LA PREMIÈRE classification des antalgiques établie par l’OMS date de 1986, elle a été revisitée en 1996. Son objectif était essentiellement de favoriser l’utilisation des antalgiques de niveau III dans les douleurs cancéreuses, considérées comme insuffisamment prises en charge, avec la classique hiérarchisation des traitements, passant du niveau I au II en cas d’échec puis au III, en associant si besoin quelques coantalgiques comme les corticoïdes ou les AINS.
Déjà dans les douleurs aiguës, la stratégie doit être inversée comme le font les anesthésistes depuis longtemps, en débutant par un opioïde fort associé à un anti-inflammatoire et un antihyperalgésique comme la kétamine puis en réduisant progressivement les antalgiques et leurs doses.
«La classification en niveaux I, II et III reposait sur le présupposé parallèle entre l’intensité de la douleur et l’efficacité présumée des antalgiques, alors qu’aucune étude scientifique n’a clairement démontré qu’à telle situation douloureuse correspond tel niveau d’antalgique », rappelle le Pr Philippe Bertin.
Des biothérapies aux effets antalgiques.
Alors que nos connaissances sur la physiopathologie de la douleur ont notablement évolué, cette stratification des traitements en fonction des paliers non seulement est dépassée mais est susceptible de conduire à des erreurs dans le champ des douleurs chroniques non cancéreuses. Ainsi, elle peut amener dans des situations douloureuses type fibromyalgie à prescrire aux patients des opioïdes forts, aux effets iatrogènes certains et inefficaces dans ce contexte alors que d’autres stratégies thérapeutiques seraient plus opérantes. Par ailleurs, depuis plusieurs années le concept de douleur neuropathique s’est largement imposé sur le plan physiopathologique puis sur le plan thérapeutique ; or cette composante neuropathique, dont la participation est très fréquente dans les douleurs chroniques, ne répond pas aux antalgiques de niveau I ou II et très mal aux antalgiques de niveau III, même à de fortes doses, alors qu’elle bénéficie des molécules type antiépileptiques ou antidépresseurs qui ne sont pourtant pas dans la classification de l’OMS. On dispose aussi maintenant des biothérapies qui ont un fort effet antalgique, au-delà de leur action étiologique ; ainsi les anticorps monoclonaux anti-NGF (Nerve Growth Factor), élément très impliqué dans la transmission de l’influx douloureux, ou les anti-TNF qui ont démontré que ce soit chez l’animal ou l’homme de leur impact sur la douleur et les molécules qui la médient au-delà de leur effet anti-inflammatoire et immunomodulateur. Ces substances ne figurent pas non plus dans la classification des antalgiques par l’OMS, qui mériterait pourtant d’être enrichie. Car si on y regarde de près, malgré la multiplicité des formes galéniques, les molécules antalgiques reconnues par l’OMS ne sont finalement pas si nombreuses.
Vers une stratégie antalgique plus personnalisée.
«L’évaluation de l’intensité de la douleur a certes fait évoluer sa prise en charge. Il s’agit maintenant de passer à l’étape suivante et pour le praticien de déterminer les composantes physiopathologiques de la douleur -nociceptive, neuropathique, mixte- et de raisonner d’abord en mécanismes d’action des produits, anti-nociceptifs, modulateurs des contrôles descendants inhibiteurs ou excitateurs, inhibiteurs de la transmission périphérique, médicament d’action mixte, etc., l’adaptation de la posologie à l’intensité de la douleur ressentie et à la réponse clinique ne se faisant qu’ensuite », explique le rhumatologue.
Mieux décortiquer les mécanismes de la douleur va aider à comprendre les échecs thérapeutiques dans certaines situations. Penser au médicament en tant que réponse à un mécanisme de la douleur permettra d’inclure toutes ces nouvelles thérapeutiques utilisées comme les antidépresseurs sérotoninergiques et noradrénergiques, les antiépileptiques, la kétamine, les biothérapies… etc.
Entretien avec le Pr Philippe BERTIN, service de rhumatologie, CHU de Limoges.
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