Consultations jeunes consommateurs

L'addiction, une affaire de famille

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Publié le 29/03/2016
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Crédit photo : PHANIE

Les 540 consultations jeunes consommateurs (CJC) ont attiré plus de jeunes accompagnés de leurs familles en 2015, selon la dernière évaluation de l'observatoire française des drogues et des toxicomanies (OFDT) publiées dans la revue « Tendances » de mars 2016.

Entre 2014 et 2015, la part de personnes amenées aux CJC par la police avait significativement baissé, passant de 41 à 33 %. À l’inverse les orientations par la famille ont progressé de 15 à 20 %. « Cette hausse se retrouve à tous les âges », précisent les auteurs. Les orientations par les professionnels de santé ont également augmenté, pour atteindre 12 % des recours, contre 10 % en 2014. En ce qui concerne les enfants de moins de 25 ans, cette dernière augmentation est surtout le fait des médecins de villes « qui semblent mieux identifier les CJC » complètent les auteurs.

La présence des familles lors de la venue aux consultations est également en hausse : 34 % des consultations se font désormais en présence de la famille. Pour les auteurs, cet afflux de parents est à relier aux compagnes de communications lancées par l'institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES) à destination du grand public. En effet, environ 10 % du public s'est adressé aux CJC du fait d'une action média. « La campagne visait à dédramatiser le recours aux CJC, souvent identifiés à tort comme des centres de soins pour toxicomane », explique la sociologue Caroline Protais, auteur de l'étude parue dans « Tendances ».

« Cette tendance s'accentue depuis quelque temps, confirme le Dr Olivier Phan responsable du CJC du Centre Pierre Nicole à Paris. Nos consultations commencent à s'encrer et le public investit de plus en plus dans les structures ».

Une conséquence de l'implication grandissante des familles : l'augmentation de la proportion des consultations pour consommation excessive de jeux vidéo. Ce motif de consultation génère en effet 5 % des consultations de jeunes venus seuls, contre 14 % des consultations de jeunes venus avec leurs familles et 16 % de celles de familles venues seules.

Une alliance thérapeutique

Cette évolution est jugée « positive » par le Dr Phan, car « il s'agit de jeunes qui ne pourraient pas être touchés autrement que par les familles qui sont les seules à voir les signaux d'alerte : la consommation de jeux vidéo qui est un moyen d'échapper à une sphère familiale sans sortir de chez soi quand le consommateur de cannabis doit sortir pour se fournir ». Il s'agit d'un public vraiment à part, peu consommateur de substances psychoactives. Le cannabis reste la première cause de consultation : 75 % des motifs contre 81 % en 2014. « De manière générale, il est toujours bon que la famille soit présente car nous devons conclure une alliance thérapeutique avec elle », poursuit le Dr Phan.

Les jeunes consommateurs d'alcool (12 % des consultations) constituent un public difficile à toucher par un plan média. Les consultants de 2015 se sont révélés être à la fois plus âgés que ceux de 2014 et caractérisés par une plus grande fragilité socio-économique.

Le paradoxe féminin

Le public féminin, enfin, présente un paradoxe : bien que plus sensible aux campagnes médiatiques que les garçons (13 % ont repéré le dispositif par les médias contre 8 % des garçons) leur présence en consultation reste stable, autour de 19 %. Les derniers résultats de l'étude ESCAPAD laissent pourtant entrevoir une consommation de cannabis non négligeable chez les filles : 23 000 à 26 000 Françaises de 17 ans et plus présentent un risque élevé d'usage problématique. « Le public féminin est plutôt ancré sur les problématiques de consommation de médicament, comme les benzodiazépines et les troubles de l'alimentation, explique le Dr Phan, il s'oriente plus facilement vers les centres médicopsychologiques. » Les auteurs suggèrent de diversifier les lieux de consultation vers des institutions à haute fréquentation féminine, tels le planning familial ou les centres de protection maternelle et infantile.

 

Damien Coulomb

Source : Le Quotidien du médecin: 9483