Depuis quelques années, nos concitoyens, confrères, et politiques de tout poil se rendent compte que nos urgences hospitalières n’arrivent plus à assurer leur mission de manière correcte. De nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer le recours trop facile à ces services pour de la « bobologie ».
Pour éviter un tel engorgement plusieurs solutions sont ou vont être effectives : des maisons médicales de garde tenues par des généralistes assurent des consultations ne nécessitant pas d’examens approfondis, un projet de réorientation vers les libéraux des patients ayant des pathologies peu complexes est à l’étude. Cependant, il me semble important d’aller voir et de travailler dans ces services pour mieux appréhender les raisons à l’origine de cette saturation.
En fait, la part de la bobologie est certes un des maillons dans la majoration du flot de patients admis aux urgences, mais ce n’est pas le maillon fort. Nombreux sont les patients (souvent ils viennent, pour certains, deux à trois fois par semaine) qui viennent trouver au sein de ces unités un réconfort (surtout pour les patients psychiatriques), ou un lieu de vie, voire même une famille pour les rassurer. Le médecin généraliste libéral peut dans une certaine mesure assurer ce type de prise en charge.
Cependant, le plus souvent, cette prise en charge est très chronophage, peut être déstabilisante. En effet, dans ce cas de figure le praticien généraliste joue le rôle du psychiatre, car il existe une réelle pénurie au sein de cette spécialité. Nombreux sont les patients ayant une pathologie psychiatrique chronique, et qui n’ont plus accès à des soins réguliers du fait d’une saturation des centres médico-psychologiques.
Au sein de ces services de « premier recours » on rencontre également des patients ayant des addictions (alcool, drogue). Dans ce cas de figure, ils sont amenés par la force publique (car ils peuvent avoir effectué un acte délictueux) ou les pompiers (ivresse sur la voie publique par exemple).
Ces patients sont nombreux (surtout le dimanche matin), et ils embolisent souvent les urgences car il est difficile de les faire repartir s’ils n’ont pas de discernement suffisant (responsabilité médico-légale). Le médecin généraliste ne peut pas prendre en charge ce type de personnes.
Ces patients rencontrés aux urgences, et ayant des addictions ou des pathologies psychiatriques chroniques, nécessiteraient une prise en charge plus adaptée dans un autre service avec des professionnels plus spécialisés. Leur situation ne nécessite pas une prise en charge immédiate et très spécifique ; juste un peu d’écoute, ce que ne peuvent plus fournir les urgentistes.
Enfin, une autre catégorie de personne est souvent rencontrée dans les services d’urgence : les personnes âgées dépendantes. Ces dernières ne peuvent, du fait d’une décompensation d’une pathologie chronique (diabète, insuffisance cardiaque), rester isolées dans leur appartement. Les urgences sont des solutions de repli pour l’entourage (souvent déficient ou volontairement injoignable), mais aussi pour le médecin traitant qui a peur de mettre en péril la vie du patient si aucune surveillance n’est apportée de manière continue.
Notre ministre avait donné la solution d’un passage direct de ces patients vers les unités gérontologiques ; cela est un vœu pieux car, dans la réalité, ces unités sont souvent débordées (manque de lits) et n’acceptent que difficilement ces patients.
Aussi est-il important, avant de stigmatiser une certaine catégorie de patients fréquentant les urgences, de se déplacer et de voir de manière concrète les difficultés posées au sein de ces services. C’est de cette manière qu’il est possible de donner des pistes pour éviter de mettre à mal la santé mentale des urgentistes qui sont actuellement trop sollicités.
« Le réalisme aboutit à la vérité, la démagogie s’en éloigne » Lop F.
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