La preuve est encore loin d'être faite, mais cela pourrait être le début d'une polémique : une étude publiée mercredi dans le « JAMA cardiology », avance des premiers indices d'un impact des cigarettes électroniques sur la santé cardiovasculaire.
Le Dr Roya Moheimani, de l’université de Californie, et ses collègues ont mené une étude cas contrôle auprès de 42 volontaires, dont 23 utilisateurs de cigarettes électroniques. Les données des vapoteurs ont été comparées à celles de 19 volontaires non-fumeurs et non utilisateurs de cigarette électronique.
Les chercheurs ont mesuré la variabilité du rythme cardiaque et ont observé un basculement de la régulation par le système nerveux orthosympathique vers une régulation par le système nerveux sympathique. Le recours du système nerveux sympathique est évalué par les auteurs via la mesure des variations du rythme cardiaque des volontaires. Ces examens ont tous été réalisés à midi pour éviter les variations inhérentes au rythme circadien.
L'activité du système nerveux sympathique ne serait pas le seul marqueur de risque cardiovasculaire influencé par la cigarette électronique. Une augmentation du stress oxydatif est également observée. Ce dernier est évalué en mesurant l'oxydabilité du LDL cholestérol, et plus particulière en mesurant la capacité à inhiber du HDL des participants à inhiber l'oxydation du LDL cholestérol. L'oxydabilité du LDL cholestérol est significativement plus élevée chez les utilisateurs de cigarette électronique que chez les non utilisateurs : 3 801 UI contre 2 413.
Des indices très indirects
L'activité de la paraoxonase-1, une enzyme qui empêche la formation de LDL oxydé, est par ailleurs plus faible chez les utilisateurs : 649,9 nmol de paraoxon sont hydrolysées en moyenne par cette enzyme chaque minute dans un mL de sang d'utilisateur de cigarette électronique, alors que cette valeur est que de 892,8 nmol chez les autres participants de l'étude. Les marqueurs de l'inflammation, protéine C réactive et fibrinogène, ne variaient pas significativement entre utilisateurs de cigarettes électroniques et non utilisateurs.
« La principale nouveauté de ces résultats est la découverte, chez des patients en bonne santé, non-fumeurs, mais utilisateurs de cigarettes électroniques des signaux que l'on retrouve habituellement chez des patients à risque cardiovasculaire, y compris chez les fumeurs », concluent les auteurs de l'étude, qui restent toutefois prudents : « Nous ne pouvons pas établir un lien de causalité sur la base de cette unique étude de taille modeste, reconnaissent-ils. D'autres recherches devront être entreprises pour explorer les potentiels effets de la cigarette électronique sur la santé cardiovasculaire », ajoutent-ils.
Des résultats contestés
Ces résultats ne convainquent pas le Pr Bertrand Dautzenberg, pneumologue de l'hôpital de la Pitié Salpêtrière (AP-HP), qui pointe les défauts de recrutement de l'étude. « Les utilisateurs étaient en majorité des anciens fumeurs masculins, et les contrôles majoritairement des femmes qui n'avaient jamais fumé », résume-t-il.
Un des éléments importants soulevés par les auteurs est qu'il ne s'agit a priori pas d'un effet transitoire de l'absorption de la nicotine, puisque ce phénomène est également observé chez les patients qui n'ont pas fumé de cigarette électronique récemment.
Pour le Pr Dautzenberg, même en l'absence de nicotine dans le sang, des produits de dégradation comme la cotinine peuvent expliquer l'incohérence cardiaque. « C'est un phénomène bien connu chez les anciens fumeurs à qui l'on propose d'ailleurs des séances de relaxation et de resyncrhonisation cardiaque, ajoute-t-il. On pourrait probablement obtenir les mêmes résultats avec d'autres produits de substitution comme les patchs à la nicotine. »
Dans un éditorial associé, le Dr Aruni Bhatnagar, de l'université de Lousiville note aussi que « les raisons qui expliquent l'augmentation du stress oxydatif restent obscures », mais que « ces résultats démontrent que la consommation de cigarette électronique n'est pas sans conséquence ».
10 ans sans tabac dans l'espace publique
Cette étude est publiée alors que l'on fête en France le 10e anniversaire de l'interdiction de fumer dans les lieux publics, l'interdction de fumer dans les lieux publics est entrée en vigueur au 1er février 2007. Cette mesure « a changé l'image du tabac dans la société, salue le Pr Dautzenberg, les Français ont pris l'habitude de bannir le tabac de leurs domiciles. Le nombre de fumeurs n'a que peu baissé, mais le nombre de cigarettes consommées par jour a considérablement diminué. On a aussi observé une hausse des ventes de substituts nicotiniques, mais principalement des formes orales pour les arrêts temporaires. »
Pour le pneumologue, la sortie définitive du tabac de la norme sociale a encore progressé depuis l'arrivée du paquet neutre et d'initiatives comme le mois sans tabac. « Il faudrait maintenant une augmentation forte des taxes, mais Bercy refuse », regrette-t-il.
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