Paris (75)
Dr Hervé Carter
L’AFSSAPS, l’administration qui s’occupe de l’administration des médicaments, a décidé la restriction de l’usage du RIVOTRIL au motif qu’il est utilisé sans raison écrite (publiée) pour traiter la douleur, ou qu’il est détourné par les toxicomanes. À cause du Mediator et de son usage hors AMM qui pourrait mettre en cause l’Agence, elle décide de maintenir de force le Rivotril dans le strict cadre de son AMM, qui est le nourrisson épileptique, en le déclarant médicament d’exception. Aussi, seuls les pédiatres et les neurologues pourront le prescrire et le numéro de Sécurité sociale du patient figurant sur l’ordonnance d’exception (habituellement réservée à des médicaments nouveaux et très coûteux) permettra de vérifier son usage conforme (l’année de naissance est incluse dans le numéro).
Effectivement, les usages du Rivotril chez l’adulte, acquis depuis sa commercialisation, sont rarement écrits, au détour d’un fascicule sur la douleur, et n’ont donné lieu à aucune publication avec une méthodologie valide selon l’« Evidence-Based-Medecine » (EBM) – vous noterez au passage que les génériques non plus…, mais ce n’est pas le sujet ! Or l’usage s’est propagé de bouche à oreille par la pratique et l’expérience des médecins confrontés aux malades qui souffrent. L’AFSSAPS fonctionne comme une administration, puisqu’elle s’appuie sur l’EBV qui ne fonctionne que sur l’écrit, c’est-à-dire le publié, les avis d’experts (la pondération par l’expérience) ne venant qu’en second. Pour le RIVOTRIL, ces avis ont en l’occurrence été nuls.
Comme le dit Fabrice Hadjadj citant Henri du Buit : « Le glissement totalitaire de la modernité n’est pas à chercher d’abord du côté des sciences de la nature mais du côté de la prédominance de l’écrit sur la parole. De toutes les techniques, l’écriture est la première (non pas dans l’ordre chronologique, sans doute, mais dans l’ordre logique) ; la perversion de la technique en technocratie est d’abord à chercher dans une perversion de l’écriture : "Ce n’est pas la logique des idées, c’est-à-dire l’idéologie, c’est le support de la transmission des idées qui doit être mis en accusation : nous pensons que c’est l’écriture comme instrument essentiel de la transmission qui a engendré et servi de levier aux idéologies mortifères." » (Fabrice Hadjadj, La Foi des Démons, éditions Salvator, 2009, pages 30-31).
On peut en déduire que les méthodes de l’AFSSAPS aboutiront à la mort d’une certaine médecine. Il en sera de même d’ailleurs des recommandations de la HAS quand on les opposera aux pratiques individuelles des médecins. En médecine, on se sert des connaissances écrites dans la mesure où elles peuvent être utiles au malade qui se trouve devant moi, jamais comme une obligation parce qu’elle est écrite « en bonne et due forme ». La pratique médicale s’opposera toujours à la logique administrative. Et si l’administration veut obliger le médecin, elle aboutira à la mort du médecin, en le condamnant par refus d’obtempérer au règlement écrit, ou en décourageant toute nouvelle vocation.
J’espère que l’Académie de médecine et l’Ordre des médecins sauront arrêter cette déconstruction de la médecine.
Le médecin traitant selon ma CPAM
Niort (79)
Dr Gilles Etchgaray
Je vous adresse une lettre que j’ai envoyée au directeur de ma CPAM. Ceci afin d’informer mes confrères de l’interprétation de la notion de médecin traitant faite par celle-ci…
Monsieur,
J’exerce la médecine générale depuis 1981.
Ci-joint un courrier émanant de la CPAM des Deux-Sèvres adressée à un de mes patients pour lui signifier l’accord de prise en charge au titre de l’ALD. Vous noterez comme moi la phrase relative à l’accès direct au spécialiste… [Évoquant le formulaire d’inscription au régime ALD, la CPAM précise au malade que ce document permet « de consulter directement les médecins spécialistes sans avoir à passer systématiquement par votre médecin traitant »]
Je dois en déduire que la notion de médecin traitant n’existe plus !
Je ne le savais pas. De même, s’agit-il de tous les spécialistes ? A priori, oui.
Je suis profondément choqué par la teneur de ce courrier.
Souhaitant une réponse, je vous prie d’agréer, Monsieur, l’expression de mes sentiments attristés.
La Mutualité ou la vérité si je mens
Ermont (95)
Dr Abdelkader Hamma
La mutualité n’en finit pas de se donner une image de marque délétère.
L’UNOCAM a signé lors de la dernière convention, un protocole d’accord sur le secteur optionnel. M. Caniard s’est ensuite dédit au motif que la ponction du gouvernement sur les bénéfices de la mutualité était disproportionnée et injuste.
