Comment le cerveau participe au cancer

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Publié le 17/05/2019
cancer prostate

cancer prostate
Crédit photo : PHANIE

Des neurones, qui se développent au sein même de la tumeur, contribuent au développement du cancer, révèle dans « Nature » une étude INSERM/CEA ayant porté sur la prostate. Plus surprenant encore, ces cellules nerveuses, appelées DCX +, proviennent du cerveau, après avoir passé la barrière hémato-encéphalique et transité jusqu'au microenvironnement tumoral via la circulation sanguine.

Une fois dans la tumeur, ces progéniteurs « se différencient en neuroblastes, puis en neurones adrénergiques producteurs d'adrénaline, explique Claire Magnon, directrice de l'équipe INSERM Atip-Avenir et auteure principale. Or, l'adrénaline régule le système vasculaire et c'est probablement ce mécanisme qui favorise à son tour le développement tumoral ».

Cette recherche ouvre la voie à une nouvelle piste thérapeutique : les bêtabloquants comme anticancéreux. Des observations cliniques soutiennent cette hypothèse en montrant que les patients ayant un cancer de la prostate et traités par bêtabloquant ont de meilleurs taux de survie.

Le rôle inattendu des nerfs dans les cancers solides

La production de nouveaux neurones est rare chez l'adulte, se cantonnant à deux régions particulières dans le cerveau. L'équipe de Claire Magnon vient de montrer que ce phénomène se produit également en dehors du système nerveux central : dans les tumeurs.

Le rôle inattendu des fibres nerveuses dans les cancers solides commence à être connu depuis quelques années seulement. En 2013, la chercheuse Claire Magnon l'avait mis en évidence dans les cancers de la prostate.

Dans cette étude, la scientifique a voulu tester l'hypothèse que le réseau nerveux se formait sur place. À partir des tumeurs de 52 patients atteints de cancer de la prostate, la chercheuse a découvert la présence de cellules exprimant la protéine doublecortine (DCX), connue pour être exprimée par les cellules progénitrices neuronales. De plus, dans les tumeurs étudiées, la quantité de cellules DCX + est corrélée à la sévérité du cancer.

Des progéniteurs cérébraux en transit 

« Cette découverte étonnante atteste de la présence de progéniteurs neuronaux DCX+ en dehors du cerveau chez l'adulte, explique Claire Magnon. Et nos travaux montrent qu'ils participent bien à la formation de nouveaux neurones dans les tumeurs ».

Afin de déterminer l'origine de ces progéniteurs tumoraux, l'équipe a quantifié les cellules DCX + présentes dans le cerveau de souris transgéniques porteuses de tumeurs. Les chercheurs ont observé que lors de l'établissement d'une tumeur, leur quantité est réduite dans l'une des deux régions du cerveau, où elles résident habituellement : la zone sous-ventriculaire.

Les bêtabloquants, une nouvelle piste dans le cancer 

L'équipe a montré à travers différentes expérimentations que ces cellules quittaient cette zone pour apparaître dans la tumeur. « Nous constatons des anomalies de la perméabilité de la barrière hématoencéphalique de la zone sous-ventriculaire chez les souris cancéreuses, favorisant le passage des cellules DCX + dans le sang, explique Claire Magnon. Rien ne permet pour l'instant de savoir si ce problème de perméabilité précède l'apparition du cancer sous l'effet d'autres facteurs, ou si elle est provoquée par le cancer lui-même, via des signaux issus de la tumeur en formation ».

Pour la chercheuse, l'étude de ce réseau nerveux dans le microenvironnement tumoral pourrait apporter des réponses sur le pourquoi des résistances à certains traitements et favoriser de nouveaux médicaments. Deux essais cliniques testant les bêtabloquants en tant qu'anticancéreux ont récemment ouvert aux États-Unis.


Source : lequotidiendumedecin.fr