Je m'attends à ce que cette nouvelle approche marque un changement de paradigme dans la façon de prendre en charge ces patients à l'avenir. »
La Pr Caroline Robert, cheffe du service de dermatologie à Gustave Roussy, qui n'a pas participé à l'étude, abonde : « Cet essai est très intéressant et devrait bousculer les pratiques, même s'il faut attendre des résultats de phase 3 pour une autorisation dans cette indication. »
51 % de réponse complète
Entre le 20 mars 2020 et le 8 juillet 2021, 79 patients atteints de carcinome épidermoïde cutané de stade II à IV (M0), pris en charge en Australie, en Allemagne ou aux États-Unis, ont été inclus dans l'étude du « NEJM ». L'âge médian des patients était de 73 ans (24-93 ans), et 85 % étaient des hommes. Tous les patients ont reçu du cémiplimab administré à la dose de 350 mg toutes les trois semaines jusqu'à quatre doses, avant l'intervention chirurgicale.
« L'un des avantages du néoadjuvant est de pouvoir connaître rapidement l’effet du traitement en évaluant la réponse pathologique qui correspond à la réponse observée au microscope sur la pièce opératoire, explique la Pr Robert. Les résultats obtenus ici sont très bons. » En effet, une réponse pathologique complète a été rapportée dans 51 % des cas (IC 95 %, 39-62), soit 40 patients, et une réponse pathologique majeure (≤ 10 % de cellules cancéreuses résiduelles viables) a été rapportée pour 13 % des patients (IC 95 %, 6-22), soit 10 patients. Des résultats cohérents avec la réponse objective observée à l'imagerie qui était de 68 % (IC 95 %, 57-78), soit 54 patients.
Ces nouvelles données confirment ainsi celles d'une étude pilote menée par le MD Anderson Cancer Center, présentée à l'Esmo en 2019 et parue dans la revue « Clinical Cancer Research » en 2021 (2). Dans cette étude monocentrique, 55 % des 20 patients inclus ont présenté une réponse pathologique complète après deux doses de cémiplimab en néoadjuvant.
Au cours de la période d'étude, des événements indésirables de tout grade, imputables ou non au traitement, ont été rapportés pour 87 % des patients, et des événements de grade 3 ou plus ont concerné 18 % des patients, « ce qui est habituel pour un anticorps anti-PD1 », précise la dermato-oncologue.
Déjà autorisé en monothérapie
Actuellement, l'anti-PD1 dispose d'une autorisation de mise sur le marché en monothérapie pour le traitement des patients adultes atteints d’un carcinome épidermoïde cutané métastatique ou localement avancé non éligibles à une chirurgie ou une radiothérapie. Mais il n'est pas remboursé en France, regrette la Pr Robert. Pourtant, « c'est un traitement efficace, qui donne 50 % de réponse et permet même de guérir certains patients. Et il est beaucoup moins toxique que la chimiothérapie », explique-t-elle. Le cémiplimab est aussi évalué en adjuvant, après chirurgie ou radiothérapie, dans un essai clinique contre placebo. En revanche, il n'y a pas encore d'étude comparant l'utilisation du cémiplimab en néoadjuvant à son utilisation en adjuvant.
Mais, pour un autre anti-PD1, le pemprolizumab, un essai de phase 2 l'a évalué dans le mélanome de stade III, avec un suivi médian de 14,7 mois (voir aussi page 36). « Dans l'un des bras, les patients recevaient l'immunothérapie en adjuvant, et dans le second, ils recevaient les trois premières injections avant d'être opérés », détaille la Pr Robert. Les résultats après un suivi médian de 14 mois ont été présentés en séance plénière à l'Esmo : « C'est un magnifique résultat qui montre une diminution du risque de récidive de 42 % dans le groupe traité en néoadjuvant par rapport au groupe traité en adjuvant », rapporte la dermato-oncologue. Le concept du néoadjuvant semble ainsi prometteur dans ces cancers de la peau avancés.
(1) N. Gross et al, NEJM, 2022. DOI: 10.1056/NEJMoa2209813
(2) R. Ferrarotto et al, Clinical Cancer Research, 2021. https://doi.org/10.1158/1078-0432.CCR-21-0585
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