En dépit de l’interdiction de vente de jeux d’argent et de hasard aux mineurs, près d'un tiers d'entre eux s'y adonnent, principalement en ligne, selon une étude de la Société d’entraide et d’action psychologique (Sedap) avec l’appui de l’Autorité nationale des jeux (ANJ).
Cette enquête, menée auprès de 5 000 jeunes de 15 à 17 ans, révèle que 34,8 % des jeunes interrogés en 2021 ont joué au moins une fois à un jeu d'argent et de hasard au cours des 12 derniers mois. Par ailleurs, on dénombre désormais 12,1 % de joueurs problématiques, selon les critères définis par l’indice canadien du jeu excessif (ICJE), et 21,9 % de joueurs excessifs. Ces parts sont en forte progression depuis la précédente édition de l'enquête de 2014, qui comptabilisait 4,5 % de joueurs à risque modéré et 7,6 % de joueurs excessifs.
Dans le détail, l'enquête révèle que les joueurs sont majoritairement des garçons, mais qu'ils proviennent de tous les milieux socioculturels. Les mineurs interrogés ont, en moyenne, commencé à jouer aux jeux d’argent à 13 ans et 3 mois. Dans la moitié des cas, internet est le moyen privilégié d'accès aux jeux d'argent.
L'interdiction de vente aux mineurs, sur le papier seulement…
Quelque 78,4 % des joueurs ont pratiqué des jeux de grattage, qui constituent souvent la porte d'entrée dans les jeux d'argent et sont très prisés par les filles. Près de la moitié (48,4 %) a effectué des jeux de tirage, 28,3 % ont misé sur des paris sportifs, 21,5 % ont réalisé des paris sur des compétitions de sports électroniques (ou e-Sport), alors qu'il s'agit d'une pratique interdite en France. De manière générale, l'interdiction de vente n'est pas perçue comme un obstacle, puisque 88,7 % des jeunes usagers passent par un lieu de distribution physique, alors même que 73,4 % savent pertinemment que la vente de jeu d'argent leur est interdite.
Les auteurs soulignent le rôle des parents qui sont, dans 45,7 % des cas, des partenaires dans l'achat ou la pratique des jeux d'argent. Un quart des jeunes affirment même utiliser le compte d'un de leurs parents pour pratiquer le jeu en ligne. « Certains de ces adultes semblent avoir une position ambiguë dans la mesure où ils interviennent activement dans l’achat et la pratique des jeux d'argent et de hasard de leurs enfants mineurs », constatent les auteurs.
La question de l'encadrement
Ces données font bondir les membres de la Fédération Addiction : « Malheureusement aucune politique ambitieuse et concertée entre l’ensemble des ministères et partenaires concernés n’est aujourd’hui mise en place », pour rendre effectif l'interdiction de vente au mineur et mener des programmes de sensibilisation. « Un plan pluriannuel de financement est nécessaire ! », martèle l'organisation dans un communiqué, où elle rappelle les dispositifs d'accompagnement qui peuvent être mobilisés à dessein : consultations jeunes consommateurs (CJC), Maisons de l’adolescent, Points écoute jeunes et l’ensemble des acteurs du premier recours.
Face aux « techniques marketing agressives » mises en place par les opérateurs de jeu de hasard, et notamment ceux des paris sportifs, la Fédération Addiction réitère ses propositions pour « un encadrement, dans la forme et le fond, de la publicité. » La Fédération recommande d’interdire aux sportifs et commentateurs sportifs d’utiliser leur image pour promouvoir les paris, d’une redéfinition des règles de sponsoring et d’une limitation des publicités autour des matchs (dans les médias et dans les stades).
Les autres jeux pratiqués sont : les paris hippiques (17,7 %), le poker (17,1 %) et des jeux illégaux en France tels que les machines à sous (17,7 %) ou autres jeux de casinos en ligne (16,6 %) et les paris financiers (15,9 %). Dans la majorité des cas, les jeunes joueurs pratiquaient plusieurs jeux. L’enquête démontre que les comportements à risque des jeunes ne concernent pas les joueurs de tirage ou de grattage, mais reposent plutôt sur une pratique diversifiée. « La libéralisation des jeux d’argent et de hasard en ligne pose un problème croissant de santé publique et cette aggravation semble liée aux actions de marketing et de publicité des opérateurs eux-mêmes », réagit le Dr Jean-Michel Delile, président de la Fédération Addiction.
La publicité pointée du doigt
Le rôle de la publicité dans l'accroissement de la consommation de jeux d'argent chez les mineurs est déterminant, dans la mesure où près de neuf joueurs sur dix déclarent avoir lu, vu ou entendu des messages publicitaires relatifs à des jeux d’argent. Dans un tiers des cas, la publicité est identifiée comme une motivation à jouer.
Pour Isabelle Falque-Pierrotin, présidente de l’ANJ : « Le jeu d’argent s’infiltre de plus en plus dans le quotidien des mineurs, relayé par la publicité et par une certaine complicité des parents. L’ANJ est déterminée à mobiliser tous ses outils pour lutter énergiquement contre ces pratiques, y compris par les sanctions. »
« Les résultats de l’étude Enjeu-Mineurs soulignent l’urgence et la nécessité d’élaborer des stratégies de prévention psychoéducatives, réagit Emmanuel benoît, directeur général de la Sedap. La fragilité émotionnelle de l’adolescence constitue un terrain favorable à l’instauration de vulnérabilité, ainsi la protection des mineurs doit être une priorité. »
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