Un rapport de la Société française d'alcoologie, communiqué à l'occasion des Journées de la société savante, pointe les « résultats globalement décevants » des différentes études menées sur l'efficacité du baclofène pour réduire la consommation d'alcool des patients alcoolodépendants. Les auteurs, le Pr Mickaël Naassila du groupe de recherche sur l'alcool et les pharmacodépendances de l'Université de Picardie Jules-Verne, et le Pr François Paille du CHRU de Nancy, notent des résultats discordants, qui s'expliquent « au moins en partie par des méthodologies différentes », suggèrent-ils. Les consommations d'alcool à l'inclusion sont variables, les effectifs des études vont de 32 à 320 patients, et les doses de baclofène vont de 30 à 300 mg/j. « Il est à ce moment encore difficile d'établir des conclusions », résument les auteurs.
La SFA demande une nouvelle étude
La SFA demande donc la constitution d'un « essai clinique » mené « dans les meilleures conditions méthodologiques précisant clairement la population cible, les indications, les posologies, les possibilités de personnalisation du traitement, sa durée, les critères de jugement, les méthodes utilisées pour la gestion des données manquantes, les méthodologies statistiques utilisées, l’existence ou non de patients répondeurs… »
Seules les 13 études randomisées, contrôlées en double aveugle, ont été retenues dans l'analyse. Parmi ces travaux, 3 études sont positives en ce qui concerne le maintien de l'abstinence : les 2 études italiennes menées par le Dr Giovanni Addolorato de l'université catholique de Rome et l'étude allemande du Dr Christian Müller (département de psychiatrie de l'université de médecine de Berlin). Les 8 autres études sont négatives sur ces critères, y compris les études Bacloville et Alpadir.
Des effets sur la consommation moyenne
En ce qui concerne la réduction de la consommation, outre les 3 études précédemment citées, les auteurs rappellent que l'étude Bacloville, dirigée par le Pr Philippe Jaury, avait montré une supériorité du baclofène sur le placebo en ce qui concerne le critère principal de jugement mêlant abstinence et réduction de la consommation (56,8 % contre 35,8 %). L'étude américaine menée par le Dr Lorenzo Legio en 2015 a pour sa part montré que la prise de baclofène est associée à une réduction du nombre de jour de forte consommation, sur un petit groupe de 30 patients et le nombre de jour consommé en moyenne par jour.
La question de la relation dose-effet « particulièrement importante, dans la mesure où certains effets indésirables sont clairement dose-dépendants » n'a « pas été évaluée dans la plupart des études et mériterait certainement d'être considérée dans les futurs essais », affirment les auteurs. Les études Alpadir et Bacloville n'étaient en effet pas parvenues à trancher la question des doses, tandis qu'une étude conjointe de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), la Caisse nationale de l’assurance-maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) et l’INSERM, avait montré un surrisque d’hospitalisation et de décès chez les patients exposés à des hautes doses de baclofène.
Un rapport qui suscite de vives réactions
Les conclusions peu enthousiastes de la SFA ont provoqué une levée de boucliers chez les partisans du baclofène. Les associations Aubes et Baclohelp pointent du doigt dans un communiqué, les liens d'intérêt entre les auteurs et les laboratoires Lundbeck, Indivior et Merck Seronoe qui pourraient voir dans le baclofène un concurrent quand Éthypharm obtiendra son AMM. Les Pr François Paille et Mickaël Naassila ne nient pas ces liens qu'ils indiquent dans leur rapport.
Contacté par « le Quotidien », l'auteur de l'étude Alpadir, le Pr Philippe Jaury ne décolère pas non plus. « Encore une fois, on part du principe que l'objectif doit être l'abstinence, regrette-t-il, au cours de l'étude Bacloville, notre but était plus pragmatique : pas plus de 30 g d'alcool par jour. Certains patients finissent parfois par être abstinents, mais c'est de l'abstinence active, et non pas de l'abstinence passive », due à un médicament. Un symposium se retiendra à Cagliari à la fin du mois de mai où sera discutée l'élaboration d'un guide de prescription du baclofène.
Plus réservé, l'investigateur principal de l'étude Alpadir, le Pr Michel Reynaud juge qu'en dépit des réserves de la SFA, « il serait dommage de se priver d'un traitement, qui ne fonctionne peut-être qu'une fois sur 2, mais qui est demandé par les patients ». Pour le Pr Reynaud, la nouvelle étude de grande ampleur demandée par la SFA serait « difficilement imaginable : Éthypharm n'aurait pas suffisamment d'intérêt à investir dans une nouvelle étude, même si l'obtention de l'AMM en dépendait ».
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024