SI LES HOMMES sont globalement plus consommateurs de drogues que les femmes, l’écart varie sensiblement en fonction de l’âge, du milieu social et du niveau d’éducation des personnes. « Lorsqu’ils occupent des positions plus favorables, les hommes tendent à adopter des comportements d’usages plus raisonnables, tandis que les femmes ont tendance à les masculiniser », souligne une étude parue en 2009 dans le BEH(1). Les représentations socio-économiques ont aussi joué un rôle prépondérant dans l’évolution des addictions au féminin. « La femme fumeuse a été stigmatisée jusque dans les années 1950, au moment où l’industrie du tabac a su rendre désirable les actrices. Le tabac a été rendu attractif à tel point que les jeunes femmes sont aujourd’hui plus fumeuses que les jeunes hommes dans les collèges et lycées », relève le Pr Michel Reynaud, chef du département de psychiatrie et d’addictologie aux hôpitaux universitaires Paris-Sud (AP-HP). En hausse de 10 % entre 2008 et 2011, l’usage quotidien de tabac concerne désormais 30,2 % des jeunes femmes de 17 ans (contre 32,7 % des jeunes hommes du même âge) (2). « On est en train d’assister à quelque chose du même ordre avec l’alcool et la banalisation de l’ivresse chez la femme qui était encore stigmatisée il y a peu. Tout s’est totalement inversé ces cinq dernières années, avec une stratégie extrêmement bien construite de la part des producteurs et distributeurs via les réseaux sociaux et les sites internet festifs », poursuit-il. Les épisodes d’ivresse au cours de l’année ont surtout augmenté chez les jeunes femmes de 18 à 25 ans d’après le baromètre santé 2010 de l’INPES (34 % de cette classe d’âge contre 20 % en 2005). S’agissant des drogues illicites, la consommation régulière de cannabis concerne 3,4 % des jeunes femmes de 17 ans (contre 9,5 % des jeunes hommes du même âge). Et 17 % des femmes de 18-25 ans font état en 2010 d’un usage actuel (consommation durant les 12 derniers mois), contre 29 % des hommes de la même classe d’âge. En outre, 1,3 % des femmes de 18-25 ans déclarent un usage de cocaïne au cours de l’année.
Besoin de structures.
Enfin, l’usage régulier de médicaments psychotropes (prescrits ou non) reste une pratique davantage féminine (5 % à 17 ans contre 3 % des hommes selon les données 2005 de l’OFDT). Si à l’instar des hommes, certaines femmes entrent dans les drogues dans un simple but de recherche de plaisir et de sensation, « statistiquement, on est plutôt dans une souffrance en quête d’une solution dans le produit », commente le Pr Reynaud. « Les femmes sont plus vulnérables à la dimension antistress et antidépressive de l’addiction. Elles rentrent plutôt dans les addictions pour apaiser un malaise et une tension interne souvent liée à un malaise, une anxiété, à des histoires traumatiques, physiques, sexuelles, psychologiques importantes. On retrouve ceci avec l’utilisation de l’alcool, du tabac, du cannabis, des médicaments (opiacés et benzodiazépines) dans une dimension qui se veut apaisante », ajoute-t-il. L’entrée des femmes dans la drogue est aussi souvent liée à la dépendance affective à l’égard du conjoint. « Dans différentes enquêtes sur l’addiction féminine, les femmes déclarent qu’elles ont consommé des drogues avec leurs partenaires pour se sentir proches ou partager une expérience ».(3)
Mais par rapport aux hommes, la durée écoulée entre l’expérimentation et la dépendance est généralement plus faible pour les femmes qu’il s’agisse de cocaïne, de cannabis, d’alcool ou d’opiacés. Elles développent aussi plus de problèmes de santé que les hommes liés à la consommation de drogues et restent davantage sujettes à des conduites à risques (transmission VIH, violences…). « En France, la population des femmes usagères de drogues ayant un rapport problématique aux drogues est mal connue », constate une étude du BEH*. « Quand les femmes sont étudiées, c’est essentiellement à travers leur identité de mère et des risques liés à la prise de toxiques pour le fœtus durant la grossesse ». De fait, il y a encore très peu d’unités spécifiques aux femmes dans le domaine de l’addiction où la prise en charge reste très mixte. « Autour de la maternité, de la périnatalité et de la prise en charge précoce, il y aurait un très gros travail à faire qui n’a pas été fait », constate le Pr Reynaud. C’est ce que recommande notamment le « Livre blanc de l’addictologie française » publié l’année dernière en vue d’un prochain plan addictions.
(1)La question du genre dans l’analyse des pratiques addictives à travers le baromètre santé, France, 2005, BEH N°10-11, mars 2009
(2) OFDT, chiffres clés 2012
(3) Femmes et addictions dans la littérature internationale, BEH N°10-11,mars 2009
(4) Femmes et usagères de drogues et pratiques à risque de transmission du VIH et des hépatites (BEH, N°10-11, mars 2009)
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