Conséquence du vieillissement de la population : on assiste à un glissement des indications chirurgicales vers les âges extrêmes, des patients parfois très âgés, sont opérés alors qu’il y a quelques années, ils auraient été récusés. Cette situation nous impose d’adapter les stratégies analgésiques à cette population souvent très âgée et parfois centenaire.
Dans le domaine de l’analgésie chirurgicale, la littérature plaide pour une réduction significative des doses, qui sont par exemple divisées par deux pour les morphiniques puissants au-delà de 65 ou 70 ans, une injection plus lente des produits et un monitorage étroit. « Nous sommes dans une démarche de titration, en évitant le double écueil du surdosage en morphinique et du sous-traitement », souligne le Pr Frédéric Aubrun. Pendant l’intervention, le rémifentanil est privilégié du fait de son effet on-off et de l’absence de risque d’accumulation, paramètre important chez le sujet âgé dont la fonction rénale est volontiers perturbée.
Après l’intervention, la stratégie se fonde sur une association d’antalgiques, en tenant compte de leurs contre-indications et précautions d’emploi. Le paracétamol est administré à une posologie équivalente à celle des sujets plus jeunes, sauf dans certaines situations (dénutrition, risque de perturbation des fonctions hépatiques). Le néfopam a des contre-indications mais il permet d’améliorer le confort des patients après l’intervention. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens, très utilisés en chirurgie orthopédique et gynécologique, exposent à des complications lorsque la fonction rénale est perturbée, parfois après une seule dose. « Il s’agit donc d’un choix raisonné et raisonnable », poursuit le Pr Aubrun.
Les techniques d’analgésie loco-régionale sont très intéressantes dans la population âgée. Le recours aux blocs plexiques et tronculaires doit être envisagé y compris dans les situations d’urgence, le geste étant facilité par l’échographie. Le patient doit bien sûr être informé de l’intérêt de ce type d’analgésie et de ce qu’il va ressentir pendant l’intervention. Autres techniques : la péridurale ou la rachi-anesthésie, avec une réduction des doses afin de limiter au maximum les conséquences hémodynamiques.
Cette stratégie multimodale doit s’inscrire dans la durée, avec une réévaluation régulière de la douleur. L’échelle visuelle analogique n’est pas adaptée car elle est mal comprise par la moitié des patients. Chez les sujets pouvant communiquer, la douleur est évaluée par une échelle numérique ou une échelle verbale simple, ce qui permet d’affiner les protocoles et d’adapter les doses. En l’absence de communication, ce qui est assez fréquent, l’échelle Algoplus, proposée par le collectif Doloplus est utilisée.
Malgré l’anticipation de l’analgésie au bloc opératoire, les patients ont parfois des douleurs (plus ou moins bien exprimées) à la sortie du bloc. Il faut les calmer en salle de surveillance post-interventionnelle, si besoin par des bolus intraveineux de morphine toutes les 5 minutes, à dose réduite, avec une surveillance étroite. « Il est essentiel de ne pas laisser souffrir un patient âgé au prétexte qu’il élimine plus lentement les médicaments, car la douleur expose à un risque de souffrance myocardique et de troubles des fonctions cognitives. A plus long terme, elle peut se chroniciser et compromettre les résultats d’une chirurgie du genou ou de la hanche notamment.
« Il faut tout de même souligner la nécessité de distinguer l’âge chronologique et l’âge physiologique : Nous prenons en charge des patients de 60 ans en grande misère physiologique, et des patients de 85 ans, en très bon état général. Même qu’il existe des modifications pharmacologiques liées à l’âge des agents que nous utilisons pour soulager la douleur, il n’en demeure pas moins que nous devons tenir compte du parcours personnel du patient dans leur prise en charge au bloc opératoire, en particulier sur le plan de leur analgésie périopératoire » conclut le Pr Aubrun.
D’après un entretien avec le Pr Frédéric Aubrun, chef du service d’anesthésie réanimation, hôpital de la Croix-Rousse, Lyon.
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