Pas facile de se mettre dans la peau d'une femme à laquelle on découvre un cancer du sein. Même si Octobre rose réussira sans doute encore à sensibiliser le grand public au dépistage, le cancer reste (souvent) la maladie des autres. Le tour de force d'Agnès Bourguignon, journaliste de presse santé et patiente, est de faire toucher du doigt cette réalité aussi médicale qu'intime. À la lecture des « Cénotes », n'importe quel lecteur se trouve concerné.
Qu'est-ce qui se passe dans la tête d’une femme lorsqu’on lui annonce la présence « d’un intrus en son sein » ? Agnès Bourguignon donne une partie de la réponse dans un livre qui détaille son parcours de patiente. L'irruption « d'un petit K » - elle baptise ainsi son cancer pour évoquer une forme non sévère de la maladie — propulse l'autrice dans un espace fort singulier : « La zone frontière où je me retrouve flotte entre deux eaux : en tant que petit K, je ne suis ni gravement atteinte, ni indemne… »
Un entre-deux
Ni cancer fulgurant, ni maladie ordinaire, le diagnostic maintient la narratrice dans cet étrange entre-deux. Un état particulier où parfois, la visibilité se trouble. Des ressentis qu'Agnès Bourguignon exprime fort bien. Et l'autrice - qui a longtemps écrit pour « Le Quotidien du Médecin » -, permet au lecteur d'approcher cette dimension insolite et hors tout. Car son expérience de patiente suggère autant de réflexions introspectives ou sociétales que des observations anecdotiques telle celle-ci : « J’ai dû corriger une faute de frappe indécelable par un correcteur orthographique : celle qui transforme par mégarde un cancer du sein en "cancer du sien". Et puis un jour, ironie du sort, il s'agit du mien. »
La journaliste - dotée d'un sérieux bagage santé - n'a pu s'empêcher de s'emparer de son statut de patiente pour mener enquête. Son regard affûté se pose sur tous les détails, humains ou matériels qui jalonnent son parcours. Rien ne lui échappe. « Les Cénotes » fourmillent de saynètes et de séquences qui font entrer le lecteur (patient ou pas) en résonance. Le lecteur partage ainsi la déception de la patiente, lorsque «piquée quatre fois et guidée par échographie, l'aiguille de la cytoponction a produit, après analyse des cellules au microscope, un résultat "non contributif" »… En salle d'attente, on écoute avec ses oreilles « deux mamies discuter en attendant d'être reçues l'une et l'autre en consultation pré ou postopératoire : - "je me dis pourquoi moi ?" - "Moi aussi. On n'sait pas mais c'est comme ça" ». On l'accompagne aussi à sa séance de rayons où « deux manipulateurs radio, ou trois en présence d'un stagiaire, manient une télécommande et s'échangent une série de chiffres à décimale, du genre : "T'as quoi comme décalage avec le point de tatouage ? -"3,3" - C'est bon, c'est ça."» Et l'autrice de préciser en voix off : « Ils détiennent le monopole du placement du buste et répètent à l'envi au fil des séances : "N'essayez pas d'aider, laissez-vous faire…" »
Humour et malice
Ici, l'humour, et souvent la malice, ont la part belle. Normal, c'est le parti pris, et le pari (gagné) de l'autrice : « Ce sera un récit plutôt sur un mode humoristique », avait-elle prévenue lorsqu'une amie s'inquiétait de ce projet éditorial. Facétieuse, elle souffle d'ailleurs à son lecteur : « Impossible de traverser cette expérience-là en empruntant le dossier médical de quelqu'un d'autre. » Mais si, comme le concède fort volontiers l'autrice, « un K, même petit, ça bouscule tout ce que l'on croyait acquis », « les Cénotes » d'Agnès Bourguignon, sont (très souvent) jubilatoires.
"Les Cénotes; drôle d'immersion dans le monde d'un petit K" d'Agnès Bourguignon. Fauves éditions, 16 euros.
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024