Amendement à la loi Évin

Les associations antitabac inquiètes

Publié le 27/01/2011
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Crédit photo : AFP

UNE PROPOSITION de loi soutenu par le groupe socialiste radical citoyen (SRC) visant à exclure de l’application de la loi Évin les œuvres artistiques et culturelles (ainsi que leur reproduction) où figure « une image ou une référence liée au tabac » doit être discuté aujourd’hui dans l’Hémicycle. Pour le rapporteur du texte, Didier Mathus (SRC), cette proposition de loi « visant à concilier la préservation de l’intégrité des œuvres culturelles et artistiques avec les objectifs de lutte contre le tabagisme » a « peu à voir avec la politique, peu à voir avec la lutte contre le tabagisme, mais beaucoup à voir avec la protection des œuvres de l’esprit et des œuvres culturelles ». Selon le député, il s’agit au nom de la liberté d’expression artistique de créer une sorte de garde-fou à la législation antitabac en vigueur afin de ne pas dénaturer les œuvres. Pour bénéficier de cette « exception culturelle » à la loi Évin, les œuvres artistiques ne devront ni faire de la publicité ou propagande pour le tabac, ni avoir été financées directement ou indirectement par l’industrie du tabac, précise le texte, adopté le 19 janvier par la commission des Affaires culturelles de l’Assemblée.

Dans un rapport préliminaire, Didier Mathus justifie cette initiative législative en énumérant plusieurs exemples de « censure hygiéniste » sur des œuvres où figurent des représentations du tabagisme. Le cas le plus emblématique demeurant « l’affaire » de la pipe de Monsieur Hulot dissimulée derrière un moulinet-à-vent dans le cadre d’une campagne publicitaire diffusée dans le métro parisien. À l’époque en 2008, la régie publicitaire de la RATP « avait procédé à cette substitution pour se protéger contre d’éventuelles poursuites menées par les associations de tabac », considère Didier Mathus.

Cheval de Troie.

Pour l’association Droits des non-fumeurs (DNF), ce type d’exemple relève d’un « récit médiatique construit de toutes pièces depuis 2 ans et dont l’objectif est de présenter la loi Évin comme liberticide ». De son côté, la Société française de santé publique (SFSP), voit en cette proposition de loi « un cheval de Troie destiné à créer une brèche pour autoriser, à nouveau, la publicité au nom de l’exception culturelle ».

Tandis que de nombreuses associations s’élèvent contre ce texte, le Haut Conseil de santé publique (HCSP), saisi par le ministre de la Santé Xavier Bertrand, « alerte le gouvernement sur le fait que cette proposition de loi ouvre la voie à un détournement de la loi Évin ». Dans son avis, le HCSP rappelle que « toutes les affaires dites de censure présentées dans l’exposé des motifs de ce projet de loi sont des initiatives propres d’organismes publicitaires ou d’entreprises et n’émanent ni des pouvoirs publics ni des associations de lutte contre le tabagisme ». De plus, depuis la promulgation de la loi Évin en 1991, « aucune action en justice pour non-respect de la loi n’a jamais été engagée s’agissant de la représentation de cigarettes ou de tabac dans un contexte artistique ».

Suivant l’avis du Haut Conseil, la secrétaire d’État à la Santé estime que la proposition de loi vise à « résoudre un problème qui ne se pose pas » tout en ouvrant « une brèche » à la loi Évin. « Ce serait une victoire pour les cigarettiers. (…) Rien ne s’opposerait plus à l’utilisation, détournée par un biais artistique et via des canaux difficilement identifiables, de l’imagerie du tabac, accumulée par les industriels. (…) La valorisation forte qui en découlerait (…) se rapprocherait alors très fortement de la publicité », déclare Nora Berra.

DAVID BILHAUT

Source : Le Quotidien du Médecin: 8894