La date du 20 mai 2016 restera sans doute à marquer d’une pierre blanche dans l’histoire de la lutte contre le tabagisme en France. C’est ce jour-là, en effet, que la France a officiellement donné son feu vert à l’entrée en vigueur des paquets de cigarettes neutres. « C’est une mesure très importante qui s’inscrit dans un plan d’action complet et bien coordonné », indique Yves Martinet, professeur de pneumologie au CHU de Nancy et président du Comité national contre le tabagisme (CNCT). « La seule mesure qui manque, en fait, c’est une augmentation des taxes et donc des prix du tabac. On sait que c’est la mesure la plus efficace pour faire baisser la consommation. Mais on n’a pas dit notre dernier mot sur ce point et on compte bien se faire entendre lors de la prochaine élection présidentielle », ajoute le Pr Martinet.
Cette date du 20 mai marque, en fait, une mise en place très progressive du paquet neutre. Depuis, les fabricants doivent produire exclusivement ces paquets pour le marché français. Mais les buralistes auront plusieurs mois pour écouler leurs vieux stocks de paquets classiques. Et c’est seulement à partir du 1er janvier 2017 qu’ils seront obligés de vendre uniquement des paquets neutres.
Sous cette appellation, on désigne des emballages sans aucun signe publicitaire évoquant la marque, dont le nom sera indiqué, mais dans des caractères uniformisés. Les photos chocs, montrant les dégâts du tabac, occupent 65 % de l’emballage contre 30 à 40 % aujourd’hui « L’objectif est de casser la stratégie marketing des cigarettiers qui accordent une grande attention au design des paquets. Pour eux, l’emballage est un vecteur de communication essentiel, une sorte de “vendeur silencieux” redoutablement efficace pour cibler des publics précis : les femmes, les adolescents, etc. », explique le Pr Martinet, en précisant qu’une personne qui fume un paquet par jour montre son paquet jusqu’à 7 000 fois par an. « L’objectif, c’est aussi de dénormaliser l’image du tabac », ajoute-t-il.
Pour l’instant, l’Australie est le seul pays au monde à avoir mis en place, en 2012, le paquet neutre. Un exemple à suivre pour les associations. « Plus de 60 études (British Medical Journal, Addiction, Tobacco Control, etc.) attestent de l’efficacité du paquet neutre. Ces recherches montrent que le paquet neutre influence les comportements et les perceptions des fumeurs. Par ailleurs, celui-ci ne donne pas envie d’être acheté par les adolescents et ne leur donne pas envie de commencer à fumer. En améliorant l’information sur la toxicité des ingrédients, il évite également de tromper les consommateurs », affirme le CNCT, en relevant qu’entre 2010 et 2013, le nombre de fumeurs âgés de 14 ans et plus est passé de 15,1 % à 12,8 % en Australie. « On a aussi constaté une baisse de 3 % chez les jeunes », souligne le Pr Martinet.
Certes, il est difficile de savoir si ces baisses sont directement dues à la mise en place des paquets neutres. Dans le même temps, en effet, l’État australien a aussi lancé une campagne de prévention massive et décidé d’une forte augmentation des prix. « C’est vrai, mais il y a des publications montrant l’impact bénéfique du seul paquet neutre. Et si cette mesure était inefficace, les cigarettiers et les buralistes ne se mobiliseraient avec un tel acharnement pour la faire supprimer », souligne le président du CNCT.
Fonds de prévention du tabagisme
Sinon, le Pr Martinet salue aussi la mise en place du Fonds de prévention du tabagisme, doté de 32 millions d’euros. « C’est également une mesure que nous réclamions pour donner un nouvel élan à la prévention. Pour cela, il faut des moyens financiers considérables car, en face, les sommes investies par les firmes pour la publicité et le marketing sont très importantes. Et c’est de l’argent bien investi. Des études montrent en effet que pour un dollar investi dans la prévention du tabagisme, on économise 55 dollars dans les soins », indique le Pr Martinet, qui se réjouit de l’organisation de l’opération « Moi (s) sans tabac » en novembre prochain. « Même s’il manque l’augmentation des taxes, ce plan tabac est une vraie révolution car il s’agit d’un plan d’une grande cohérence », estime le Pr Martinet.
D’après un entretien avec Yves Martinet, professeur de pneumologie au CHU de Nancy et président du Comité national contre le tabagisme (CNCT)
Exergue : Dénormaliser l’image du tabac
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