Que recommande exactement la HAS ?
Jusqu’ici, on propose en France un dépistage de première intention par frottis cervico-utérin (FCU) chez les femmes de 25 à 65 ans tous les 3 ans, après deux premiers examens consécutifs normaux à un an d’intervalle, le test HPV pouvant être demandé en cas d’anomalies après ce premier triage.
L’HAS recommande le test HPV comme premier test de triage uniquement chez les femmes de plus de 30 ans, le FCU n’étant réalisé que dans un second temps si le test est positif. Lorsque l’HPV est négatif, le risque de développer des lésions tumorales est extrêmement faible, aussi est-il licite de ne le refaire qu’après 5 ans. S’il est positif, on pratique alors un frottis. Puis, en cas de FCU anormal, on suit les recommandations actuelles sur la prise en charge des lésions cervicales ; s’il est normal, il s’agit d’une infection à HPV mais qui n’a pas provoqué de lésions, et on refait un test HPV un an après.
Par contre, les recommandations reposent toujours sur le FCU pour la tranche d’âge 25/30 ans. En effet, on sait que 80 % des gens ayant une sexualité sont exposés à l’HPV et que l’infection à HPV se développe dans la majorité des cas après les premiers rapports sexuels, ce qui entraînerait un trop grand nombre de tests positifs si on faisait ce test avant 30 ans.
Quels sont les enjeux du dépistage en France ?
On a pris beaucoup de retard sur le dépistage du cancer du col. Pour être efficace, il devrait couvrir 80 % des femmes et nous n’arrivons pas à 60 %. De plus, certaines femmes se font dépister tous les ans, d’autres jamais. On sait par exemple que la moitié des femmes les plus à risque de cancer du col, les 50-65 ans, ne réalisent pas de FCU. Quant aux plus jeunes, 33 à 35 % ne se font pas dépister.
On souhaitait donc avec un dépistage organisé avoir une couverture homogène, sans surdépistage, ni sous-dépistage. Mais lorsqu’il a été envisagé, on manquait encore d’arguments en faveur du dépistage par test HPV. Actuellement la littérature scientifique et l’expérience d’autres pays confirment la fiabilité de ce test HPV (2). Il est moins spécifique que le FCU, mais bien plus sensible que l’examen cytologique pour le repérage des lésions précancéreuses CIN 2+ et CIN 3+. Dans les pays qui l’ont mis en place, on met en évidence une réduction nette de l’incidence des lésions CIN 3+ et des cancers invasifs du col utérin par rapport au dépistage primaire par la cytologie.
De plus, sur le plan médicoéconomique, si on respecte le délai de 5 ans entre deux tests HPV, son rapport coût/bénéfice serait plus favorable que celui de la stratégie actuelle, comme l’a montrée une étude de l’INCa (3). Mais on n’est pas encore assez bien équipé en France au niveau des laboratoires pour le déployer immédiatement. Et les avis sont partagés entre mettre en place très rapidement un dépistage basé sur le FCU ou attendre que les tests HPV soient au point pour le lancer.
Une réflexion est aussi nécessaire sur l’impact sur la vie sexuelle, d’un test HPV positif, potentiellement anxiogène. Et sur la stratégie à adopter vis-à-vis de la recherche d’autres tumeurs HPV induites, au niveau anal ou ORL par exemple.
Quel est l’intérêt de l’autotest HPV ?
L’HAS recommande aussi l’autoprélèvement pour le test HPV chez les femmes non dépistées ou insuffisamment dépistées à partir de 30 ans également. Une étude du British Medical Journal a conclu qu’il pourrait être aussi fiable que le prélèvement fait par le médecin. Mais il est coûteux, et ne serait proposé qu’à une population cible, sous forme de kit qui leur serait directement envoyé. Et certaines questions persistent, dont le risque de « détourner » les femmes d’une consultation gynécologique qui prend en charge d’autres problématiques. Des expérimentations devraient être menées pour évaluer l’intérêt de l’autoprélèvement dans la population française.
(1) HAS, juillet 2019, Évaluation de la recherche des papillomavirus humains (HPV) en dépistage primaire des lésions précancéreuses et cancéreuses du col de l’utérus et de la place du double immunomarquage p16/Ki67, Synthèse et recommandations
(2) Gina Suzanne Ogilvie, Dirk vanNiekerk & al, Effect of Screening With Primary Cervical HPV Testing vs Cytology Testing on High-grade Cervical Intraepithelial Neoplasia at 48 Months, The HPVFOCAL Randomized Clinical Trial, JAMA July 3, 2018 Volume 320, Number1
(3) Sophie Rousseau, Marc Massetti & al, Évaluation coût-efficacité de la vaccination contre les papillomavirus humains dans le cadre du dépistage du cancer du col de l’utérus en France, http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2019/22-23/pdf/2019_22-23_7.pdf
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024