PAR LES Drs LAURENT PALAZZO* ET BERTRAND NAPOLEON **
LE DIAGNOSTIC de caractérisation tissulaire des lésions solides de la paroi du tube digestif, des ganglions péri-digestifs et des lésions solides du pancréas, consiste à différencier les lésions non tumorales (inflammatoires le plus souvent) des lésions tumorales (bénignes ou malignes), à distinguer, parmi les lésions tumorales, celles qui sont bénignes de celles qui sont malignes et, parmi les lésions malignes, les différents sous-types de tumeurs malignes (pour les tumeurs solides du pancréas, par exemple, adénocarcinome versus cancer endocrine). Depuis plus de 15 ans, cette caractérisation tissulaire est fondée sur l’étude cytohistologique du prélèvement échoendoscopiquement guidé. La ponction-biopsie-aspiration échoendoscopiquement guidée est une procédure efficace et peu dangereuse. Cependant, il s’agit d’une procédure invasive dont la valeur prédictive négative n’est pas excellente (cf. plus bas), si bien que le raffinement récent des consoles d’échographie utilisées pour l’écho-endoscopie, a conduit progressivement à essayer d’améliorer les performances de la caractérisation tissulaire de l’image échographique elle-même, de la même manière que l’on a essayé d’améliorer, grâce au raffinement du scanner multi-détecteur et de l’IRM de haute définition, les possibilités de caractérisation tissulaire de l’imagerie en coupe. Deux procédés de caractérisation tissulaire sont disponibles avec les nouveaux échoendoscopes électroniques : l’élastographie guidée par échoendoscopie, qui est utilisée maintenant en pratique courante depuis plusieurs années sur les consoles de la firme Hitachi, et plus récemment l’échoendoscopie (EE) de contraste.
Le produit de contraste actuellement utilisé (dit de deuxième génération) est constitué d’un gaz inerte (perfluorocarbone) peu soluble dans l’eau et diffusant peu à travers la membrane de la bulle, contenu dans une capsule de petit diamètre (7 µm) pour passer le filtre pulmonaire et capable de résister à la pression avant de se dissoudre. En France, le produit le plus utilisé est le Sonovue (Bracco) dont les effets secondaires sont rares, essentiellement allergiques. Les contre-indications vasculaires (hypertension artérielle sévère non contrôlée et coronaropathie ischémique instable) sont toujours retenues en France alors qu’elles ont été supprimées aux Etats-Unis. L’échoendoscopie de contraste est fondée sur le recueil du signal de la vibration (oscillation volumétrique) de la microbulle sous l’influence des ultrasons. Son intensité dépend de la flexibilité de la capsule, du gaz utilisé, et de l’index mécanique (IM) des ultrasons. En cas d’IM trop élevé, la bulle explose et le signal disparait instantanément tandis qu’avec un IM très bas, la bulle vibre mais de manière symétrique, ce qui ne permet pas de la différencier du tissu avoisinant. Avec un IM bas, compris entre 0,1 et 0,6, le mode vibratoire est asymétrique et la réponse spécifique (qui produit des harmoniques) peut être captée par la sonde d’échographie. Après l’échoendoscopie de contraste de première génération qui utilisait l’imagerie harmonique en power-Doppler, ce qui correspondait en réalité à une étude assez grossière de la microvascularisation tumorale, une imagerie en harmonique spécifique « multipulse » permettant une étude extrêmement précise de la microvascularisation des lésions tissulaires a été développée par la firme Aloka.
Diagnostic des adénocarcinomes pancréatiques.
Nous disposons maintenant de trois études prospectives contrôlées histologiquement dont l’objectif était d’évaluer les index diagnostiques de la méthode pour le diagnostic des adénocarcinomes pancréatiques (ADK) versus les autres masses solides du pancréas. Si les résultats des prélèvements échoendoscopiquement guidés assurent une sensibilité et une précision diagnostiques de l’ordre de 90 %, la valeur prédictive négative – c’est-à-dire la capacité d’exclure formellement le diagnostic d’adénocarcinome lorsqu’un prélèvement est négatif – ne dépasse pas 65 % dans les meilleures études publiées jusqu’à présent. Les trois études publiées et notamment la dernière qui est une étude française prospective multicentrique ont démontré qu’outre une excellente sensibilité et précision diagnostique› 90 %, avec une valeur prédictive négative de l’EE de contraste pour le diagnostic d’ADK› 85 %. Les ADK sont presque toujours en hyposignal tandis que les autres types de tumeurs (tumeur endocrine, métastase, tumeur bénigne, foyer de pancréatite chronique) sont le plus souvent en hyper- ou isosignal. Dans l’étude multicentrique française (1), la sensibilité, la spécificité, la valeur prédictive positive, la valeur prédictive négative, et la précision diagnostique obtenues ont été respectivement de 95,6 %, 93,5 %, 97,1 %, 90,6 % et 95 %.
Cette étude a également évalué la reproductibilité inter- et intraobservateurs de la méthode en impliquant des seniors et des juniors. Elle démontre que la reproductibilité est excellente et que la courbe d’apprentissage des juniors est très courte, ce qui est en manière d’imagerie un avantage considérable, les juniors obtenant des résultats superposables à ceux des seniors après une seule séance de formation théorique sur bande vidéo. Si l’échoendoscopie de contraste n’a pas vocation à remplacer l’étude cyto-histologique échoendoscopiquement guidée qui reste le gold standard de la caractérisation tissulaire, le résultat des trois études publiées montre qu’en cas de lésion pancréatique solide en hyposignal en échoendoscopie de contraste, c’est-à-dire ayant les caractéristiques d’un ADK, un prélèvement non contributif en termes de cancer doit impérativement être contrôlé par un deuxième ou un troisième prélèvement car la probabilité qu’il s’agisse d’un adénocarcinome est très élevée dans cette situation.
L’EE de contraste est en cours de développement dans d’autres indications : le diagnostic différentiel entre GIST et léiomyome et entre GIST de faible risque et GIST de haut risque et le diagnostic différentiel entre ganglion inflammatoire et ganglion tumoral. A terme, de très nombreux examens échoendoscopiques pourraient justifier la réalisation d’une échoendoscopie de contraste. Reste à convaincre l’AFSSAPS d’en autoriser l’utilisation par les gastroentérologues…
(1) Gincul R, et al. Endoscopy 2012, submitted.
*Clinique du Trocadéro, Paris.
**Hôpital privé Jean Mermoz, Lyon.
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