L’INCERTITUDE règne et pourtant, sur le cancer de la prostate (CaP), nous avons des chiffres et des certitudes. Les certitudes tout d’abord : que ce soit par prostatectomie totale, radiothérapie, curiethérapie ou par HIFU (Ablatherm), le CaP ne peut être vaincu que lorsqu’il est intra ou éventuellement juxta prostatique. Malheureusement, à ce stade, il est asymptomatique.
Les chiffres sont également connus : prés de 10 000 hommes décèdent chaque année en France de CaP. Les plus âgés d’entre nous se souviennent des années 1970-1980 où, en l’absence de PSA, les cancers étaient diagnostiqués à l’état métastatique. Les patients étaient traités par pulpectomie, ils récidivaient au bout de quelques mois. Les douleurs des métastases osseuses devenaient résistantes aux traitements médicaux, l’os était irradié puis venait le temps de l’accompagnement en fin de vie avec les soins palliatifs. Avec le PSA et la politique de dépistage nous avons ensemble fait reculer la mortalité par cancer de la prostate. Mais le PSA annuel pour tous, a conduit à des dérives et en particulier à des surtraitements morbides.
En fait, il n’existe pas « un » CaP, mais une véritable mosaïque de cancers plus ou moins agressifs. En fonction de leur différenciation (score de Gleason entre autre), certains adénocarcinomes évoluent très vite vers la diffusion métastatique et la résistance aux traitements, alors que d’autres évoluent très lentement, ne rentrant alors pas en compétition avec la mort « naturelle » du patient. C’est le cas des CaP dits à faible risque pour lesquelles la surveillance active peut être proposée. Elle consiste à suivre l’évolution du cancer en étudiant la cinétique du PSA (dosages répétés) et en évaluant son développement sur des biopsies. Cette surveillance active a pour but d’éviter le surtraitement qui reste le principal écueil du dépistage du CaP. Récemment, deux études (européenne, ERSPC et américaine, PLCO) ont montré que le dépistage de masse avec traitement de tous les cancers n’était pas la solution idéale. En effet, environ 40 % des cancers dépistés ont une évolution lente et ne se seraient jamais révélés au cours de la vie. Ce surdiagnostic n’est pas en soi un problème s’il n’impose pas de surtraitement.
Comment faire la part entre CaP à faible risque et CaP à haut risque ? Un des principal paramètre est lié à l’anapath, les biopsies donnent en effet une idée de l’agressivité du cancer. L’autre élément, nouveau, est l’IRM de prostate qui, grâce aux séquences en T2, en perfusion et en diffusion (+/- spectroscopie) permet avec une bonne fiabilité, de repérer les zones tumorales. Le dépistage et le diagnostic précoce vont donc évoluer, d’autant que la population française vieillit et que l’espérance de vie s’allonge. Elle va bientôt dépasser les 80 voire les 85 ans et les centenaires ne seront plus des exceptions. La politique de dépistage du cancer de la prostate devra donc être complètement revue car ces petits cancers indolents risquent alors de devenir de réels fléaux de santé publique
Aujourd’hui, il faut rester très pragmatique, Nous pouvons penser qu’en 2013 il n’est plus justifié de proposer des dosages du PSA aux hommes de plus de 75 ans dans le cadre du dépistage. Ce « cutt off » de 75 ans est théorique et doit être adapté en fonction de l’état général du patient et de son espérance de vie propre. Il faudra le revoir à la hausse si l’espérance de vie continue à croître. Après 50 ans, si le PSA est inférieur à 1 ng/ml, le rythme peut être allégé avec un PSA tous les 3 ou 4 ans. S’il est anormalement élevé, sa cinétique est probablement l’élément le plus discriminatif.
Avec près de 10 000 morts par an liés au CaP nous ne pouvons nous contenter d’être attentistes. Ce nombre est le triple de celui des décès par accident de la route. Personne ne songerait à supprimer la ceinture de sécurité ou la limitation de vitesse pour améliorer les chiffres de la sécurité routière. Pour le CaP, il est inconcevable de jeter aux oubliettes le PSA et l’examen clinique (TR). Il faut repenser le dépistage en intégrant les nouveaux éléments qui permettent de mieux cibler le tissu pathologique : l’IRM, la cinétique du PSA et le score de Gleason. Le PSA n’est pas le marqueur idéal mais il est utile. Il n’est pas question de surtraiter les patients mais d’analyser au cas par cas comment appréhender le vieillissement avec ce cancer. Les progrès des thérapies ont permis de mieux cibler les traitements en diminuant la morbidité (sexualité et continence). Demain le traitement focal c’est-à-dire le ciblage de la zone tumorale par des éléments physiques (ondes focalisées ou cryothérapie), permettra de réduire encore cette morbidité.
C’est en dialoguant avec le patient autour du PSA, des résultats des biopsies et des possibilités de prise en charge qui incluent la surveillance active, que nous pourrons atteindre cette médecine personnalisée qui nous tient tant à cœur.
Secrétaire général de L’Association française d’urologie
Hôpital Foch, Suresnes. Université Versailles St-Quentin-en-Yvelines.
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