Cancers des enfants

Lancement d’un projet de biothèque nationale

Publié le 17/02/2011
Article réservé aux abonnés

AUJOURD’HUI, ce sont les biothèques des différentes structures hospitalières qui réalisent le recueil, la congélation, le stockage et la préparation d’échantillons biologiques humains, à partir des prélèvements pour des collections à visée sanitaire ou de recherche protocolisée. Ce matériel précieux pour la recherche est dispersé sur tous les sites de prise en charge. De même, les informations cliniques et biologiques sur le malade, son diagnostic, son traitement et son évolution sont inégalement associées aux informations sur la tumeur. Tous ces renseignements gagneraient à être centralisés, couplés à des données cliniques, biologiques et thérapeutiques validées. Et accessibles, de façon anonyme, à la communauté des chercheurs. C’est justement ce que prévoit le projet Biocap, via une biothèque nationale et virtuelle qui devrait être opérationnelle d’ici 3 ans.

Le projet, inscrit dans le plan Cancer 2, est coordonné par le Dr Jacqueline Clavel, directeur de recherche à l’INSERM, et le Dr Gudrun Schleiermacher, oncopédiatre à l’Institut Curie, au nom de la Société française de lutte contre les cancers et leucémies de l’enfant et de l’adolescent (SFCE). Il poursuit deux grands objectifs : progresser dans la connaissance des mécanismes biologiques à l’origine des tumeurs de l’enfant pour identifier de nouveaux facteurs pronostiques et mieux adapter les traitements existants ; et mettre en évidence des cibles biologiques spécifiques permettant de développer de nouveaux traitements. « Biocap permettra de mieux classifier les tumeurs en décrivant précisément des facteurs de risque qui nous aideront à adapter l’intensité des traitements aujourd’hui disponibles, souligne le Pr François Doz, pédiatre oncologue à l’Institut Curie, professeur de pédiatrie à l’université Paris-Descartes et président du conseil scientifique de la SFCE. D’autre part, la caractérisation biologique et la meilleure compréhension des mécanismes à l’origine de ces tumeurs contribueront, nous l’espérons, à développer de nouveaux traitements plus efficaces et moins toxiques. »« L’originalité de ce projet complexe, ajoute le spécialiste, est l’adossement de données cliniques – dans un registre exhaustif – à des données biologiques. Ce qui permettra d’obtenir des résultats le moins biaisés possibles et, à terme, d’échanger des données au niveau européen, voire mondial. Biocap incitera aussi, sûrement, davantage de chercheurs à travailler sur les tumeurs de l’enfant. »

Une plateforme exhaustive .

Concrètement, la biothèque informatisée Biocap s’appuiera sur une base d’informations solide et standardisée : le registre national des cancers de l’enfant*, qui recueille des données au sein de tous les services prenant en charge les enfants malades. Et qui permet, ainsi, de suivre en permanence le nombre de cas de cancers pédiatriques en France. « Ce registre nous permet de savoir où sont traités les enfants atteints de cancers en France. Mais il ne nous indique pas s’il y a du matériel biologique disponible. Et lorsqu’il y en a, il ne permet pas de le localiser. Biocap, précise le Dr Clavel, comprendra ces informations : les chercheurs pourront ainsi bénéficier de spécimens de tumeurs et de tissus sains correctement annotés par les différentes disciplines impliquées (anatomo-pathologie, cytopathologie, biologie, cytogénétique, immunologie...). Ils sauront ainsi à quel type de maladie correspondent les tissus conservés, s’ils sont de qualité, bien conservés... »

Biocap viendra donc enrichir les données du registre national des cancers de l’enfant, mutualiser les efforts de recueil d’information et les mettre à disposition d’une communauté plus large de chercheurs. « Avec Biocap, ces derniers pourront travailler à partir de la même base d’information : de 3 000 à 5 000 items seront informatisés, précise encore la coordinatrice. En pratique, la base de la biothèque leur permettra de recevoir des annotations sur l’enfant et ses antécédents, sa ou ses tumeur(s), sa prise en charge, ses prélèvements et les études dans lesquelles il est impliqué. Biocap leur permettra également de retrouver rapidement le lien avec les échantillons physiques des tumorothèques. Et de bénéficier d’un interface utilisateurs permettant des interrogations multicritères. » Un groupe de travail national pluridisciplinaire assurera la coordination des différentes étapes d’échanges ainsi qu’une réflexion sur les conditions d’utilisation, de transfert et de confidentialité des informations.

* Le registre national des cas de cancers de l’enfant est alimenté par le Registre national des hémopathies malignes de l’enfant (Villejuif) et le Registre national des tumeurs solides de l’enfant (Nancy).

HÉLIA HAKIMI PRÉVOT

Source : Le Quotidien du Médecin: 8908