Par le Pr Jean-Jacques Tuech*, le Dr Mehdi Karoui** et le Pr Francis Michot*
CONCERNANT la tumorectomie, la voie d’abord transanale du rectum s’est développée il y a une vingtaine d’années avec la « Transanal Endoscopic Microsurgery » (microchirurgie endoscopique par voie transanale), en premier lieu avec du matériel à usage multiple et, plus récemment, avec des trocarts à usage unique dédiés (Endorec, Aspide Médical [France], Applied Medical [Etats-Unis]). Cet abord autorise la résection de lésion bénigne du rectum ainsi que la résection des cancers superficiels (T1) de petite taille (moins de 3 cm), jusqu’à une hauteur de 12 cm lorsque la lésion est de localisation antérieure et de 20 cm lorsque la lésion est de localisation postérieure. La mise à disposition de matériel à usage unique a permis la diffusion de cette technique qui restait, jusqu’alors en France, une pratique confidentielle.
Les indications sont limitées aux cancers superficiels T1sm1 (envahissement du tiers superficiel de la sous-muqueuse) en raison du risque de métastases ganglionnaires faible. Pour des lésions dont le stade est supérieur au stade T1sm3 (envahissement de la partie profonde de la sous-muqueuse) ou lorsque la résection est incomplète ou que la lésion est indifférenciée, la proctectomie avec exérèse du mésorectum reste la règle. Pour les lésions T1sm2, la décision sera prise en réunion de concertation pluridisciplinaire d’oncologie, en prenant en compte le risque oncologique, mais également le risque de morbidité et de mortalité d’une chirurgie complémentaire. La tumorectomie emporte toute l’épaisseur de la paroi rectale. L’analyse anatomopathologique donne ainsi une stadification précise de la maladie, ce qui permet de réaliser, si nécessaire (lésion › T1sm2, résection incomplète, cancer indifférencié), une proctectomie de rattrapage précocement (moins d’un mois) sans risque oncologique pour le patient.
Le concept d’épargne rectale se développe afin de réduire les séquelles de la résection rectale sans altérer les résultats oncologiques. Le rationnel de ce concept repose sur des données de la littérature qui montrent que les tumeurs répondant bien au traitement néoadjuvant ont un meilleur pronostic que les tumeurs ne répondant pas, mais également qu’une réponse sur la tumeur est prédictive d’une réponse sur les ganglions. Une étude randomisée du GRECCAR (Groupe de recherche chirurgicale sur le cancer du rectum) a comparé, dans les cancers du rectum (initialement › T2 de moins de 4 cm), bons répondeurs à la radiochimiothérapie, la tumorectomie à la proctectomie. Les résultats sont en attente, mais des données récentes de la littérature semblent montrer que la tumorectomie de clôture pourrait, chez des patients sélectionnés, être une alternative à la proctectomie radicale. Des stratégies d’optimisation des taux de réponses sont en cours d’évaluation, après radiothérapie (étude GRECCAR 6 évaluant l’impact du délai entre radiothérapie et chirurgie sur le taux de réponse complète) et en débutant la séquence thérapeutique par une chimiothérapie première (étude GRECCAR 4).
La proctectomie par abord transanal.
Encore plus récemment, cet abord transanal a permis la réalisation d’exérèses du rectum du bas vers le haut. La chirurgie endoscopique transluminale par les voies naturelles, connue sous l’appellation NOTES, est en plein développement et devrait permettre une chirurgie sans cicatrice. Ce concept a été appliqué récemment à la chirurgie du rectum. Ces interventions ont été réalisées sur cadavre (1), sur modèle porcin (2) et encore plus récemment chez l’homme (3, 4).
Depuis février 2010, nous avons développé cette technique au sein du CHU de Rouen et du CHU Pitié-Salpêtrière de Paris, devenant des équipes pionnières dans ce domaine.
Cette technique consiste en un abord transanal premier avec dissection du rectum, du bas vers le haut par laparoscopie transanale, jusqu’à entrer dans la cavité abdominale. La procédure est alors poursuivie par voie abdominale laparoscopique. Cette approche hybride permet de disséquer le rectum de manière extrafasciale en respectant les principes de la chirurgie oncologique.
L’avantage de cet abord est d’être fait à l’endroit où va être réalisée la future anastomose colo-anale sans abîmer un organe sain (estomac, vagin…), comme c’est le cas dans les autres abords du NOTES. Il existe encore beaucoup d’obstacles, tout d’abord anatomiques (concavité sacrée et angle du promontoire), mais également liés au manque d’instruments spécifiques (instruments et optiques flexibles) qui ne permettent pas une dissection intra-abdominale.
Notre expérience (Rouen, Pitié-Salpêtrière) de plus de 30 cas, nous a permis d’établir que cette intervention était réalisable chez tous les patients nécessitant une anastomose colo-anale, mais qu’elle était particulièrement utile chez les patients obèses, les hommes avec un bassin étroit et pour les volumineuses tumeurs.
Sur le plan oncologique, cette technique est trop récente pour avoir des résultats de survie à long terme, mais le mésorectum était intact chez tous les patients reflétant la bonne qualité de son exérèse.
Nous avons appelé cette technique ETAP pour Endoscopic TransAnal Proctectomy, mais également pour « étape » vers la chirurgie totalement par NOTES.
Le but de ces stratégies novatrices est de réduire les séquelles fonctionnelles et l’altération de la qualité de vie qui en est la conséquence, tout en maintenant ou en optimisant le résultat oncologique afin de traiter de façon optimale la maladie et le patient.
* Département de chirurgie digestive, CHU de Rouen. Lien d’intérêt : aucun.
** Département de chirurgie digestive, Assistance publique - Hôpitaux de Paris, CHU Pitié-Salpêtrière, institut universitaire de cancérologie (Paris VI), Paris.
1) Fajardo AD, Hunt SR, Fleshman JW, Mutch MG. Transanal single-port low anterior resection in a cadaver model. Surg Endosc. 2010 ;24 :1 765.
2) Trunzo JA, Delaney CP. Natural orifice proctectomy using a transanal endoscopic microsurgical technique in a porcine model. Surg Innov. 2010 ;17: 48-52.
3) Sylla P, Rattner DW, Delgado S, Lacy AM. NOTES transanal rectal cancer resection using transanal endoscopic microsurgery and laparoscopic assistance Surg Endosc. 2010;24:1205-10.
4) Tuech JJ, Bridoux V, Kianifard B, Schwarz L, Tsilividis B, Huet E, Michot F. Natural orifice total mesorectal excision using transanal port and laparoscopic assistance. Eur J Surg Oncol. 2011 ;37 :334-5.
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