La stimulation transcrânienne par courant électrique continu peut-elle avoir un effet bénéfique sur le sevrage des fumeurs ? Cette question est au centre d’une thèse de pneumologie soutenue par la Dr Aurélie Le Borgne Krams, actuellement cheffe de clinique dans le service de pneumologie du CHU Larrey à Toulouse. « Ces dernières années, il y a eu plusieurs études sur ce type de stimulation transcrânienne dans le domaine des addictions, par exemple sur la boulimie ou le sevrage à l’alcool et à la cocaïne. Il y a eu aussi quelques publications sur un possible intérêt de cette approche dans le sevrage tabagique », explique la Dr Le Borgne-Krams.
Le principal facteur de risque de rechute tabagique est le craving, ce besoin de rechercher le produit et le consommer de façon compulsive. Il existe deux types de craving. Le premier estinduit par des signaux évoquant le produit incriminé, des situations environnementales ou des affects. Le second est le craving ressenti en l’absence de contexte évocateur. « Le cravinginduit par des signaux implique des structures superficielles dont le cortex préfrontal dorsolatéral (CPFDL), accessible à une neurostimulation », souligne la Dr Le Borgne-Krams.
Pour son étude, elle a choisi d’utiliser la stimulation électrique à courant continu (tDCS), sous la direction du Dr Rouquet (responsable de l’Unité de coordination d’aide au sevrage tabagique) et du Dr Simonetta-Moreau, neurologue. « C’est une méthode qui utilise un courant électrique constant de faible intensité délivré par un stimulateur appliqué au moyen de 2 électrodes bipolaires (une anode et une cathode) posées sur le scalp en regard de la zone cérébrale que l’on souhaite moduler. Et l’idée de départ était qu’une neurostimulation répétée et appliquée sur une zone cérébrale facilement accessible impliquée dans le processus de cravingpourrait le moduler et ainsi réduire la consommation tabagique », indique la Dr Le Borgne-Krams.
L’originalité de l’étude a consisté à évaluer l’effet d’une stimulation transcrânienne répétée par tDCS sur le cortex préfrontal dorsolatéral gauche non seulement sur le craving signaux-induit mais aussi sur différents paramètres évaluant la consommation tabagique : nombre de cigarettes fumées par jour, taux de CO expiré et concentration salivaire en cotinine. « Au total, nous avons inclus 34 patients dans l’étude : 17 dans chaque bras. Il s’agissait tous de patients fumant plus de 15 cigarettes par jour. Les patients du premier bras ont reçu la stimulation transcrânienne, les autres une stimulation placebo. L’étude a duré cinq jours avec une stimulation quotidienne de 20 minutes », indique la Dr Le Borgne-Krams, en précisant que l’étude a été conduite dans l’unité de coordination d’aide au sevrage tabagique du CHU de Toulouse.
« Le premier enseignement est que la stimulation transcrânienne a été très bien tolérée, sans effets secondaires particuliers en dehors de discrets picotements. On a aussi pu constater qu’il s’agit d’un outil simple d’utilisation pour les soignants, bien accepté par les patients et d’un faible coût », indique la thésarde en ajoutant que les effets sur le sevrage tabagique se sont avérés contrastés. « Nous n’avons pas constaté d’effets positifs par rapport au groupe placebo, sur notre principal marqueur, le taux de cotinine salivaire. C’est un marqueur qui varie beaucoup en fonction du métabolisme de la personne et il aurait sans doute fallu une étude avec davantage de patients pour voir un effet plus concluant. Il n’y a pas eu non plus de réduction significative dans le groupe stimulé sur les autres paramètres évaluant la consommation tabagique et sur le craving signaux-induit », explique Aurélie Le Borgne-Krams.
L’étude a quand même mis en évidence, dans le groupe tDCS vraie, une tendance à la réduction de la consommation tabagique se maintenant 10 à 15 jours après la fin des séances de tDCS. « L’utilisation de la stimulation chez des patients gros fumeurs de plus de 20 cigarettes par jour avec une dépendance tabagique plus forte semble également intéressante. Nous avons eu des résultats significatifs sur la réduction du CO expiré et les patients ont eu un ressenti d’un sevrage plus facile. Au final, on peut conclure que cette approche mérite sans doute d’être explorée de manière plus large, sans doute chez des gros fumeurs à forte dépendance et intégrée à des traitements conventionnels du sevrage tabagique », indique la Dr Le Borgne-Krams.
D’après un entretien avec la Dr Aurélie Le Borgne Krams, actuellement cheffe de clinique dans le service de pneumologie du CHU Larrey à Toulouse
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