La cardiotoxicité des anthracyclines a longtemps été considérée comme dépendante de la dose cumulée. Mais d’après plusieurs études, le risque ne serait pas homogène. Il a donc été stratifié avant traitement, selon le score HFA-ICOS, utilisable pour six classes d’anticancéreux (hormis les immunothérapies). Il se base sur les antécédents cardiovasculaires (CV), les paramètres d’imagerie et en particulier la fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG), les biomarqueurs comme la troponine et les peptides natriurétiques, l’âge, les facteurs de risque CV (FRCV), le tabagisme, l’obésité, le traitement oncologique, l’exposition préalable aux anthracyclines, à la radiothérapie ou au trastuzumab. Chez les patients les plus à risque, il peut être retrouvé différents facteurs : antécédents d’insuffisance cardiaque (IC), cardiomyopathie, toxicité CV, valvulopathie, infarctus du myocarde traité, angor, FEVG entre 50-54 % ou moins de 50 %, âge de plus de 65 ans, biomarqueurs augmentés, hypertension, diabète, insuffisance rénale, traitement préalable par anthracyclines ou radiothérapie, tabac, obésité…
Personnaliser la prise en charge
« Les recommandations proposent maintenant d’intensifier la surveillance échocardiographique et biologique chez les patients à haut ou très haut risque, et de l’alléger en cas de risque faible ou modéré », détaille le Dr Stéphane Ederhy, président du Groupe de cardio-oncologie (GCO) de la Société française de cardiologie (SFC), qui organise les 29 et 30 juin la seconde édition du congrès de cardio-oncologie à Paris.
La consultation de cardio-oncologie n’est pas indispensable chez les sujets à faible risque. Elle sera proposée par l’oncologue en cas de risque modéré, et systématique chez les patients à haut risque. Elle permet de discuter de la balance bénéficie/risque des anthracyclines et de l’indication d’un traitement cardioprotecteur (bêtabloquants, inhibiteurs de l’enzyme de conversion [IEC], antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II [ARAII]). Les éventuelles pathologies ou FRCV sont pris en charge selon les recommandations, et les patients reçoivent une éducation pour réduire les FRCV et reconnaitre les symptômes.
Les patients à faible risque ont, avant l’initiation des anthracyclines, une échocardiographie transthoracique et un ECG (recommandation de niveau I), éventuellement un dosage des biomarqueurs (IIa), et une échographie cardiaque systématique douze mois après la fin du traitement. La surveillance par échocardiographie peut être proposée au quatrième cycle (IIb), et le dosage des biomarqueurs au deuxième, quatrième et sixième cycles, puis trois mois après traitement (IIb). À l’opposé, en cas de haut risque, il sera systématiquement réalisé avant traitement un ECG, une échocardiographie et un dosage des biomarqueurs (I). L’imagerie sera répétée au deuxième, quatrième et sixième cycles de chimiothérapie, ainsi qu’à trois et douze mois après l’arrêt du traitement. Les biomarqueurs sont demandés à tous les cycles (I). Lorsque le risque est modéré, l’ECG et l’échocardiographie sont systématiques avant et douze mois après la fin des anthracyclines. Une échographie peut être proposée au quatrième cycle. Les biomarqueurs sont demandés au deuxième, quatrième et sixième cycles, puis trois mois après la fin du traitement (IIa).
Éviter l’arrêt de la chimiothérapie
Si la fonction cardiaque est altérée sous anthracyclines, la prise en charge dépendra des symptômes. Chez les sujets asymptomatiques gardant une FEVG supérieure à 50 %, on poursuit la chimiothérapie avec l’introduction d’IEC, ARAII et/ou bêtabloquants en cas d’altération du strain longitudinal global ou de la troponine (niveau IIa), ou des peptides natriurétiques (niveau IIb). Lorsque la FEVG chute en dessous de 40 % à 50 %, les anthracyclines doivent être interrompues et le traitement de l’IC initié. Chez les patients modérément symptomatiques (sans hospitalisation, ni inotropes), le traitement de l’IC doit être mis en place, et la poursuite ou non des anthracyclines discutée en réunion multidisciplinaire. En présence de symptômes marqués, il est proposé une interruption de la chimiothérapie (systématique en cas d’hospitalisation), associée au traitement de l’IC. « La nouveauté est la possibilité de poursuivre les anthracyclines lorsque la FEVG reste supérieure à 50 % chez les patients asymptomatiques, et en cas de symptomatologie peu invalidante, sous couvert d’un traitement cardioprotecteur », remarque le cardiologue.
Poursuivre la surveillance
À l’issue des anthracyclines, une réévaluation régulière de la situation CV est nécessaire, en fonction du risque de toxicité défini par le score HFA-ICOS. Chez le patient à faible risque, l’imagerie et le dosage des biomarqueurs n’ont pas leur place au long cours, mais une surveillance annuelle sera instaurée (suivi des symptômes, évaluation des FRCV). En cas de haut ou très haut risque, la consultation de cardio-oncologie est indispensable un an après la chimiothérapie, avec une évaluation annuelle des FRCV et une échographie à un, trois et cinq ans, puis tous les cinq ans. Pour les sujets à risque modéré, il est proposé une consultation un an après la fin de la chimiothérapie, une évaluation annuelle des FRCV, et une échographie cardiaque tous les cinq ans.
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024