Il s’agissait d’une augmentation de 3,5 % de la taxe sur les conventions d’assurance (TCA, passant donc de 3,5 % à 7 %). Effectivement, d’après les députés UMP, M. Sébastien Huyghe et Mme Valérie Rosso-Debord, les mutuelles seraient assises sur « un tas d’or ».
C’est ainsi qu’a été déposé un amendement portant sur l’augmentation de la taxe TCA et donc sur les contrats responsables (majorité écrasante du marché de la complémentaire santé), inscrite dans le plan de rigueur Fillon. Cet amendement a été introduit dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2012.
Les médecins raisonnent simplement. Si des élus du peuple ont écrit que les mutuelles étaient « assises sur un tas d’or », c’est qu’il n’y a pas de fumée sans feu… et donc la ponction du gouvernement ne fait que recycler, vers la collectivité, un trop plein financier injustement ponctionné sur les ménages. Quelques chiffres qui vont faire réfléchir les confrères qui vont me lire et leurs patients à l’occasion quand ils les découvriront (sources rapport IGAS, magazine « Que Choisir » et l’INSEE) :
- le chiffre d’affaires des mutuelles en 2008, c’est 27milliards d’euros, leurs réserves : 17milliares et leur fonds d’investissement 8 milliards,
- leur chiffre d’affaires en 2011 : 37 milliards d’euros – soit une croissance de 37 % en 3 ans, donc du 11,5 à 12 % par an. Les salariés seraient aux anges avec une augmentation de leur salaire avec une croissance annuelle à deux chiffres…
Les médecins sont aussi heureux d’apprendre que le montant annuel du remboursement, par la Mutualité, de la chambre seule pour la prise en charge en unité ambulatoire est de 400 millions d’euros.
Deux remarques : cela fait cher pour passer quelques heures dans un lit et ne pas y dormir la nuit suivante (certaines unités font des rotations de deux à trois patients par lit… dans la même journée) ; cette somme est équivalente au montant total annuel des compléments d’honoraires des chirurgiens du secteur libéral… somme pour laquelle toute une profession est stigmatisée à dessein depuis plusieurs années.
Et la mauvaise foi de la Mutualité n’en est alors que plus visible : « Nous serons obligés, dit-elle, de répercuter cela par une hausse des cotisations. » Le calcul est simple : 95 % des contrats verront leurs cotisations augmentées…
Les assurés sociaux jugeront sur pièce : qui limite l’accès aux soins sur le plan financier, les médecins ou la Mutualité ?
Par mesure de rétorsion, la Mutualité, malgré sa signature, refuse d’assumer ses responsabilités. Elle qui se faisait le chantre de la défense des patients, en luttant soit-disant contre l’inégalité de l’accès aux soins, va l’aggraver par cette manœuvre inique. L’augmentation des tarifs a été de 0,9 % dès octobre 2011 puis de 8 % au 1er janvier 2012 en moyenne.
Pour améliorer cet accès aux soins financier, le ministre de la Santé, M. Xavier Bertrand, est alors obligé de légiférer sur le sujet.
Une des réponses de la Mutualité : une interview abracadabrantesque sur BFM radio le 27 mars dernier, où les médecins sont accusés de tous les maux. M. Caniard y manie la langue de bois mais aussi le mensonge par omission.
Il a oublié que, devant témoins (l’ensemble des syndicats médicaux, excusez du peu…), lors des dernières négociations conventionnelles, le nouveau représentant de l’UNOCAM et M. Fréderic van Roekeghem ont admis que les compléments d’honoraires du secteur à honoraires différents (convention médicale signée en 2005) étaient licites et justifiés par une non revalorisation régulière par la CNAM des honoraires des médecins au vu de l’augmentation régulière de leurs charges professionnelles depuis bien des années.
Dans cette émission radiophonique, il fustige les compléments d’honoraires en les qualifiant de dépassements après avoir dit qu’ils sont justifiés, ne parle que des chirurgiens à l’antenne et cite, dans le même temps, la somme de plus de 2 milliards d’euros, ce qui est au moins cinq fois plus que la réalité, en ce qui concerne les chirurgiens.
Mme Hedwige Chevrillon, son interlocutrice bien au fait de la question économique, était étonnée : il n’y a que 25 % de médecins qui sont dans ce secteur et les mutuelles en remboursent une grande partie. En subliminal, 75 % d’entre eux ne le sont pas, donc pourquoi crier au loup s’il n’existe pas…
M. Caniard, arrêtez de protéger le magot de la Mutualité. Cette cagnotte doit servir aux assurés sociaux et améliorer leur accès aux soins. À quoi vous servent vos vignobles et vos immeubles ? Remboursez les lunettes, les soins dentaires, la chirurgie. Faites tout bonnement votre métier pendant que les médecins font le leur.
Le Dr Hamma est vice-président de la Fédération des médecins spécialistes de France (FMSF)
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