« ENTRE LES ANNONCES et les discours des plus hautes autorités de l’État concernant le tabac et la réalité implacable des chiffres, le mandat de Nicolas Sarkozy aura été pour la consommation de tabac dans notre pays, une période de duperie où des décisions purement économiques et fiscales ont été présentées comme des mesures de santé publique », écrit le Pr Bertrand Dautzenberg dans son dernier ouvrage intitulé « La République enfumée » (OFTA édition). Tandis que l’échéance du premier tour approche, le président de l’OFT a tenu à mettre en perspective les quinquennats de Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy sous le prisme de la lutte contre le tabagisme. Le résultat est sans appel : « l’histoire récente du brillant succès du plan cancer I de Jacques Chirac et Jean-François Mattei en 2003 a en contrepoint le calamiteux plan cancer II de Nicolas Sarkozy en 2009. Il y a la distance entre 20 000 vies sauvées et au moins 10 000 sacrifiées, entre lutter contre le tabagisme ou céder amicalement aux intérêts des cigarettiers », résume le Pr Dautzenberg qui met les pieds dans le plat : « Qu’est ce qui explique que des présidents de la République d’un même parti politique, avec une même majorité, avec deux fois Xavier Bertrand comme ministre de la Santé, mènent une politique si différente avec des résultats à l’opposé l’un de l’autre ? » Pour lui, la réponse est sans équivoque : « la seule différence vient du lobby du tabac » qui a vu les portes de l’Élysée plutôt fermées sous Chirac se déverrouiller dès 2007. Pourquoi la porte s’est donc rouverte ? « Je n’en sais rien », confie le Pr Dautzenberg au « Quotidien ». « Tout ce que je sais, c’est que les lobbies ont toujours été là, mais ont eu des marges de manœuvre différentes selon les périodes », poursuit-il. Dans son ouvrage, le Pr Dautzenberg évoque les intrusions dans les arcanes du pouvoir des lobbyistes du tabac.
Justice américaine.
Exercice compliqué car dans le domaine du lobbying, tout est naturellement fait pour que les preuves soient difficiles à recueillir. Des documents saisis par la justice américaine librement accessible sur internet* montrent que Nicolas Sarkozy est ciblé depuis 1993 par l’industrie du tabac car c’est lui qui pilote alors la privatisation de la Société d’exploitation industrielle des tabacs et des allumettes (SEITA). C’est encore Nicolas Sarkozy qui supervise en 2000 la vente des restes des parts de la SEITA détenues par l’État. Dans cette opération, le groupe d’un certain Vincent Bolloré qui détenait des participations dans la SEITA réalisera une plus-value totale de 280 millions d’euros. Lorsque Nicolas Sarkozy entre à l’Elysée en mai 2007, il arrive avec des proches collaborateurs parmi lesquels, Frédéric Lefebvre, « lobbyiste en titre de l’industrie du tabac », cofondateur d’un cabinet de conseil (Pic Conseil) ayant notamment pour clients des cigarettiers. Frédéric Lefebvre est resté actionnaire majoritaire de cette société au moins jusqu’en 2006 alors qu’il exerçait les fonctions de conseiller du ministre de l’Intérieur de l’époque, Nicolas Sarkozy. En 2006, une enquête diffusée sur Canal + révèle qu’un des lobbyistes œuvrant pour Pic Conseil disposait d’un secrétariat au ministère de l’Intérieur sans pourtant avoir de fonction au sein de l’institution. L’analyse du quinquennat de Nicolas Sarkozy interpelle le Pr Dautzenberg : « Quelle a été la véritable nature de l’influence des multinationales du tabac sur les décisions politiques de la présidence ? » Ce qu’il constate, c’est que des décisions ou l’absence de décisions tuent. Chaque année, le tabac est responsable de 73 000 décès prématurés en France. « Des dizaines de milliers de victimes, passées dans l’indifférence générale en pertes et profits dans les décisions des dirigeants qui ont pourtant tout pouvoir sur le contrôle du vecteur de la maladie. Et le président de la République peut être le « premier tabacologue de France », estime le Pr Dautzenberg. « Un changement clair d’orientation de la politique liée au tabac rassurerait à l’évidence sur la capacité de l’Elysée à prendre en toute liberté des décisions qui affectent le quotidien de millions de Français », conclut-il.
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